Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
407
403
ADOPTIANISME AU VHP SIÈCLE


observe que, sous son prédécesseur Adrien, l’hérésie adoplienne avait pu paraître éteinte. Il n’en est rien ; car, dit la deuxième session, Félix a par trois fois manqué à sa parole ; il n’a pas tenu les serments faits à Ratisbonne d’abord, et puis à Rome. Il s’est, au contraire, enfui cbez les iniidèles pour reprendre ses erreurs ; et il en est venu jusqu'à écrire un livre plein de blasphèmes contre le vénérable Albinus (Alcuin). C’est pourquoi la troisième session prononce solennellement l’anathème contre Félix, tout en l’assurant qu’il serait reçu en grâce s’il se convertissait. Hardouin, Aclaconc, t. iv, col. 927.

C’est alors que, pour ramener Félix et ses adeptes dans les provinces espagnoles, Cbarlemagne envoya les archevêques Leidrade de Lyon, Néfrid de Narbonne, et Benoit, abbé d’Aniane en Languedoc. Ils rencontrèrent Félix à Urgel et eurent avec lui une conférence, et non un concile, dans laquelle ils lui persuadèrent de se présenter devant le roi. Celui-ci réunit donc, à l’automne de cette année 799, un synode à Aix-la-Cbapelle, concilium Aquisgranense, dont Alcuin, P. L., t. c, col. 350, et Félix lui-même, P. L., t. xcvi, col. 883, nous ont rapporté d’intéressants détails. Le premier discuta pendant six jours avec l'évoque hérétique et un prêtre de sa suite qui se montra pire que le maître : pejor fuit magistro. Félix résista longtemps, discutant pied à pied et en toute liberté, mais il dut enfin s’avouer vaincu et promettre de rester fidèlement attaché à la foi catholique. Toutefois, le roi, rendu moins confiant par les expériences précédentes, ne voulut point le laisser retourner à son siège, et il confia l'évêque et son compagnon à Leidrade de Lyon pour observer leur sincérité. Celui-ci obtint de l'évêque une abjuration écrite sous forme de lettre à son clergé d’Urgel et à tous ses anciens partisans. P. L., t. xcvi, col. 882. Cf. Hardouin, Acta concil., t. iv, col. 929 ; Monum. Gerni. : Epistolse karolini sévi, t. ii, p. 329.

6° Sur ces entrefaites Élipand, qui ignorait encore la conversion de Félix, lui adressa une vive exhortation pour l’encourager à souffrir fermement toutes les persécutions pour la cause commune. P. L., t. xevi, col. 880 ; Monum. Germ. : Epistolse karolini sévi, t. ii, p. 307. Ce que voyant, Alcuin écrivit à cet octogénaire opiniâtre une lettre pleine de politesse et de charité, pour lui faire connaître et détester son erreur. P. L., t. ci, col. 235 ; Monum. Germ. : Epistolse karolini sévi, t. ii, p. 268. Mais il lui fut répondu par le vieil archevêque sur le ton de l’aigreur et du mépris le plus parfait. P. L., t. xevi, col. 870 ; Monum Germ. : Epistolse karolini sévi, t. il, p. 300. Alcuin apprit alors que Charlemagne envoyait pour la seconde fois en Espagne les archevêques Leidrade et Néfrid avec l’abbé Benoit, en vue de hâter la pacification et le retour des esprits égarés. Il composa donc, en réponse à la dernière lettre d'Élipand.un traité de quatre livres, et le dédia aux évéques députés à Urgel pour le lire en route et en tirer parti contre ceux qui ne manqueraient pas de leur opposer les dires de l’archevêque de Tolède. Advenus Elipandum Tolelanum libri IV, P. L., t. ci, col. 231. Ces envoyés réussirent si bien dans leur mission que, dans cette même année 800, Alcuin pouvait annoncer à l’archevêque de Sahbourg, Arno, la rentrée au bercail de l'Église d’au moins vingt mille clercs et laïques. P. L., t. c, col. 321 ; Monum. Germ. : Epistolse karolini sevi, t. ii, p. 3't5. Pour Élipand, il y a tout lieu de croire qu’il demeura inébranlable et mourut bientôt dans son obstination. Félix, extérieurement du moins, sembla persévérer dans les sentiments - d’une vraie conversion. Il fit visite à Alcuin, au couvent de Saint-Martin de Tours, lui laissant l’impression d’un retour sincère à la foi, ibid., et mourut à Lyon en 818. On n’aurait aucun motif de soupçonner ses dispositions intimes et dernières, si saint Agobard, successeur de Leidrade sur le siège de Lyon, n’avait trouvé parmi les papiers de Félix un écrit où il semble revenir une fois

encore sur sa parole et rétracter ses rétractations. Ce fut l’occasion pour saint Agobard de reprendre toute la question de l’hérésie félicienne et de la traiter en maître dans un livre composé en 818 et dédié à l’empereur Louis le Pieux. Liber adversum dogma Felicis Urgellensis, P. L., t. civ, col. 29. Les théories adoptiennes n’entraînèrent point d’autres conséquences à cette époque.

II. Exposé doctrinal.

Toute la doctrine de l’adoptianisme tient en deux propositions : 1° Jésus-Christ en tant qu’homme, cet homme qu’est Jésus-Christ, n’est pas le vrai fils, le fils propre et naturel de Dieu ; mais ce fils propre et naturel est le Verbe éternel. — 2° Jésus-Christ en tant qu’homme, cet homme qu’est Jésus-Chrit, est seulement le fils adoptif de Dieu, filius adoplivus, le fils nominal, nuncupativus, et d’une manière figurée, per metaphoram. Dans leur lettre aux évéques des Gaules, les Espagnols formulaient leur croyance en ces termes : Con/itemur et credimus Deum Dei Filium ante omnia tempora sine inilio ex Pâtre genitum, coseternum et consimilem et consubstanlialem, non adoptione sed génère (generatione), neque gratia sed natura. — Con/itemur et credimus, eum faclum ex muliere, faclum sub lege, non génère esse Filium Dei sed adoptione, neque natura sed gratia. P. L., t. Ci, col. 1323. Ayant rapporté ce second article, la Synodica de Francfort ajoute cette juste réflexion : Ecce serpens inter pomifera paradisi lalitans ligna, ut incautos quosque decipiat. Ibid., col. 1332.

Les adoptiens professaient bien haut que la nature divine est essentielle au Verbe éternel ; mais pour l’humanité, il l’a prise, assumpsit ; il l’a adoptée, adoptavit. Et ils raisonnaient ainsi : Puisque l’humanité du Christ a été adoptée par Dieu le Verbe, le Christ est simplement le fils adoptif de Dieu selon son humanité, tandis que sous le rapport de sa divinité, il est le propre fils, le lils naturel de Dieu. Ils disaient encore : A raison de sa divinité, le Christ est fils de Dieu par nature ; au contraire, à raison de son humanité, il n’est fils de Dieu que par grâce, et seulement par la volonté libre de Dieu. Ils répétaient volontiers : Le fils unique du Père est le vrai fils de Dieu, tandis que le premier-né de Marie est simplement fils adoptif. Credimus et confitemur Deum Dei Filium, lumen de lumine, Deum verum ex Deo vero, ex Paire unigenilum sine adoptione ; primogenitum vero in fine temporis, verum hominem assumendo de Virgine in carnis adoptione ; unigenitum in natura, primogenitum in adoptione et gratia. Ibid., col. 1324.

Pour étayer ces opinions, on recourait à tous les textes de l'Écriture qui s’expriment différemment au sujet de la nature divine du Christ et de sa nature humaine, au sujet du Fils de Dieu et du Fils de l’homme, et avec plus d’habileté que de loyale critique on en tirait toutes les conclusions voulues par le système. On recourait ensuite aux Pères et aux conciles qui ont parlé de Vliomo assumpttts, (e l’homo adoptatus, dans le sens de natura humana assumpta. A l’aide d’un petit sophisme, on entendait ces textes non dans leur sens actif : que le Christ a pris, a adopté pour sienne la nature humaine, mais dans un sens passif : que le Christ a été adopté par son père, sous le rapport de son humanité. De là à donner le nom de filius à cet adoptatus Iwmo, il ne restait plus qu’un pas, et il était franchi avec la plus parfaite désinvolture. L’on interprétait dans le même sens détourné le mot adoptio qui se rencontre plusieurs fois dans la liturgie mozarabique, et de la thèse si (levante pour nous du premier-né, l’on abusait pour rabaisser jusqu’au rang de ses frère* la personne du Christ devenant connue eux Fils (le Dieu par la grâce, par l’adoption surnaturelle, mais seulement à un degré supérieur.

III. Critiqi’e. — 1° Il est facile de dégujer le vice fondamental de l’adoplianisme ; il est dans une méprise