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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/275

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ASCÉTIQUE


point autant d’ascétiques distinctes ; ce ne sont que des applications particulières d’une seule et même science surnaturelle, à laquelle il appartient de tout diriger. Toutes ces applications, même quand il s’agit de l’instruction et de la direction des personnes pieuses dans le monde, doivent donc toujours être inspirées par les solides enseignements de la véritable théologie ascétique, bien adaptés à la capacité et aux besoins de ces âmes. T)e ce rapide exposé des principales divisions de l’ascétique et de ses applications les plus importantes, nous pouvons de nouveau conclure qu’elle est vraiment une science pratique, exposant les moyens à employer et la direction à suivre pour arriver à la perfection.

IV. RÉPONSE AUX PRINCIPAUX REPROCHES FAITS A L’AS i i tique. — 1° Elle n’est pas une science, parce que la dévotion qu’elle inspire ne repose, en très grande partie, que sur le sentiment. — Quels que soient les reproches que méritent certaines œuvres ou publications où le rôle du sentiment est exagéré au détriment de la vraie doctrine théologique, il reste toujours vrai que l’ascétique, considérée en elle-même, est vraiment une science théologique, déduisant de principes révélés un certain nombre de conclusions théologiquement vraies. On ne doit point la rendre responsable de défauts dont elle n’est nullement cause.

2 » On reproche à l’ascétique une tendance rigoriste, qui se manifeste parla préférence habituelle du parti le plus sûr ou le plus parfait, ou même par une exagération réelle de nos obligations morales. Une telle tendance, assure-t-on, est en opposition avec la théologie morale, surtout depuis l’acceptation commune du pro babilisme. — Il ne peut y avoir opposition réelle, là où il y a simplement diversité de points de vue. La théologie morale ne s’occupe que de l’existence ou de la permanence d’une véritable obligation morale. Quand cette existence ou cette permanence n’est pas suffisamment démontrée, et que d’autre part il n’y a point d'évidente nécessité supérieure de prendre, dans le cas particulier, le parti le plus sûr, la théologie morale n’ayant en vue que la question de la stricte obligation de conscience, conclut avec raison que, dans la circonstance, la liberté reste maîtresse d’elle-même. L’ascétique, laissant à la théologie morale cette question d’obligation, ne se préoccupe que des moyens pratiques de tendre à la perfection, suivant l'état de vie de chacun et les diverses circonstances particulières. Se plaçant uniquement à ce point de vue, elle conseille ou recommande ce qui est plus parfait, sans en faire une obligation, à moins que cette obligation n’existe en vertu d’un vœu ou d’une loi toute spéciale. Recommander ainsi ce qui est meilleur et plus parfait n’est point condamner ce qu’il y a de vrai dans la doctrine du probabilisme, de même qu’affirmer la vérité du probabilisme, avec toutes les applications légitimes qui s’en déduisent, n’est point un désaveu implicite de l’ascétique. D’ailleurs s’il y a eu, chez certains théologiens moralistes, des tendances et même des exrigoristes, ce n’est pas à l’ascétique qu’il faut les attribuer, mais à l’oubli des vrais principes de la théologie morale.

3° L’ascétique est l’adversaire-né de la scolastique ; on ne peut estimer et cultiver l’une sans se refroidir senBiblement vis-à-vis de l’autre. On donne comme preuve ] plaintes véhémentes de l’auteur de l’Imitation, de Gerson et d’autres contre la scolastique. —Ces plaintes parfois très vives ne sont dirigées que contre les abus de la scolastique ; aussi se font-elles entendre surtout à l'époque de la décadence de la scolastique. Ce que saint Paul avail déjà dit contrôla fausse gnose, ce que plusieurs Pères, après lui, avaient répété contre la fausse philosophie, I auteur de l’Imitation, Gerson, et d’autres ains le redisent contre la scolastique de I école nominalisle d « lecam et de si 3 <l<- ciple - 1 1 autre pai colastiques dénoncent avec vigueur les erreurs parti culières de quelques écrivains ou blâment, dans d’autres auteurs, des expressions inconsidérées qui pourraient être interprétées dans un sens favorable à l’erreur ; jamais ils ne s'élèvent contre l’ascétique elle-même. Ainsi la vraie scolastique est estimée à sa juste valeur par les meilleurs auteurs ascétiques, et la véritable ascétique est appréciée par les bons auteurs scolastiques. Aussi ces deux sciences vont-elles de pair, brillant toutes deux du même éclat chez les maîtres de la scolastique qui sont en même temps les maîtres de l’ascétique, témoin, au xme siècle particulièrement, le bienheureux Albert le Grand, saint Thomas et saint Bonaventure.

4° On reproche à l’ascétique une préoccupation trop exclusive et même égoïste de la perfection individuelle, qui rend presque indifférent à tout le reste, particulièrement aux œuvres de charité et d’apostolat. — Il est vrai qu’en ascétique comme en morale, tout se rapporte à la fin dernière de la sanctification personnelle, cependant avec cette différence que la morale s’occupe seulement de ce qui est strictement obligatoire pour cette sanctification, tandis que l’ascétique se préoccupe surtout de ce qui est simplement meilleur pour ce but suprême. Mais il est également vrai, pour l’ascétique comme pour la morale, que l’exercice de la charité envers le prochain est souverainement important pour notre sanctification personnelle, parce qu’il est conseillé et recommandé pour plaire à Dieu et accomplir sa volonté, si évidemment manifestée sur ce point dans toute la révélation chrétienne. L’ascétique ainsi comprise et pratiquée, loin de détourner des œuvres de charité et d’aspostolat, porte à les pratiquer effectivement, suivant l'état de vie dans lequel on est placé.

II. Comment l’ascétique a. pris une forme scientifique. — I. ENSEIGNEMENTS FONDAMENTAUX CONTENUS

dans LE nouveau testament. — 1° L'Évangile nous rapporte les vrais principes ascétiques enseignés par Jésus-Christ, les conseils de perfection donnés par lui à tous les fidèles avec promesse d’une très ample récompense : abnégation et mortification de tout ce qui est opposé à la vertu, pauvreté volontaire, chasteté parfuite et perpétuelle, œuvres surérôgatoires de miséricorde corporelle et spirituelle, même à l'égard de nos ennemis. Aux âmes plus généreuses qui veulent sincèrement lendre à la perfection, le divin Maître propose la pratique constante et perpétuelle des trois conseils de pauvreté volontaire, de continence perpétuelle et d’obéissance absolue, Matlh., xix, 12, 21, pratique bientôt réalisée dans l'Église par l'état religieux, qui remonte ainsi jusqu'à Jésus-Christ lui-même.

2° Saint Paul dans ses Épitres, commentant les enseignements du divin Maître, développe ces principes fondamentaux de toute l’ascétique. Partant de la notion même de la vie chrétienne qui doit être une imitation île Jésus-Christ, l’apôtre établit les deux grandes lois de cette vie spirituelle : d’une part, mortification de toutes les inclinations et aspirations qui s’opposent au règne de Jésus-Christ en nous, et opposition au monde, Puni., vi, viii, xii ; Gal., v ; Col., m ; Il Cor., iv ; 'fil., ii, 12, etc. ; et, d’autre part, vie d’union constante avec Jésus-Christ, [iris pour règle de nos pensées, de nos affections et de toutes nos actions, Col., ni, 3, 17 ; I Cor., x, 31 : Gal., vi, 14, etc., et inspirant toute noire vie de son amour et de l’amour du prochain. Rom., viii, 3." » ; xii ; 1 Cor., mi. Aux âmes plus généreuses, saint Paul rappelle le conseil de chasteté parfaite donné par Jésus-Christ, I Cor., vii, et

le conseil de détachement mô effectif des biens de

ce inonde. Il Cor., viii, 10 ; ix ; Hebr., mu. 10.

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d’abord remarquer l’enseignement ascétique destiné aux anachorètes ou aux moines. Habituellement emprunté à la sainte Écriture, il nie le plus sou-