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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/103

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171 ABSŒ. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES 172

absolvent légitimement sur la terre. Il suffit de renvover à Pierre Lombard, Sent., l. IV, dist. XVIII, XIX, P. L., t. cxcii, col. 885 ; car, nous le verrons, c’est l’auteur dont la théorie accorde le moins d’efficacité à l’absolution des prêtres, et pourtant il admet qu’ils ont un véritable pouvoir d’absoudre, bien qu’il le réduise presque à une simple déclaration.

II. En quoi l’absolution des prêtres contribue-t-elle a la rémission des Péchés ? — La contrition, inspirée par un motif de charité envers Dieu, ou, suivant le langage actuel des théologiens, la contrition parfaite a le pouvoir d’efi’acer les péchés. D’autre part, l’absolution du prêtre ne saurait remettre les péchés, qu’autant que le pénitent en a la contrition. Il ne s’ensuit point que l’absolution est inutile ; car il ne peut y avoir de véritable contrition des péchés mortels qu’avec le désir de se confesser et de recevoir l’absolution, si on le peut. Mais il semble en résulter que l’absolution est sans efficacité ; car si le prêtre absout un pénitent qui a la contrition parfaite, cette contrition a déjà effacé ses péchés, lorsque l’absolution lui est donnée. Aujourd’hui que la question a été élucidée par les discussions de l'École et les décisions de l'Église, nous résolvons facilement cette difficulté. Il suffit, disons-nous aux enfants de nos catéchismes, il suffit, pour le sacrement de pénitence, de la contrition imparfaite ou attrition, qui est impuissante à remettre les péchés par elle seule. L’absolution est donc nécessaire pour effacer les péchés quand le pénitent a simplement de l’attrition. Alors même qu’il aurait la contrition parfaite, l’absolution ne serait pas sans efficacité. Elle conférerait en effet au pénitent déjà justifié, le sacrement de pénitence, qui augmenterait en lui la grâce sanctifiante, le fortifierait contre les rechutes et contribuerait à remettre la peine temporelle de ses péchés. L’absolution sacramentelle a donc toujours une réelle efficacité.

Mais au commencement du moyen âge, la distinction entre la contrition parfaite et l’attrition n'était point encore faite. On pensait donc que la contrition nécessaire pour l’absolution est celle qui justifie par elle-même. D’autre part, la théorie des sacrements n'était qu'ébauchée, et l’on pouvait se persuader que l’absolution donnée à des pécheurs vraiment repentants est sans efficacité. Voyons comment le problème se posa et fut discuté'.

1° Avant le XW siècle. — Jusqu’au xiie siècle, on ne semble point remarquer la difficulté. Les auteurs déclarent que les prêtres sont investis du pouvoir d’absoudre les péchés. Ils ajoutent que l’absolution n’est ratifiée par Dieu, qu’autant qu’elle est donnée justement. Mais ils s’en tiennent là. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les commentaires faits à cette époque sur le texte de saint Matthieu, xvi, 19 : Tibi dabo claves regni cselorum. Et quodcumque ligaveris super terram erit ligatum et in cselis ; et quodcumque solveris super terram erit solutum et in cœlis. On entendait en effet ce texte du pouvoir de lier les pécheurs en les condamnant, ou de les délier en les absolvant, et on l’appliquait par extension non seulement au pontife romain, successeur de saint Pierre, mais encore aux évoques et aux prêtres. Or, en l’expliquant, on se plaisait à faire cette observation que la sentence du prêtre vis-à-vis du pécheur n’est ratifiée au ciel qu’autant qu’elle est juste, qu’il ne saurait rendre coupables ceux qui sont innocents, ni rendre innocents ceux qui restent coupables. Cette observation est répétée par Bède († 715.")), P. /, ., t. xcii, col. 79 ; Walafrid Strabon (f849), P. L., t. cxiv, col. 142 ; Chrétien Druthmar (milieu du ix° siècle ou du XIe), P. L., t. cvi, col. 1396 ; Raban Maur († 856), P. L., t. cvii, col. 992 ; Paschase Radbert(-|-865), P. L., t. cxx, col. 563 ; Anselme de Laon († 1117), .P. L., t. clxii, col. 1390 ; Brunon d’Asti (ꝟ. 1123), t. ci.xv, col. 214. Ils la présentent parfois sous une forme qui semble réduire le pouvoir des prêtres à déclarer si Dieu a remis les péchés. Mais ce n’est point

là leur pensée ; car ils admettent que le Christ a donné aux prêtres deux clefs pour lier et délier : la science (scientia) pour discerner ceux qui méritent l’absolution, et la puissance (potestas ou potentia) pour absoudre (Bède, Chrétien Druthmar, Raban Maur, Anselme de Laon, toc. cit.), et ils tiennent ces clefs pour nécessaires toutes deux. Anselme de Laon, qui écrivait au commencement du xiie siècle, remarque même que, si quelqu’un a la science pour discerner ceuxquisont dignes ou non d’absolution, et qu’il n’ait point reçu le pouvoir de lier et de délier, il ne saurait absoudre personne ; mais les auteurs plus anciens ne s’expriment pas aussi nettement, bien qu’ils attribuent le pouvoir d’absoudre non à ceux qui ont la science requise, mais seulement aux évêques et aux prêtres.

xiie siècle.

Les scolastiques du xiie siècle ne devaient pas se contenter de ces affirmations répétées depuis quatre ou cinq cents ans, sans qu’on en précisât la portée. Expliquant le passage de saint Luc, XVII, 14, où Jésus envoie les dix lépreux se montrer au prêtre, saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109) reprit l’application, qu’on faisait déjà avant lui, de ce texte aux pécheurs, qui sont tenus de se confesser aux prêtres. Après avoir rappelé qu'Ézéchiel, xxxiii, 12, attribue à la conversion le pouvoir d’effacer le péché, il affirme que la contrition qui détermine le pécheur à se confesser ôte le péché de son âme, qu’en conséquence l’absolution des prêtres manifeste simplement aux yeux des hommes la purification de l'âme déjà accomplie aux yeux de Dieu. Homil., Xiii, P. L., t. clviii, col. 662. Ce n'était là qu’une observation qui ne constituait pas encore une théorie. Elle avait sans doute été suggérée à ce profond penseu par ses vues originales sur la nécessité d’une réparation infinie pour obtenir le pardon du péché, Cur Veus homo, l. I, ibid., col. 361 sq., et sur la facilité d’obtenir ce pardon pour les chrétiens, une fois que cette réparation a été faite par l’Ilomme-Dieu. Ibid., l. II, c. xxi, col. 430. Quoi qu’il en soit, des docteurs dont nous ignorons le nom s’emparèrent de cette observation et s’appliquèrent à la démontrer. Mais Hugues de SaintVictor (1097-Il il) fut frappé des difficultés qu’elle soulevait. Il lui sembla qu’elle supprimait la réalité du pouvoir donné aux prêtres par le Christ d’absoudre les péchés. Il combattit donc les arguments invoqués en sa faveur par saint Anselme et les autres docteurs. Pour concilier les autorités qui attribuent à la contrition la puissance de remettre les péchés, avec celles qui attribuent la même puissance à l’absolution sacerdotale, il distingua dans le péché deux liens qui enchaînent le pécheur : un lien intérieur, c’est l’endurcissement ou l’aveuglement de l'âme, qui résulte de la privation de la grâce (les théologiens l’appellent aujourd’hui tache, macula) ; un lien extérieur, c’est la dette de la damnalion pour la vie future. Ligatus est obdurationc mentis, liqatus est debito futurm damnationis. Or, poursuit Hugues, Dieu par sa grâce nous délivre lui-même du lien intérieur, en nous donnant le repentir ; mais c’est par le ministère des prêtres qu’il nous délivre ensuite du lien extérieur ou de l’obligation de subir la damnation, obligation qui est le péché même, peccatum ipsum : impietas peccati rectissime [obduratio cordis accipitur, quæ primum in compunclione solvitur, ut poslmoduni in confessione peccatum ipsum, id est debilum damnationis absolvatur. Desacramentis, . II, part. XIV, c. VIII, /'. /, ., t. ci. xxvi, col. 564-570. Hugues pense doue que la contrition et l’absolution viennent tour à tour débarrasser le pécheur de divers liens. Ce caractère successif est aussi attribué à l’action de ces deux facteurs dans la Summa sententiarum insérée parmi les œuvres de Hugues, mais qui semble avoir eu pour auteur un de ses disciples. Voir III ABÉLARS (École d'), Oa le voit à la manière même dont on y pose la question : Quando solvatur liomoapeccato ? A <jntA moment l’homme eal-il délié du