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AUGUSTINISME (DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DE L"


à cet adoucissement : a) On a mis en lumière l’aspect consolant, contenu, il est vrai, dans la doctrine augustinienne, mais laissé à l’arrière-plan, et comme caché par le côté mystérieux et eil’rayant de la prédestination sur lequel l'évêque d’IIippone insiste contre les hérétiques, Ainsi la volonté' du salut universel en Dieu, la mort de Jésus-Christ pour tous les hommes, qu’Augustin, sans les nier, a laissées dans l’ombre, seront de plus en plus développées et deviendront l’enseignement commun dans les temps modernes. — b) Des principes enseignés par Augustin, on a tiré les conséquences qui en découlent d’une manière évidente, mais qu’il n’avait point indiquées. C’est un principe augustinien que nul ne pèche dans un acte qu’il ne peut éviter : quis enim peccal in eo qitoil caveri non pniest ? De lib. arb., 1. 111, c. xviii, n. 50, P. L., t. xxxii, col. 1295. (Ce passage, antérieur à 395, est approuvé et expliqué en 415 dans le De nul. et grat., c. lxvii, n. 80, 1'. L., t. xliv, col. 287.) De ce principe les docteurs ont conclu d’abord que la grâce suffisante pour vaincre les tentations ne manque jamais à personne, pas même à l’infidèle ; ensuite que cette grâce suffisante, pour mériter ce nom, doit donner un véritable pouvoir, complet, relatif même aux difficultés présentes. Sans doute des théologiens ont tâtonné, hésité, nié même, mais aujourd’hui bien rares sont ceux qui oseraient en douter. — c) On a ensuite élagué de la doctrine augustinienne certaines assertions secondaires qui l’assombrissaient, sans faire partie du dogme. Ainsi l’Eglise qui a toujours refusé avec Augustin l’entrée du paradis aux enfanls morts sans baptême, n’a point adopté la sévérité du grand docteur les condamnant aux tourments sensibles, si légers qu’ils soient. Voir col. 2397. Et peu à peu l’opinion plus douce de saint Thomas dominera dans la théologie et sera vengée de censures injustes par le pape lui-même dans la condamnation du pseudo-synode de Pistoie. Bulle Auctorem fidei, a. 2(5, Denzinger, n. 1389. — ci) Enfin, certaines formules ont été abandonnées parce que leur obscurité pouvait favoriser de fausses conceptions de nos mystères. Ainsi les expressions qui semblaient identifier le péché originel et la concupiscence ont fait place à des formules plus claires, sans renoncer au vrai sens que saint Augustin avait voulu exprimer. Voir col. 2395.

II. TRIOMPHE Ai : VIe SIÈCLE DE L' AUGUSTINISME JfODÉnÉ SUR LE SEMIPÉLAGIAMSME ET LE PRÉDESTINATIANISMB. — De la mort d’Augustin au 11° concile d’Orange (430-529) cinq grands faits sont à signaler : 1° l’augustinisme sanctionné en 431 par le concile d'Éphèse et une décrétale de ('.('destin 1 er ; 2° l’opposition semipélagienne à la théorie augustinienne ; 2° l’exagération de cette théorie par les prédestinaliens, Lucidus et autres ; 4° le progrès de l’augustinisme modéré' par le l), vocatione omnium gentium ; 5° le concile d’Orange en 530, triomphe de l’augustinisme modère.

1° L’augustinisme sanctionné deux fois en 431. — 1. D’abord au candie d’Ephèse.

Immédiatement après 1 la mort du grand évêque, s’ouvrit à Ephèse le concile général auquel, par honneur, l’empereur l’avait sp Icialement im ité. Julien d’Eclane et plusieurs des dixhuit évêques pélagiens, exilés pour leur obstination, ut tait cause commune avec Nestorius : accueillis par lui à Constantinople, ils l’accompagnèrent à Éphèse et b' soutinrent dans sa n ivolte contre le concile. Lettre des Pères du concile au pape Célestin, Mansi, t. iv, Col. 1334. Noris a pourtant démontré que les Orientaux, en admettant le concours des pélagiens, n’avaient point pour cela partagé leurs erreurs. Hist. pelag., 1. 11, c. i. Bassano, 1709. col. 313-322. Mais les Pères orthodoxes condamnèrent les deux erreurs, ainsi que l’atteste sain) Prosper, Carmen de ingratis, vers. 08, /'. L., t. i.i, col. 99. Cette condamnation est constatée dans les Actes : "i dans la lettre cil >e du concile au pape. Mansi, t. iv. col. 1338 : ' Quand on eut lu devant le saint

node, dans les actes de la déposition des impies pélagiens et célestiens (Célestius, Pelage, Julien, Persidius, Florus, etc.) tout ce que votre piété a décrété à leur égard, nous avons décrété nous aussi que toutes ces décisions doivent demeurer en vigueur, etc. » — b) Dans le préambule de la session VIP, Mansi, col. 1471, les pélagiens, n’ayant pas voulu souscrire la condamnation de Nestorius, sont de nouveau déclarés excommuniés et déposés. — c) Dans les canons de cette même session, can. 1, Mansi, col. 1472, et can. 4, col. 1474. Voir Hefele, Conciliengesch., 2e édit., 1875, t. ii, p. 209-210 ; trad. franc., p. 388-389.

2. La lettre de saint Célestin I er en 431 et les capitula annexés. — Le concile avait condamné ces hérétiques, le pape va sanctionner la doctrine d’Augustin. Sa mort avait été le signal d’une recrudescence, dans la Gaule méridionale, de l’agitation semipélagienne dont l’origine a été racontée, col. 2283, 2299. On accusait plus ouvertement le grand docteur d’avoir excédé au détriment de la liberté : magistris nostns, tanquam necessarium modum excesserint, obloquuntur, est-il dit dans la préface des capitula. Denzinger, n. 87. Le fidèle ami du saint, Prosper d’Aquitaine, obtint donc du pape saint Célestin une lettre qui plaçait la doctrine de l'évêque d’IIippone au-dessus de tout soupçon. Voir col. 2463.

Les capitula annexés plus tard à cette lettre (voir col. 24(54) et empruntés à Innocent I er ou aux conciles d’Afrique, sanctionnent de nouveau, en la résumant, la doctrine du saint : A. L’origine de la nécessité de la grâce : a) l’affaiblissement de la liberté par le péché originel, naturalem possibilitatem et innocentiam periloiissc, c. i (d’après Mansi, t. iv, col. 459, qui donne un ordre bien meilleur que Denzinger, n. 88) ; b) de plus, nulle créature n’est bonne que par Dieu, c. ii, Denzinger, n. 89. — B. Étendue de cette nécessité : a) pour tous même pour la persévérance des justes, c. iii, iv, quod nemo nisi per Christum libero bene utatur arbitrio, Denzinger, n. 91 ; b) pour tout acte bon et salutaire, qui doit être inspiré, instinctu Dei (pape Zozime), et préparé par le Seigneur (évêques d’Afrique), c. v-vn, Denzinger, n. 92-94. Le chapitre vin résume en attribuant à Dieu et borne voluntatis EXORDIA, et iNCREmenta probabilium studiorum, et in eis /<*</( « infmem PERSE VBRANTIAM. — C. La preuve de cette nécessité universelle est dans les prières de l'Église, c. viii, Denzinger, n. 95. — D. La liberté demeure, malgré cette nécessité de la grâce, ab initio fidei, c. ix, Denzinger, n. 96. — E. Le dernier chapitre, le X 1 ', Denzinger, n.97, laisse les autres questions subtiles à la libre discussion. Voir col. 2463. Au fond ces capitula fixent déjà la vraie mesure de ce que l’Eglise regardera toujours comme essentiel et catholique dans l’augustinisme : elle a depuis clarifié un point ou deux, mais elle n’a point varié.

3. Fin du pélagianisme.

Après ces condamnalions, on constate encore diverses tentatives des pélagiens pour ressaisir l’influence, mais elles furent promptemenl réprimées. En 139, la dernière année du pontificat de saint Sixte III, divers évêques pélagiens, simulant une conversion, voulaient remonter sur leurs sièges, Julien essaya d’envahir l'évéché d’Kclane. Mais le sailli pape, encourage par l’archidiacre Léon, son futur successeur,

rendit ses efforts inutiles. Cf. Noris, Hist. pelag., L II, c. xii, Bassano, 1769, col. 337.

Saint Léon continua la lutte en Italie : sous son pontificat, vers '116. saint Germain, évoque d’Auxerre, dut

passer une seconde l’ois avec Sevci’e. eveqno de Trêves,

dans la Grande-Bretagne, infestée encore par les pélagiens ; plus heureux que dans la première mission de Î30 'avec saint Loup de Troyes), il obtint cette fois que

les évêques pélagiens fussent chassés de l’Ile, et la paix

fut assurée. Noris ibid., p. 341. Le pape Gélase I