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1633 APOSTOLIQUES (HÉRÉTIQUES) — APOSTOLIQUES (PÈRES)

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La secte ne disparut pas toutde suite. Nous retrouvons des apostoliques en Espagne, en 1315. Jean XXII excita contre les faux apôtres le zèle del'évêque de Cracovie, en 1318. Cf. Raynaldi, Annal, eccles., ad an. 1318, n. 43-ii. Nous les voyons encore mentionnés par le concile de Narbonne, de 1374, can. 5. Cf. Labbe et Cossart, Concilia, t. xi, col. 2500.

II. Doctrines.

Ce qui caractérisa la secte, dès le principe, ce fut l’idée du retour à la vie et surtout à la pauvreté apostoliques.

Honorius IV et Nicolas IV incriminent, dans les apostoliques, le fait de constituer un ordre mendiant nouveau, contrairement au décret du IIe concile œcuménique de Lyon (1274), dans Labbe et Cossart, Concilia, t. xi, col. 988, qui les avait englobés, sans les désigner nommément ; dans une condamnation générale ; de plus, les deux papes leur reprochent d’avoir soutenu, au moins certains d’entre eux, des hérésies qui ne sont pas spécifiées.

L’enseignement de Dulcin nous est mieux connu. Le point de départ est encore l’imitation des apôtres ; la pauvreté doit être absolue, l’obéissance seulement intérieure : on s’engage, mais dans son cœur, sans vœu, à vivre d’aumônes. Sur cette théorie, Dulcin greffe des doctrines eschatologiques, inspirées des rêveries de l'école de Joachim de Flore. Il y a quatre temps dans l’histoire de l’humanité. Le premier est celui de l’Ancien Testament ; le deuxième celui de Jésus-Christ et des apôtres ; le troisième s’est ouvert avec le pape Silvestre et Constantin : l'Église a décliné, gâtée par l’ambition de dominer et par l’amour des richesses, et, en dépit de saint Benoit, et, plus tard, de saint Dominique et de saint François, la décadence a continué sa marche. La quatrième période a été inaugurée par Segarelli et Dulcin ; elle durera jusqu'à la fin du monde. L'Église est la grande prostituée de l’Apocalypse, infidèle à sa mission. Dulcin, qui se proclame élu de Dieu pour expliquer les mystères des Écritures et dévoiler l’avenir, annonce, en 1300, que le roi Frédéric II de Sicile deviendra empereur et sera l’instrument de la vengeance divine ; le pape Boni face VIII, les cardinaux, les évêques, les clercs, les moines seront tués ; un pape viendra, envoyé de Dieu, et ayant pour mission d'établir la vie apostolique et la communauté des femmes ; ce pape et cet empereur resteront jusqu'à la venue de l’Antéchrist. L’Eglise devait finir dans trois ans ; l'événement lui ayant donné tort, Dulcin annonça pour 1305 un triomphe qui ne vint point.

En attendant, il n’y a pas à obéir à qui que ce soit, pas même au pape. Comme tant d’autres hérétiques de ce temps, Dulcin prône la liberté d’esprit. Il méprise la lettre des préceptes, le culte, les cérémonies, les rites. Ptolémée de Lucques, dans sa Vie de Clément V, dans Baluze, Vitse paparum Avenionensium, Paris, 1C93, t. i, p. 27, cf. p. 005, dit, sans autre explication, que Dulcin avait péché contre le sacrement de l’eucharistie. Le sei nient est interdit, si ce n’est pour rendre hommage à sa foi ; on a le droit de se parjurer afin d'éviter la persécution, mais si l’on ne peut échapper à la mort, on est tenu de professer ouvertement sa créance.

Le système de la liberté d’esprit conduit aisément à la

liberté « les mœurs. Que faut-il penser de la moralité des

apostoliques ? Des textes de Salimbene, Chronica, p. 117,

sur Segarelli, et de Bernard Gui, Praclica inquisition is

'ice pravilatis, p. 3.39, cf. Muratori, lieruni itali res, t. ix, col. 539, sur Dulcin et sa « sœur. >

Marguerite, sont au moins inquiétants. Bernard Gui,

. p. 260, impute à la secte d’avoir, dans sa doctrine,

deux articles secrets qui autorisaient et même gluri q( des actes impudiques. Les bulles des papes sont

muettes sur cette accu il ion (à moins que la lettre de

Boniface VIII dont H : i été quesiion ne s’applique à eui | ;

elle est également absente du procès d’un apostolique

Dicr. DE 'I II ['.ni.. C.VT1IOI..

jugé à Toulouse, en 1322, par Bernard Gui lui-même. Cf. le Liber sententiarum inquisitionis tliolosanse, publié par Limborch à la suite de son Historia inquisitionis, p. 360. Les écrivains postérieurs, ecclésiastiques et laïques, présentent sous un jour fâcheux la moralité des apostoliques. Y a-t-il à prendre et à laisser dans leurs dires ? Peut-être. D’après M. Tanon, Histoire des tribunaux de l’inquisition en France, p. 92, les apostoliques « paraissent avoir été assez inférieurs aux béguins. Aussi le soupçon d’immoralité les atteint-il avec plus de vraisemblance que ceux-ci » .

I. Sources anciennes.

Salimbene, Chronica, dans Monumenta historica ad provincias parmensem et placcntinam pertinentia, Parme, 1857, t. iii, p. 109-123 (Salimbene était au couvent des franciscains de Parme quand Segarelli inaugura sa vie apostolique) ; Bernard Gui, Praclica inquisitionis heretice pravitalis, Paris, 1886, p. 257-264, 296-208, 327-355 (Bernard Gui écrivit ce qui regarde les apostoliques en 1316, et il reproduit le fond de deux lettres de Dulcin) ; Liber sententiarum. inquisitionis tliolosanse, dans Limborcli, Historia inquisitionis, Amsterdam, 1692, 2- pagination, p. 338-339, 360-363 ; Historia Dulcini hxresiarchx Novariensis auctore anonymo synchrono, dans Muratori, Rerum italicarum scriptores præcipui, Milan, 1720, t. ix, col. 427-442, et Additamentum ab auctore coxvo, ibid., col. 447-460 (reproduit en partie le texte de la Praclica de Bernard Gui) ; Dante, Inferno, c. xxviii, v. 55-60 ; Nicolas Eymeric, Directorium inquisitorurn, éd. Pegna, Rome, 1578, p. 201-203.

II. Travaux modernes.

H. Lea, ^1 history of the inquisition of the middle âges, NewYork, 1888, t. iii, p. 103-128 (traduit en français par Salomon Reinach, le I" volume paru en 1900 et le il' en 1901) ; H. Sachsse, Bernardus Guidonis tnquisitor und die Apostelbrùder, Rostock, 1891 ; L. Tanon, Histoire des tribunaux de l’inquisition en France, Paris, 1803, p. 87-93 ; F.Tocco, Gli apostolicie fra Dolcino, Florence, 1807. Cf. U. Chevalier, Répertoire des sources liistoriques du moyen âge, Bio-bibliographie, col. 602-603, 2024, 2558.

F. Vernet.

    1. APOSTOLIQUES (Pères)##


3. APOSTOLIQUES (Pères). — I. Pères désignés par ce titre. IL Historique. III. Place dans la littérature chrétienne. IV. Forme et fond. V. Enseignements.

I. Pères désignés par ce titre.

Le titre de Pères apostoliques est inconnu dans la littérature chrétienne des premiers siècles. Le mot d'à7to<7ToXtxd ; ne parait qu'à la génération qui suit les apôtres et, pour la première fois, dans saint Ignace, qui écrit aux Tralliens èv àTtooToXixôi yapaxTript, par allusion à la forme épistolaire de sa communication. Funk, Pair, apost., Tubingue, 1881, t. i, p. 202. (C’est l'édition que nous citerons dans tout le courant de l’article.) Mais, dès la fin du IIe siècle et durant le iiie, son emploi se généralise pour qualifier certains personnages, certains écrits, certaines églises. C’est ainsi que la Lettre de l’Eglise de Smyrne, xvi, Funk, t. i, p. 300, et saint Irénée, Lettre à Florinus, dans Eusèbe, II. E., , 20, P. G., t. xx, col. 185, traitent Polycarpe d'à7rouToXixd ;. Pour Clément d’Alexandrie, Barnabe est tantôt à7ro<jro).ix<$ ;, Strom., ii, 20, P. G., t. viii, cul. lOlil), tantôt à-oTToXo ;. Slroni., il, 6. 7, col. 965, 969. Tertullien désigne les évangélistes Marc et Luc sous le nom d’apostoliques, pour les distinguer des deux autres évangélistes, les apôtres Matthieu et Jean. Prsescr., xxxii, /'. L., t. ii, col. 44 ; Adv. Marc, iv, 2, 3, ibid., col. 363, 361 Ainsi entendu, apostolique sert à désigner une étroite relation personnelle et une complète conformité de doctrine entre les personnages auxquels on l’applique et les apôtres. Si aposlolicus <-s. dit Tertullien, cum apostolis senti. Decar. Chr., il, P. L., t. il, col. 755. Parmi les écrits, seuls les livres du Nouveau Testament et le Nouveau Testament lui même sont traités d’apostoliques. Clément d’Alexandrie l’applique à saint Paul : r, ànoaroXixri ypajr, , Protr., i, /'. C-, t. viii, col. 57 ; de même Origène, De princ., U, 8, /'. G., t. xi, col. 261. [renée, Cont. lœr., i, : i, 6, /'. '.'., t. vii, col. 177, etaprès lui Origène, De orat., xxix, P. G., t. xi, col. 536, distinguent dans h3 Nouveau Testament la partie apostolique de la partie éangélique. Tertullien range les Actes dans la première. Adv. Marc, v, 2, P. L., t. ii, col. 472.

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