Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

369

ADAM

370

assez large étude théologique. On peut la ramener aux idées suivantes :
I. Création du premier homme.
II. Son élévation à l’état surnaturel.
III. Son péché.
IV. Son repentir et son salut.
V. Lieu de sa sépulture.
VI. Adam figure de Jésus-Christ.

I. Création du premier homme.

Le livre de la Genèse énonce clairement la création d’Adam, I, 27 : Et creavit Deus hominem ad imaginem suam ; et il, 7 : Forniavit igitur Dominus Deus hominem de limo terrai. L’interprétation catholique de ces passages établit, comme dogme de foi, la création proprement dite de l’àme d’Adam, et comme doctrine commune aux Pères et aux théologiens, une action divine immédiate dans la formation de son corps. Gen., i, 26, 28 ; ii, 7. Voir Transformisme.

I. les anges ont-ils eu part a sa création ?

Ceci supposé, on s’est demandé si cette action immédiate de Dieu excluait toute coopération des anges dans la formation du premier corps humain. En principe, la réponse dépend du sens qu’on donne à la question. Une coopération qui consisterait à organiser ou à former un vrai corps humain est inadmissible ; dans des limites inférieures, elle ne serait pas impossible, comme l’insinue saint Augustin, De Genesi ad litt., l. IX, c. XV, P. L., t. xxxiv, col. 403, et c’est là également tout ce qu’affirme saint Thomas d’Aquin, Sum. theol., I a, q. xci, a. 2, ad l um : Potuit tamen fieri, ut aliquod ministerium in formalione corporis primi hominis angeli exhibèrent, sicut exhibebunt in ultima resurrectione, pulveres colligendo. Mais, en fait, la Genèse ne fait aucune mention d’une coopération semblable, et en général les Pères l’ignorent. Cf. Suarez, De opère sex dierum, l. III, c. I, n. 4 sq. Ce qu’il faut certainement exclure, c’est cette opinion juive, que Dieu aurait eu les anges en vue, comme l’idéal suivant. lequel l’homme devait être formé, et qu’il leur aurait adressé des paroles : Faisons l’homme à notre ressemblance. C’est à sa propre image que Dieu fit Adam : Et creavit Deus hominem ad imaginem suam ; ad imaginem Dei creavit illum. Voir entre autres, saint Basile, Hom., ix, in Hexæm., n. 6, P. G., t. xxix, col. 206, et saint Jean Chrysostome, Hom., viii, in Gen., n. 2, P. G., t. iii, col. 71.

II. CONDITIONS SUBJECTIVES OU FUT CRÉÉ ADAM.

Dans quelles conditions subjectives furent créés le corps et l’âme d’Adam ?

Principe. —

Un principe régit toute cette question dans la théologie patristique et scolastique : Le premier homme fut créé parfait. Cette perfection se mesure, soit sur ce qui convenait absolument à une nature humaine sortant des mains du créateur, soit sur ce qu’exigeait relativement dans Adam, sa mission de père et d’éducateur du genre humain.

Corps. —

Conformément à ce principe, son corps nous est représenté comme un chef-d’œuvre du divin ouvrier pour les proportions, la beauté, la grandeur et la majesté. Mais la critique, comme la saine théologie, rejette ces récits légendaires ou fantastiques sur la taille gigantesque d’Adam, qu’on rencontre chez des écrivains orientaux et qui s’inspirent de sources rabbiniques ou talmudiques. Au Xe siècle, l’évêque syrien Moses Bar Cepha nous donne un remarquable échantillon de ces singulières opinions, dans son livre De paradiso, part. I, c. xiv, P. G., t. exi, col. 498. Dans la supposition que le paradis terrestre se trouvait au delà de l’océan, la question se posait : Comment nos premiers parents ont-ils passé sur le continent ? Et les partisans de la taille gigantesque de répondre imperturbablement, qu’ils avaient passé la mer à pied : per vadosum mare pedibus commeasse, quum essent staturm procerissimæ. Quelques-unes de ces fables reposent sur une fausse interprétation de textes bibliques, comme on peut le voir dans Benoît Pereyra, In Genesim, l. IV, Disputatio de formations et prsestantia corporis humani, q. iii, n. 99-100.

Adam fut créé à l’état adulte. Saint Augustin énonce la question, sans la trancher, dans le De Genesi ad litt., l. VI, c. xiii, n. 23, P. L., t. xxxiv, col. 3’t8 ; mais il est plus expressif dans un autre ouvrage, De peccator. merit. et remiss., l. I, c. xxxvii, P. L., t. xliv, col. 144) : Non parvulus factus est, sed perfecta mole membrorum. Un état d’enfance n’a guère de sens que dans le cas d’une production naturelle par voie de génération. Au reste, l’ensemble des détails que fournit la Genèse sont significatifs : aussitùt après sa création, Adam nous apparaît capable de travailler la terre et apte à la fin du mariage. C’est abuser de cette expression : Infans enim fuit, dont se sont servis quelques Pères, en particulier saint Irénée, Cont. hær., l. IV, c. xxxviii, P. G., t. vii, col. 1105, que de l’appliquer à la condition physique du premier homme ; chez Irénée, elle signifie qu’il n’eut pas dès le début toute la perfection finale dont il était susceptible ; dans la pensée des autres Pères, elle se rapporte aux qualités de simplicité et d’innocence enfantine qui ornaient Adam avant sa chute. Voir dom Maran, Prsefat. in opéra S. Justini, part. II, c. v, P. G., t. VI, col. 43 ; Petau, De opificio sex dierum, l. II, c. ix. A quel âge répondait exactement le degré de développement physique possédé par le corps d’Adam au jour de sa création, c’est ce qu’il est superflu et même impossible de déterminer : pour des raisons diverses, les conjectures varient d’une trentaine à une soixantaine d’années. Pereyra, op. cit., n. 97 ; Suarez, n. 5-6.

Saint Augustin signale une singulière opinion qui, de son temps, eut cours dans le peuple ; sur une interprétation trop littérale de ces paroles que la Genèse dit de nos premiers parents après leur chute, iii, 7 : « Et leurs yeux s’ouvrirent, et ils s’aperçurent de leur nudité, » on se figura qu’Adam et Eve avaient été créés aveugles : Neque enim ceeci creati erant, ut imperitum vulgus opinatur. De civit. Dei, l. XIV, c. XVII, P. L., t. xli, col. 425. Le grand docteur réfute cette ineptie, et rétablit le vrai sens du texte, au même endroit et en divers autres passages de ses écrits. De Gènes.’ad. litt., l. XI, c. xxxi, P. L., t. xxxiv, col. 415 ; De nupt. et concup., l. I, c. v, P. L., t. xliv, col. 416, etc.

Intelligence.

A la perfection naturelle d’Adam se rattachent, comme un corollaire des plus importants, les dons intellectuels dont son àme fut enrichie par le créateur. On distingue la science inftise et la science acquise ou expérimentale. Que le premier homme ait été capable de cette dernière, nul n’a jamais songé à le nier ; la question ne saurait porter que sur la science infuse, et les conditions spéciales dans lesquelles s’est trouvée l’intelligence d’Adam au jour de sa création. Faut-il concevoir le père du genre humain comme ces êtres primitifs que le rationalisme nous montre vivant dans un état sauvage et voisin de la bête ? Faudrait-il, du moins, le concevoir comme Hirscher, Gùnther et quelques autres catholiques qui, tout en reconnaissant dans Adam une faculté intellective parfaite, la soumettent toutefois à la loi commune d’un développement progressif, et, par suite, lui refusent la science infuse ? Ce n’est assurément pas là l’idée que nous donnent la sainte Écriture et les Pères. C’est à nos premiers parents qu’il convient d’appliquer d’une façon toute particulière, sinon exclusive, ce passage de l’Ecclésiastique, xvii, 1, 5-6 : « Dieu forma l’homme de la terre, et il le fit à son image… Il lui forma une aide de lui-même ; il leur donna le discernement, une langue, des yeux, des oreilles et un esprit pour penser, et il les remplit de science. Il créa en eux la science de l’esprit, remplit leur cœur de sagesse et leur fit connaître les biens et les maux. » Pour ce qui est d’Adam en particulier, les saints Pères voient un indice non équivoque de sa portée intellec-