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ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE

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verbum angeli, imo Dei per angehtm, UT PLENA, NON SEMIPLEXA GRATIM PRODARETUR. Epist., XXII, Labbe, t. xxi, col. 898. Et cette conclusion paraît encore plus légitime, si l’on considère cette autre parole de la salutation angélique, benedicta tu in mulieribus. Une bénédiction si sublime semble exiger que la sainte Vierge ait échappé à la corruption du tombeau ; car on ne peut nier qu’il y ait là une malédiction spéciale qui répugne à l’excellence d’une créature aussi bénie que la Mère de Dieu. C’est le raisonnement de saint Thomas : Tertia maledictio fuit communis viris et mulieribus, ut scilicet in pulverem reverterentur ; et ab haï immuxis fuit beata VIRGO, QUIA CUM CORPORE EST ASSUMPTA IX C.ELUM. Opusc. in salut, ang.

Le second texte est celui-ci : hiimicitias ponam inter le et mulierem, inter semen luum et senien illius, et ipsa conteret caput luum. Gen., iii, 15. On démontrera dans un autre article, Genèse, iii, 15, qu’il y a là une prophétie messianique, où il est question, sinon à la lettre, du moins au sens spirituel, du démon symbolisé par le serpent, et, d’autre part, du rédempteur et de sa mère qui doivent remporter un triomphe écrasant sur l’ennemi du genre humain. Or, l’Écriture nous apprend que le Christ a vaincu le démon sous un triple rapport, en triomphant du péché qui est son œuvre principale, Joa., i, 29 ; puis de la concupiscence et de la mort qui sont deux fruits du péché. Rom., vii, 23, 25 ; I Cor., XV, 26, 55 sq. Cf. Hebr., ii, 14-15. N’est-il pas juste que la sainte Vierge, qui est merveilleusement associée au Christ par l’oracle messianique comme l’ennemie perpétuelle du démon, ait une large part dans son multiple triomphe ? Il est certain que ni le péché, ni la concupiscence n’ont eu d’empire sur elle. Donc, au même titre, semble-t-il, elle doit triompher de la mort, considérée du moins comme salaire du péché et œuvre du démon. Elle mourra sans doute, à l’exemple de son Fils, mais non de cette mort complète et hideuse qui est la corruption du tombeau. L’assomption sera le couronnement de son triomphe sur le serpent séducteur. Voir J.-B. Terrien, La Mire de Dieu, 1. VIII, c. ii, Paris, 1900, t. il, p. 343 sq.

Ce raisonnement, il faut bien le dire, n’est pas d’une rigueur absolue. Et il ne suffirait certainement pas pour constituer, à lui seul, une preuve scripturaire complète de l’assomption. Mais cette doctrine étant admise et prouve d’autre part, il semble qu’on puisse en retrouver au moins quelques indices dans ces deux textes de l’Ecriture.

II. TRADITION.

Elle nous fournit la seule preuve rigoureuse dans l’espèce. Il convient donc de lui donner un certain développement et de marquer avec soin les principales phases de cette tradition qui légitime pleinement la croyance actuelle de l’Église.

Premiers témoignages historiques, VIe-VIIe siècles.

— Ils nous sont fournis par les écrits des Pères et les documents liturgiques. Le plus ancien écrivain qui mentionne clairiîment l’assomption est Grégoire de Tours. JJominiu susceptum corpus [ Virginis] sanctum in nube de/- ; i ( jussit i" paradisum ubi, nunc, resumpta anima, cum electis ejus cxultans, œtcrnilalis bonis nullo occaturis fine perfruitur, lie gloria martyr., Mirac, 1. I, c. iv, /’. L., t. i.xxi, col. 708. Il semble bien que, dés cette époque, la fête de l’Assomption était célébrée en Gaule, comme l’indique un autre texte de Grégoire, que nous avons cité plus haut. Voir pourtant, en sens contraire, L. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, j). 262. Ou la célébrait certainement au vile siècle, comme le prouvent le Missale gothicum et le Missale gallica1IIHII velu » , qui remontent à la fin de ce siècle, et qui comprennent tous deux de magnifiques prières pour la messe de l’Assomption, celles-ci entre autres : Fusis precibua Dominum implnremus, ut ejus indulgentia Mue defunctt Uberentur a tartaro quo beatm Virginie translatiim corpus est de sepulcro… Quæ nec ii<- corruptione )>i contagium, nec resolutionem pertulil m cro, pollulione libéra, germine gloriosa, assumptione secura… Parum fartasse fueral, si te Chris tus solo sanctificasset introitu, nisi etiam talem malrem adornassel egressu. Rccte ab ipso suscepla es in assumptione féliciter, quem pie suscepisti conceptura per fidem, ut quse terras, non eras conscia, non tenerel rupes inclusa. P. L., t. lxxii, col. 245-246. — A Rome, nous avons dit plus haut que la fête de l’Assomption se célébrait certainement au VIIe siècle. Plusieurs théologiens et liturgistes prétendent même qu’elle existait avant saint Grégoire le Grand († 604), et ils citent à l’appui de leur opinion la collecte suivante d’une messe que contient le sacramentaire appelé grégorien : Veneranda nobis, Domine, hujus diei festivitas opem conférât saiutare >n, in qua sancta Dei genitrix morlem subiit temporalem, XEC TAMEX MORTIS XEXIDUS DEPRIMI POTDIT, quse filium tuum de se gentil incarnation. P. L., t.LXXvm, col. 133. Les mots soulignés désignent certainement la corruption de la mort proprement dite, qui n’a pu atteindre la sainte Vierge, et non la délivrance de péché ou de la peine du péché, comme l’a prétendu Launoy. N’ayant jamais subi l’empire du péché pendant sa vie tout entière, Marie pouvait encore moins en redouter les atteintes après sa mort ; et c’eût été un non sens que de voir là une prérogative spéciale en sa faveur. L’impuissance de la mort à garder la sainte Vierge comme prisonnière ne peut signifier qu’une résurrection proprement dite, c’est-à-dire un privilège dont l’assomption est le couronnement logique. Ce témoignage liturgique, comme on le voit, ne manquerait pas d’importance, s’il remontait surtout à l’époque de saint Grégoire le Grand. Mais il paraît démontré aujourd’hui qu’une partie du sacramentaire qui porte son nom est postérieure à ce pape, et entre autres, la messe de l’Assomption d’où est tirée la collecte Veneranda. Voir Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, p. 117. — En Orient, la plus ancienne attestation de la croyance traditionnelle paraît être celle de saint Modeste, patriarche de Jérusalem († 634), dans son Encomium in dormitionem Deiparsc, P. G., t. lxxxvi, col. 3288 sq. La façon dont il s’exprime au début de son homélie montre bien que la fête de l’Assomption n’était pas d’institution récente à Jérusalem. Sobre de détails sur les circonstances où s’est accompli le mystère, il mentionne pourtant la présence des apôtres amenés de loin auprès de la sainte Vierge par une voie connue de Dieu seul, ô>ç u.6vo ; ininTtxïtxi Weô ;  ; l’apparition du Christ qui vient lui-même au-devant de sa mère, l’ardeur avec laquelle l’âme de Marie séparée de son corps s’élance vers son divin Fils ; puis son prompt retour à la vie, « afin de partager corporellement l’incorruption perpétuelle de Celui qui l’a fait sortir du tombeau et qui l’a attirée à lui, de la maniére que lui seul connaît. » Cette dernière expression, répétée à dessein, vise clairement les apocryphes qui racontent les détails les plus hasardes sur la mort et la résurrection de Marie. Il lient à montrer qu’il ne s’appuie pas sur eux, mais qu’il a puisé à des sources authentiques, et avant tout à la tradition orale. Viennent ensuite les homélies de saint André, qui fut moine à Jérusalem et archevêque de Crète († 720), In dormitionem Deiparm, P. G., t. xcvii, col. 1053 sq., 1081 sq. ; de saint Germain, patriarche de Constantinople († 7 : i : i), lu sanctam Dei G-enilricis dormitionem, I’. G., t. xcviii, col. 345 sq. ; et enfin de saint Jean l).(iiiascène(† 760), In dormitionem beatec Marix Virginis, P. G., I. xevi, col. 716 sq.

Y a-t-il des textes antérieurs ?

Certains théologiens, désireux sans doute de faire remonter la tradition écrite le plus haut possible, ont eu le tord de s’appuyer sur des textes d’autorité douteuse ou même sûrement apocryphes. Il est démontré, par exemple, que le livre des Noms divins n’est pat l'œuvre d’un disciple de saint Paul, mais d’un écrivain de la fin du Ve siècle, et que