Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

2349

AUGUSTIN (SAINT)

2350

Saint-Esprit était formellement descendu à la Pentecôte, comme l’incarnation appartient seulement au Fils. De là en particulier cette explication fréquente des théophanies de l’Ancien Testament, d’après laquelle le Fils seul avait apparu aux anciens patriarches. Saint Augustin proclame d’abord qu’en réalité les tliéophanies sont nécessairement l’œuvre de toute la Trinité, quoique l’une des personnes puisse être parfois spécialement manifestée* De Trin., 1. III, c. XVII, n.32, P. L., t. XLH, col. 866. Le Père, ajoute-t-il, peut, aussi bien que le Fils, apparaître. Ifvd., n. 32-33 ; cf. c. x, n. 17-18, col. 835. De fait, au paradis terrestre, ce n’est pas une personne, c’est la Divinité, Père, Fils et Saint-Esprit (indiscrète Deus) qui s’est manifestée, ibid., n. 16-17, col. 855 ; et les paroles entendues par Adam n’ont pas seulement été produites par la Trinité, mais au nom de la Trinité, personam demonstrantes ejusdem Trinitatis. Ibid., n. 18, col. 857. D’ailleurs, dans ces apparitions, la Trinité s’est ordinairement servie des anges comme de messagers pour se manifester sous une forme créée. De Trinit., 1. III, c. xi, n. 27, col. 886. linlin dans l’incarnation elle-même, bien que seul le Verbe communique sa personnalité à l’humanité du Christ, toute la Trinité a opéré cette ineffable union : humanam illam formant ex Virgine Maria Trinitas operata est, sed solius Filii persona est ; visibilem namque Fiiii solius personam (c’est-à-dire l’humanité visible) invisibilis Trinitas eperala est. De Trin., 1. II, c. x, n. 18, col. 857.

C. Enfin, Augustin a jeté les fondements de la théorie psychologique des processions : dans cette conception, systématisée plus tard par Anselme et achevée par saint Thomas, l’esprit essaie de pénétrer la vie intime de Dieu et, contemplant la nature divine douée d’intelligence et de volonté, explique par ces deux opérations le nombre et la nature des processions concernant l’origine du Fils et du Saint-Esprit : le Fils naît du Père comme Verbe de l’intellection divine, per modum intelligibilis actionis, dira saint Thomas, Sum. theol., I a, q. XXVII, a. 2 ; le Saint-Esprit procède du Père et du Fils comme le terme substantiel de leur amour, processio amoris, S. Thomas, ibid., a. 3 ; et, avec ces deux processions, le cycle de ce qu’on pourrait appeler l’évolution divine est complet, parce que deux opérations seulement réclament un terme substantiel. Profonde métaphysique que saint Augustin a inaugurée par son analyse subtile de l’âme humaine, dans laquelle il aimait à voir la plus belle image de la Trinité.

Mais il avait cherché les vestiges de ce grand mystère dans les autres créatures, analogies partois arbitraires et forcées, mais qui attestent du moins chez le docteur africain une rare ingéniosité. Pour résumer les vues augustiniennes, il a paru utile de retracer ici dans un tableau (d’après K. Scipio, Des Aurel. Augustinus Metaphysik, Leipzig, 1886, p. 66-67, mais modifié et corrigé ) les principales formules et images par lesquelles sont représentées les trois personnes de la Trinité. Voir le tableau des formules et images de la Trinité, col. 2361-2352.

La création et les créatures.

1. Cosmogonie

aagustinienne. — On a signalé plus haut, à propos du’néoplatonisme de s.iint Augustin, ses grandes thèses de la création exiiihilo, distincte de Dieu, œuvre de la liberté divine. Il reste à mentionner ici sa théorie de l’Hexami ron, théorie qui atteste sa largeur de vues en exégèse, et son originalité dans le problème si ardu’I oi i-ines.

A. En quel sent Augustin admet-il la création simultanée de ion/ 1’universf -- On sait les tâtonnements et Iles hésitations de son esprit en face du récit de la Ge Voir col. 2300, n. 67-70. Il ne s’est jamais purement rallié ni à l’école allégorique d’Alexandrie, ni à l’école littérale de Svrie ; mais sur ces problèmes des origines -qui le. hantent sans cesse, il s’inspire tour à tour de l’une

et l’autre de ces écoles pour former ce qu’on a nommé son éclectisme. Tous ces eflorts ont abouti aux conclusions suivantes :

a) Tous les systèmes affirmant l’éternité du monde, même avec la création, sont, pour lui, contraires à la raison et il n’admet point la théorie de saint Thomas d’après laquelle seule la foi nous apprend que le monde a commencé. Au 1. XI de la Cité de Dieu il traite à fond cette question et il prouve successivement que le monde ne peut exister en dehors du temps, procul dubio mundus non faclus est in tempore, sed cum tempore, loc. cit., c. vi, P. L., t. xii, col. 322, et que le temps, essentiellement successif, ne saurait être infini et éternel, tempus autem quoniani mutabilitate transcurrit, selernitati immutabili non potest esse coseternum. Ibid., 1. XII, c. xv, n. 2, col. 366. Que l’on suppose des mondes innombrables ayant précédé le nôtre, ou que l’on admette un seul monde, « soumis à d’innombrables alternatives de destructions et de renaissances que ramènent certaines périodes séculaires » (système platonicien), toujours il y aura une distance infinie entre ces temps et l’éternité, considèrent nihil esse diutumum in quo est aliquid extremum. Ibid., 1. XII, c. xii, col. 359. A ceux qui demandent pourquoi Dieu n’a pas créé le monde plus tôt ? il répond : Pourquoi ne l’a-t-il pas créé ailleurs ? Quod si dicunt inancs esse hominum cogitationes quibus infinita imaginantur loca, cum locus sit ntdlus prseler mundum, respondetur eis, islo modo inaniter homines cogitare præterita tempora vacationis Dei, cum nullum tempus sit an te mundum.

b) Le récit des six jours de la création dans la Genèse ne peut être pris à la lettre et au sens propre. Dès 389, dans le De Genesi cont. manich., 1. I, c. XXIII, n. il, P. L., t. xxxiv, col. 193, Augustin exclut les jours ordinaires. Entre autres raisons, il se demande ce que signifient trois jours sans astres. De Gen. ad litt. lib. imp., c. xii, n. 36, P. L., t. xxxiv, col. 235. Et après la création du soleil, il ajoute : « Quiconque se rend compte que, pendant notre nuit, il y a le soleil ailleurs…, celui-là cherchera une signification plus relevée pour de pareils jours. » Ibid., c. XIII, n. 43, col. 237.

c) En réalité, l’action créatrice a été instantanée et les six jours de la Genèse correspondent à l’indivisible instant où tout fut créé. De civit. Dei, 1. XI, c. ix, P. L., t. XLI, col. 324. S’appuyant sur la parole de l’Ecclésiastique, xvin, 1 : creavit omnia simul, Augustin repousse, non pas toute intervention nouvelle de Dieu, mais toute nouvelle création : post eam conditionem a suis operibus requievil, non condendo aliquid amplius, dit-il. DeGen.adlitt., . V, c. iv, n. 10, P. L., i. xxxiv, col. 325 ; cf. ibid., 1. I, c, x, col. 253 ; De Genesi ad litt. I. imper f., loc. cit., c. vii, n. 28, col. 232 ; De civit. Dei, 1. XI, c. ix, P. L., t. xli, col. 324.

d) Il ne suppose point cependant, comme bon nombre de ses contemporains, que l’acte instantané du créateur ait produit l’univers organisé, tel que nous le voyons aujourd’hui. Mais il dislingue entre la création proprement dite et la lormation ou développement du monde : cette seconde œuvre due, au inoins en très grande part, aux forces déposées dans le sein de la nature par le créateur, a été graduelle, progressive, parcourant diverses phases dont le rérit mosaïque peut donner une idée approximative. Confess., 1. XII, c. viii, n. 8. /’. L., t. xxii, col. 829 ; De Genesi ad litt… VI ; 1. IX.

U. Comment Augustin conçoit-il les éléments primitifs du monde et /es « rationes séminales » ? — a) D’après lui, à l’origine, Dieu créa les éléments du monde à l’étal de masse confuse el,, . -hideuse : le mot est du saint docteur, Dr tir, , , ad litt., 1. I, c. xii, n. 27, col. 256, nebulosa *}„, -, , <* apparet. Ces éléments, selon i données aristotéliciennes, il les appelle matière et forme, ou plutôt matière informée. Partois. il est vrai, il semble affirmer que Dieu produisit d’abord la mi-