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APOSTOLICITE


moins complet sur l’identité de gouvernement. Il est, en effet, des hérétiques niant que Jé6us-Christ eût établi à proprement parler un gouvernement, une hiérarchie. C’est nier l’établissement par le Christ d’une vraie société, d’une Église.

Beaucoup de rationalistes, en notre siècle, sont allés plus loin. Ils ont soutenu que Jésus n’avait jamais eu l’intention de fonder une société proprement dite, n’avait pas institué de sacrements, n’avait même pas enseigné une doctrine, si par doctrine on entend des vérités à croire ; et ils se débarrassent comme ils peuvent des textes et des faits qui prouvent évidemment le contraire. On montrera au mot Église combien leurs systèmes sont arbitraires, et comment s’impose à l’historien et au philosophe le fait que Jésus a fondé son Église sous forme sociale, lui a confié une doctrine à garder et à répandre, lui a donné la dispensation de sa grâce par les sacrements, et a promis d’être avec elle jusqu’à la fin du monde, pour qu’elle pût continuer sur terre l’œuvre même du Christ.

La question de l’apostolicité ne suppose pas seulement que Jésus a bâti une Église et lui a confié une doctrine à transmettre, des grâces à distribuer. Elle suppose encore que la période des révélations divines adressées au genre humain est close avec les apôtres et que l’Eglise n’aura qu’à transmettre la doctrine reçue ; elle suppose que l’économie présente est définitive, et que la société religieuse fondée par le Christ et les apôtres doit suffire à l’humanité ; elle suppose enfin qu’il n’y aura plus, d’ici la fin, d’intervention officielle de Dieu dans l’histoire religieuse du genre humain. Ces choses se dégageront assez dans le cours de cette étude, celles qui ne seront pas prouvées ici le seront ailleurs.

II. HISTOIRE ET USAGE DU MOT ET DE L’IDÉE. — i. Histoire du mot et de l’idée. — Le mot apostolique se trouve, tant en latin qu’en grec, dès les tout premiers siècles pour désigner le temps des apôtres (xtas aposlolica), les hommes qui avaient vécu avec les apôtres (horno aposlolicus), la doctrine reçue des apôtres (traditio apostolica), les églises fondées par les apôtres ou se rattachant à ces églises mères. Voir Sophocles, cité à la bibliographie. Mais on ne parle guère de l’Eglise apostolique, l’idée même de l’Église étant beaucoup moins usuelle que celle des églises particulières, unies d’ailleurs entre elles par des liens multiples et ne faisant qu’une seule Église sainte et catholique, corps mystique du Christ, épouse immaculée du rédempteur. Cette Église est du reste fondée sur les apôtres, comme les églises particulières qui forment l’Eglise.

Le symbole des apôtres ne contient pas le mot apostolique ; c’est dans les professions de foi d’origine alexandrine qu’on le trouve d’abord. Denzinger, Enchiridion, n. 10. Le symbole de Nicée s’arrête au Saint-Esprit, et ne dit rien de l’Église, mais, dans l’anathème, il est fait mention de l’Église catholique et apostolique : « Ceux qui disent : il y eut un temps où il n’était pas… ceux-là l’Eglise catholique et apostolique leur dit anathème. » Denzinger, op. cit., n. 18. L’Eglise est également désignée comme « catholique et apostolii/ue » dans le décret du même concile sur le baptême des hérétiques. Denzinger, op. cit., n.19. Enfin le symbole de Constantinople reçoit le mot : n « rrcuo(tev.>. et ; jxi’av âyiav, xa’i àïroTTo/ibt, v xa60XwT)v’xxXï)<Tfav, « Nous croyons à une Eglise unique, sainte, et apostolique catholique. » Denzinger, op. cit., n. 47. On voit que, dans le texte de Denzinger, l’arrangement des mots diffère un peu de celui qu’a sanctionné le texte latin liturgique : et viiiam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam. Ailleurs, chez Itouth, par exemple, les quatre adjectifs se suivent dans l’ordre du latin, sans virgule ni /*. Les luthériens, les anglitoutes les sectes protestantes qui ont gardé le smboli de Con tantinople, reçoivent par là même Vapostoin ité < lependant la notion tend chez eux à s’effacer po uine voir dans I Eglise que la communauté des saint u

des fidèles) et à ne lui donner pour caractères distinctifs que la prédication du pur Évangile et la dispensation évangélique des sacrements. Confession d’Augsbourg, art. 7, dans Koethe, Die symbolischen B’ùclier der evangelisch-lutherischen Kirche, Leipzig, 1830, p. 18. Le mot lui-même ne se trouve ni dans la confession d’Augsbourg, ni dans les articles de Schmalkalde, ni dans les Catéchismes de Luther. Selon l’article 12 de Schmalkalde, « les enfants mêmes de sept ans savent que… l’Église… ce sont les saints croyants, les brebis qui écoutent la voix de leur pasteur ; car ils disent dans leur prière : Je crois une sainte Eglise chrétienne (ou du Christ). » Koethe, p. 236. C’est la formule du symbole luthérien, celle que donne et explique tant le Petit catéchisme de Luther, La foi, troisième article, Koethe, p. 259, que le Grand catéchisme, p. 322. Il faut remarquer d’ailleurs que le mot chrétienne ne remplace pas, dans ces passages, le mot apostolique du symbole de Constantinople, mais le mot catholique du symbole des apôtres (car c’est le symbole des apôtres que Luther explique dans ses Catéchismes, c’est lui que les enfants récitent dans leur prière).

Quoique devenu un des termes officiels par lesquels on désignait l’Eglise universelle, le mot apostolique continuait de s’employer en parlant des églises particulières, comme substantif, au sens d’évêque ; comme adjectif, au sens d’épiscopal. Toute cathédrale pouvait s’appeler ecclesia apostolica, tout siège épiscopal apostolica sedes, tout évêque Apostolicus. Voir Du Cange, Glossarium, au mot Apostolicus, Paris, 1733, t. i, p. 567569. L’idée était toujours la même, celle de succession apostolique, de continuité avec les apôtres par les évêques leurs successeurs. Cependant il y eut toujours une tendance à restreindre le mot soit au pape, soit aux églises fondées immédiatement par les apôtres. Déjà, Tertullien, dans un moment d’humeur, employait le mot apostolicus pour dire le pape. De pudicitia, 21, P. L., t. ii, col. 1024. Saint Alhanase, Hist. arian., c. xxxv, P. G., t. xxv, col. 733, disait le siège apostolique pour désigner le siège de Rome ; dès les temps de saint Grégoire le Grand, le titre d’apostolique était courant pour désigner le pape, Vita Gregorii, 24, P. L., t. lxxv, col. 54 ; le concile de Reims, en 1049, excommur.ia l’archevêque de Saint-Jacques de Compostelle qui osait s’arroger culmen aposttdici nominis, Labbe, Concilia, Paris, 1671, t. ix, col. 1041, et tout le monde sait que, durant le moyen Age, ce fut ainsi que l’on désigna ordinairement le pape. C’est encore en ce sens que nous prions dans les litanies pour le « Seigneur apostolique » , Domnum aposlolicum, bien que le mot ait pu, à l’origine, signifier aussi le « seigneur évêque » .

On sait d’autre part que, depuis les premiers siècles jusqu’au moyen âge, il y eut divers hérétiques prenant le nom d’apostoliifues, pour une raison ou pour une autre. Voir Apostoliques, hérétiques, col. 1631.

2. Usage théologique de l’idée.

Dès les premiers siècles, la notion d’apostolicité fut en grand usage, soit dans l’exposition, soit dans la controverse. Clément, Ignace, Polycarpe, l’épître à Diognèle, le Pasteur d’Herni. is redisent unanimement que l’Église est fond/e sur les apôtres, que sa doctrine est celle des apôtres et qu’on n’en doit point recevoir d’autre ; que les évêques sont les successeurs des apôtres et qu’il faut leur rester uni pour être uni au Christ. Voir, pour les textes, les tables de Funk, Palrum apostolicorum Opéra, t. i, Leipzig, 1887, aux mots : àicdaroXo ;, àxxXv)<rioc, iniv-t’inoz- [renée I Tertullien lui donnent son plein développement et en font un merveilleux usage dans leur lutte contre les gnostiques. Ils ne cessent de répéter que la vraie doctrine est celle que Jésus a confiée à ses apôtres et lis apôtres aux évêques ; -i ion veul avoir la vérité, il faut donc la chercher dans les éjjises fondées par les apôtres,

ou parmi les tilles de ces enlises mères, l.i chercher

notamment dans l’Kglise romaine, centre d’unité entre