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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/101

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ABSOL. DANS L’ÉGL. LAT. — SENT. DES ANC. SCOLASTIQUES

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immédiatement l’aveu de la faute, soit le mercredi des cendres, soit à tout autre moment de l’année, était, de sa nature, rémissive de la coulpe, du reatus culpae. La preuve en est que le pénitent, ainsi absous, pouvait s’approcher du sacrement de l’eucharistie. Lorsque la réconciliation se confondit avec cette première absolution, comme dans le cas prévu par les Statitla de saint Boniface, la chose devint plus claire encore. Cependant on ne voit pas que cette vérité ait été nettement enseignée avant que les scolastiques aient déterminé les divers éléments qui constituent le sacrement de pénitence.

V. Forme ou formule de l’absolution.

Comme dans la première période, la formule de l’absolution conserva longtemps encore, durant la seconde, un tour purement déprécatif. C’est ce qu’indiquent d’ailleurs plusieurs documents, pris à la lettre : Data oratione recanciliari, dit saint Boniface. Statuta, c. xxxi, P. L., t. lxxxix, col. 823. La règle de saint Chrodegang († 766) s’exprime de même : « Donne-lui une pénitence mesurée canoniquernent, et ensuite répands sur lui des oraisons et des prières. » C. xxxii, P. L., ibid., col. 1073. Déjà Benoît le Lévite, nous l’avons vii, avait dit : Ut divinis precibus et miserationibus absolutus a suis facinoribus esse mereatur. Il serait aisé, mais d’ailleurs inutile, de multiplier les textes dans ce sens, citons seulement quelques formules des Pénitentiels, en faisant remarquer que ces formules sont de même tour, qu’elles soient prononcées par le simple prêtre qui reçoit l’aveu des fautes, le mercredi des Cendres, ou qu’elles sortent de la bouche de Pévêque, le jeudi saint, pour la réconciliation publique. Après la confession, le prêtre peut dire : « Que le Seigneur tout puissant qui a dit : Celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai devant mon Père, te bénisse et te donne la rémission de tes péchés ; » ou encore : « Je prie, Seigneur, la clémence de ta majesté et de ton nom, afin que tu daignes accorder le pardon des péchés passés à ce [fidèle] ton serviteur qui a confessé ses péchés et ses forfaits, etc. » Dans le cas où la réconciliation proprement dite suit l’aveu des fautes, le confesseur peut s’exprimer ainsi : « Dieu tout-puissant et éternel, à ce [fidèle] ton serviteur qui s’est confessé à toi, remets les péchés dans ta miséricorde, afin que la coulpe de sa conscience ne lui soit pas plus nuisible pour la peine, que l’indulgence de ta piété ne lui est utile pour le pardon, » etc. Omnipotens sempitcrne Deus, confitenti tibi ftuic famulo tuo N, pro tua pietate, peccata relaxa, ut non plus ei noceat conscientise reatus ad p<rnam, quant indulgentia tuse pietatis prosit ad veniam. Per Dominum, etc. Le jeudi saint l’évêque se sert de la même formule ou d’une formule équivalente. Ces formules d’absolution et de réconciliation que nous empruntons à un Ordo ancien cité par Morin, De sacramento pœnitentiee, Appendix, p. 18-20, se trouvent déjà presque dans les mêmes termes dans le Pénitenliel d’Halitgaire († 831). P. L., t. cv, col. 697, 704. On peut encore consulter Morin, op. cit., Appen-dix, p. 25, 48, 51, 55, 71, et Martène, De antiquis Ecclesiæ ritibus, l. I, c. VI, a. 7. — Au XIe siècle, on rencontre des formules de transition, c’est-à-dire déprécatives et indicatives avec mention du pouvoir sacerdotal. La plus ancienne formule indicative que l’on ait siijiialée appartient à un Ordo édité’dans la Magna Bibliotheca Patrum, Cologne, 1618, t. viii, p. 423-424 ; il figure au milieu d’une série de formules déprécatives et a trait sans doute à l’absolution du jeudi saint : « Kl nous aussi, en vertu de L’autorité qui nous a été confiée par Dieu, bien que nous en soyons indigne, nous vous absolvons du lien de vos péchés, afin que vous méritiez d’avoir la vie éternelle. » Nos et tant, secundum auctpritatem nobis indignis a Deo commissarn, abaolvimus vos ab omni vinculo delictorum vestrorum, etc. La formule suivante rapportée par Vincenzo Garofali est assez caractéristique comme formule de transition : « Que Dieu (ipse) t’absolve de tous tes péchés et de ces péchés que tu viens de me confesser devant Dieu… et avec la pénitence que tu viens de recevoir, sois absous par Dieu le Père et le Fils et le Saint-Esprit et par tous ses saints et par moi misérable pécheur, afin que le Seigneur te remette tous tes péchés et que le Christ te conduise à la vie éternelle. » Garofali, Ordo ad dandam pœnitentiam, Borne, 1791, p. 15. Nous fixons au XIe siècle l’introduction des formules indicatives. La première attestation qu’on en ait est de peu antérieure à l’année 1100, date de la mort de Baoul l’Ardent, qui dans un de ses sermons, à propos de l’aveu des péchés légers aux fidèles, distingue, à ce qu’il semble, entre l’absolution sacerdotale nécessaire pour les péchés graves, évidemment de forme indicative : Ego dimitto tibi peccata, et l’absolution déprécative : Misereatur tui omnipotens Deus, des péchés légers qu’il invite les fidèles à se confesser mutuellement le matin, le soir et en toutes circonstances. Baoul Ardent, Homil, , lxiv, in Lilania majori, P. L., t. clv, col. 1900. Il semble que durant le XIIe siècle, les formules déprécatives ou du moins les formules de transition de l’absolution soient demeurées en vigueur. Morin, De sacramento pœnitentiæ, Appendix, p. 48, 71, et Martène, De antiquis Ecclesise ritibus, l. I, c. vi, a. 7, Ordo XIV, en donnent des modèles intéressants. La formule indicative finit par prévaloir au xiiie siècle. Saint Thomas d’Aquin, dans son Opuscule xxii, c. v, écrit vers 1270, remarque que son adversaire prétend que, trente ans auparavant, la formule déprécative était encore seule en usage. Il eût été facile au saint docteur de montrer, s’il avait voulu se donner la peine de le faire, le mal fondé de cette assertion. Toutefois une telle allégation eût été impossible, si les formules de transition avaient été depuis longtemps tout à fait abandonnées. Le Pénitentiel de Jean de Dieu, 1.’I, c. il, nous fournit un exemple de la formule indicative employée vers 1217 : « Je t’absous par l’autorité de Notre-Seigneur Dieu Jésus-Christ et du bienheureux apôtre Pierre et de notre office, » Ego absolvo te auctoritate Doniini Dei nostri Jesu-Cliristi et beati Pétri apostoli et officii nostri. On voit en quoi cette formule diffère de la suivante, qui est une formule de transition : « Que Dieu vous absolve par notre ministère de tous vos péchés, » etc. Ipse vos absolvat per ministerium nostfum ab omnibus peccatis vestris. Morin, loc. cit., p. 71. Toutes les deux font voir, quoique en ternies différents, que le prêtre ou l’évêque qui absout n’est que le ministre du sacrement, tandis que l’auteur de la grâce rémissive du péché est Dieu lui-même par Jésus-Christ Notre-Seigneur. C’est ce qn’avait exprimé d’une façon très claire le pseudo-Éloi dans le passage que nous avons cité. C’est ce que les scolastiques, les théoriciens du sacrement de pénitence mettront dans une lumière plus vive.

Morin, Comment, historiens de disciplina in admin. sacramerai psenltentix, Anvers, 1682 ; Martène, Dr antiquis Ecclesise ritibus, Rouen, 1700, l. I, c. VI. — Sur les Pénitentiels, voir surtout Wasserschleben, Die rtuxsordnunçien der abendlàndischen Kirche, Halle, 1851 ; Schmitz, Die Bussbùcher und die Bussdiseiplin der Kirche, Mayence, 1883 ; Malnory, Quid Ltucovienses monachi ad régulant monasteriorum uinmi communem Eeclesix profectum contulerunt, Paris, 1ff>4, p. 02 sq. L’un des principaux Pénitentiels est celui d’Halitgaire, P. L., t. cv, p. 654 s.). Le texte du Pénitentiel de Théodore de Canterbury doit être lii, non dans Migne, mais dans Wasserschleben, ou dans Schmitz.

E. VACANDARD.

IV. ABSOLUTION. Sentiments des anciens scolastiques.


I. Les prêtres ont-ils reçu le pouvoir d’absoudre les péchés ?
II. En quoi leur absolution contribue-t-elle à la rémission des péchés ?
III. Peut-on recevoir la rémission de ses pèches en se confessant à d’autres qu’au