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AUGUSTINIANISME


arbitrium ut quæreret Beidonum. Bacorrept. et grat., c. H, n. 4, ibid., col. 918 : orenl, ut quod nondum habent, accipiant ; c. v, n. 7, ibid., col. 919. On remarquera cependant qu’Augustin n’affirme jamais que pour les choses faciles il nVs[ pas besoin d’une grâce efficace, et que pour les choses difliciles la grâce est toujours efficace.

3. Les défenseurs de cette opinion ont été surtout les sorbonistes et saint Alphonse de Liguori. Au témoignage d’Isaac Habert, évêque de Vabres (voir bibliographie), elle était enseignée par les professeurs bien connus de Sorbonne et du collège de Navarre, Gamache, Duval, Ysambert, Hennequin, et paraît avoir été spécialement formulée par le célèbre Alphonse Lemoine, qu’attaque l’augustinien Marcelli. Tournely développa le système dans son traité De gratin, q. VI, a. i ; il raconte que C. Duplessis d’Argentré, dans sa dissertation sur la grâce, allègue en sa faveur plus de cent théologiens ; mais il faut ajouter que Tournely confond un peu sa théorie avec le système de Thomassin. L’un et l’autre en effet expliquent l’efficacité de la grâce par une action morale, non par une détermination physique de la volonté ; mais c’est le seul point commun ; il est vrai qu’il est très important.

Enfin le grand docteur saint Alphonse de Liguori, en l’adoptant, lui a donné la gloire de son nom et ses fils conservent pieusement cet héritage. Le P..Tansen, dans la Bévue thomiste, 1901, p. 501, réclame contre l’oubli de « ce système mitoyen qui admet l’efficacité intrinsèque de la grâce (ad operandum bonum et servanda prsecepta), admet une grâce suffisante laquelle n’est pas infailliblement efficace et rejette en même temps la science moyenne des molinisles. » Le P. Desurmont, La charité sacerdotale, 1899, t. il, p. 378, résume ainsi le système de saint Alphonse : « Quiconque priera pour obtenir la grâce spéciale ou efficace réservée aux devoirs plus difficiles l’obtiendra. Quiconquene priera pas, en sera privé. Telle est la loi, l’imprescriptible loi. » La seconde partie de cette loi semble dépasser le fond du système : Est-il bien sur que Dieu refuse toujours la grâce efficace à quiconque n’a pas prié?

/II. CRITIQUE T)E CETTE PRÉDÉTERMINATION MORALE.

— Nous devons indiquer sommairement les raisons que les autres écoles opposent â ce système si répandu autrefois.

Critique générale.

1. On peut accorder à ce

système deux points (avec Suarez, De au.riliis, 1. III, m. 2, Pans, 1858, t. xi, p. 19-2) : a) Dieu peut en ellet, dans son trésor infini de grâces, en trouver d’assez puissantes pour entraîner sûrement le consentement libre de la volonté. Les hommes sont parfoissi puissants pour changer les résolutions des autres hommes : quel

- ira le pouvoir de Dieu qui agit â son gré dans l’intérieur même de l'âme, pour multiplier lumières et attraits ! — 6) En fait, on peut admettre, si l’on veut, que Dieu en a usé ainsi dans certains miracles de la grâce, comme la conversion de saint Paul.

2. Mais la prédétermination morale n’explique point le mystère de la grâce. — a) De fait, l’expérience prouve que Dieu n’emploie pas universellement ce moyen. Il n’est ni vrai, ni vraisemblable que Dieu donne

a tOUS ceux qui tout bien (même dans les plus pelites

es, une légère aumône, etc.), une abondance de

moralement irrésistible, en sorte qu’il leur serait

non seulement plus difficile, mais moralement impossible de résister l’expérience de chaque âme semble établir qu’il n’en va poinl ainsi. b) En principe, l’infaillibilité du gouvernement divin ne Berail pas suffisamment sauvegardée. Jamais Dieu, connaissant la nature de ces grâce n’aurail qu’une certitude morale du consentement futur. Or la providence de Dieu exige une infaillibilité métaphysique. Qu’on examine même le cas d une grâce ainsi choisie, aussi in le use que l’on voudra.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Ou bien la liberté du dissentiment reste dans la volonté, ou elle est anéantie : si la liberté persiste, avec plein pouvoir de résister, comment Dieu saurait-il avec une infaillibilité métaphysique qu’elle consentira ? Si la liberté est anéantie, où est le mérite ? — c) Enfin cette théorie est essentiellement incomplète. Tout au plus expliquerait-elle la prévision certaine du consentement futur de l'âme, quand Dieu donnerait à ses appels UNE telle intensité. Mais elle n’explique point l’autre partie du problème, la prévision des fautes chez ceux qui reçoivent une grâce ordinaire. Comment Dieu peul-il savoir ce qu’ils feront avec cette grâce ? Voici Pierre et Judas : Pierre est converti, dit-on, parce que la grâce est si forte que moralement il ne pourra pas résister. Mais Judas, que fera-t-il ? La grâce de Jésus qui l’invite ne crée pas pour lui une nécessité morale de consentement : mais elle est au moins suffisante, elle lui donne le pouvoir complet, même relativement à la passion présente, de se convertir à l’appel de son Sauveur. Comment Dieu peut-il savoir avant l'événement ce que résoudra Judas ? Il faut donc conclure : Ou bien on avouera que Dieu ne peut le savoir, et la providence est anéantie ; ou bien on niera qu’il y ait dans tout fidèle une grâce véritablement suffisante, et c’est le jansénisme ; ou du moins on dira que, dès qu’il n’y a pas nécessité morale du bien, il y a nécessité morale du péché, c’està-dire une incitation tellement forte qu’il y a certitude morale de la chute, et alors c’est au fond la théorie norisienne des degrés qui reparaît. Après avoir affirmé la nécessité morale des actes de vertu, on en arrive à proclamer la nécessité morale des péchés.

Critique particulière des divers systèmes.

L’application des raisons générales se fait d’elle-même, que la

nécessité morale provienne du degré de grâce plus intense que la concupiscence (Massoulié), ou du choix de la e, râce en harmonie avec les dispositions de l'âme (Jos. de Vila), ou de la multitude et de la succession des diverses grâces (Thomassin). Seulement, tandis que les premiers systèmes semblent supprimer la liberté, ce dernier compromettrait la sûreté de la 'providence par des tâtonnements indignes d’elle. Qu’on en juge par cette explication de Thomassin, op. cit., t. iv, part. II, n. 5, p. 1V2 : lllud indubitatum mihi est, si quam in partem de/lectere voluntates nostras visum Deo sit, rorabeo posse iccuMULARiingeriqueincitamenta, tôt, exadverso, repagvla orjici, ut difficiclime dissektiat voluntas ; ideoque si iisdem machinis SjEPICULE miieteii ii, tandem CERTissiMB veniat in deditionem.

Quant â l’explication de Tournely et de saint Alphonse, on doit sans nul doute accorder que la prière est un grand moyen d’obtenir la grâce et de vaincre les tentations, et tel est le sens des maximes augustiniennes adoptées par l'Église. Mais la théorie surajoutée â celle maxime ne parail poinl aider â la conciliation de la grâce et de la liberté. On a « lit qu’elle réunit toutes les difficultés du molinisme dans sa première assertion, â

celles de la prédétermination thomiste (ou de l"augustinianisme strict) dans la seconde. Il semblerait même qu’elle les augmente notablement, en se privant des explications de l’un et l’autre système. C’est ce qui

explique le silence de bon nombre de théologiens. Puisqu’en ce moment la discussion est reprise avec plus d’insistance, nous devons exposer brièvement les difiicultés que présente ce système, pour que le lecteur puisse juger. En des matières si délicates on ne doil point s'étonner que de grands maîtres et de grands saints soient d’un avis différent : l’autorité du célèbre docteur de l'Église saint Alphonse de Liguori est certes

d’un grand poids ime dans le dogme ; elle ne peul

cependant trancher une question dans laquelle d’autres saints docteurs, comme saint François de Sales, ont pré féré une autre solution. 1. Dans la première assertion sur la grâce donnée à

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