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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/227

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419 ADOPTIANISME, NOUVELLES CONTROV. DEPUIS LE XIVe SIECLE 420

Voir ÂRIUS. — 2. Jésus-Christ, ou cet homme qui est le C/irisl est le /ils naturel du Père, au moins en vertu de la communication des idiomes fondée sur l’unité de personne. Le nier, c’est l’hérésie nestorienne latente sous l’hérésie adoptianiste. — 3. Jésus-Christ en tant qu’homme (ut homo, in quantum homo) est fils naturel du Père, pourvu que ces mots en tant qu’homme soient entendus de la personne qui est le Christ, et non uniquement de la nature humaine. Le sens est alors celui-ci : le Verbe, unique personne en Jésus-Christ, garde dans son humanité sa propriété inaliénable de fils naturel du Père. C’est là précisément ce que niaient les adoptianistes du vme siècle, et ce que le concile de Francfort voulut sauvegarder, en repoussant le titre de /ils adoplif, donné par Élipand à Jésus-Christ, « comme homme » ou « dans son humanité ». Ni Durand, ni Scot, ni aucun théologien postérieur au XIIe siècle n’a attaqué cette proposition ainsi entendue. On a seulement discuté si l’expression « en tant qu’homme » ne désigne pas plus exactement la nature humaine que la personne : mais c’est là une question de mots que l’usage et des explications suffisent à trancher, quoi qu’il en soit de la rigueur dialectique. Cf. Suarez, De incarti., disp. XLVIII, sect. il, n. 32 ; les Salmanticenses, In III™ partent, disp. XXXIII, n. 67 ; de Lugo, De incarn., disp. XXXI, n. 25.

Origine de la controverse.

Dans cette filiation naturelle de Jésus-Christ telle que l’Église l’a délinie, trois caractères sont à remarquer : I. elle a pour unique fondement la génération éternelle du Verbe, celui-ci gardant son titre de Fils dans toute nature qu’il daigne s’unir ; 2. par suite, elle constitue Jésus-Christ, le Fils naturel du Père seul, et non point de la Trinité, tandis que les justes sont les fils adoptifs des trois personnes ; 3. enfin, due uniquement à la propriété personnelle du Verbe, non à l’union hypostatique en général, cette filiation disparaîtrait si, au lieu du Verbe, le Saint-Esprit ou le Père s’était incarné.

De là surgit un problème tout nouveau : il reste à examiner si, indépendamment de la relation de fils inhérente au Verbe par rapport au Père, le seul fait de l’union de l’humanité à une personne divine (serait-ce le Père ou le Saint-Esprit) ne constitue pas pour cette humanité une filiation par rapport à la Trinité. En d’autres termes, Jésus-Christ n’est-il pas fils de Dieu à deux titres distincts : 1. Fils naturel du Père par sa génération éternelle ; 2. Fils (naturel ou adoptif) de la Trinité par les droits que confère l’union hypostatique ? Telle est la question qu’ont essayé de résoudre les sysfèmes que nous devons juger.

III. Critique des systèmes.

I" système : nouvelle filiation adoptive en Jésus-Christ. — D’après Durand et les auteurs qui l’ont suivi, le Christ, considéré dans son humanité, en vertu des grâces conférées avec l’union hypostatique, est fils adoplif de la Trinité. La grâce sanctifiante constitue les justes fils adoptifs de Dieu : à combien plus juste titre, cette dignité est-elle conférée à Jésus-Christ par l’incomparable grâce qui accompagne l’incarnation ! De plus, si le Saint-Esprit, au lieu du Verbe, s’était incarné dans le Christ, le Christ serait encore Fils de Dieu ; mais il ne serait plus Fils naturel, puisqu’il ne serait point engendré’par le Père. Il serait donc fils adoptif de la Trinité par la grâce.

Ce système, sans être condamné, repose sur une erreur, et serait aujourd’hui téméraire. — 1. Il n’est pas proscrit par les définitions de Francfort, malgré les censures de Cajetan, In IU im partent, q. xxiii, a. 4, de Valentia, de Vasque/, et d’Àlvares. Comme Suarez, De incarn., disp. XLIX, sect. iv, n. 40, et les carmes de Salamanque, disp. XXXIII, n. 39, l’ont prouvé, I adoptianisme condamné à Francfort excluait toute filiation naturelle du Christ, même en vertu de la génération éternelle du Verbe. Durand au contraire pro clame cette filiation naturelle ; seulement il y ajoute une filiation adoptive fondée sur un autre titre. — 2. Ce sstème est pourtant faux, en vertu de ce principe fondamental, que l’adopté doit être une personne étrangère. Or, par rapport à Dieu, Jésus-Christ, même dans son humanité, ne saurait jamais être un étranger, puisque la personne unique de cette humanité est le Fils unique du Père. Ce défaut d’extranéilé exclurait également l’adoption, si le Père ou le Saint-Esprit s’étaient incarnés : car, s’ils n’ont pas le titre de Fils naturel, ils ne sont point des personnes étrangères à la Trinité. — 3. Il y aurait même témérité à soutenir cette erreur, surtout aujourd’hui, après l’accord, unanime depuis trois siècles, de toutes les écoles. D’ailleurs, si le concile de Francfort n’a pas défini ce point, il a pourtant manifesté son horreur pour toute filiation adoptive. Le Sacrosyllabus, rédigé au nom du concile par saint Paulin d’Aquilée, consacrait, dans son chapitre viii, le grand principe de l’extranéité : Adoplivus dici non potest, nisi is qui alienus est ab eo a quo adoptari desiderat. P. L., t. xcix, col. 160. Cf. Suarez, loc. cit., dist. XLIX, sect. ii, n. 2 ; Salmanticenses, dist. XXXIII, n. 38.

2e système : seconde filiation naturelle. — 1° Exposé. — Suarez, De incarn., disp. XI. IX, sect. i, n. 5, sect. ii, n. 24 sq. ; Vasquez, disp LXXXIX, c. xiv, et d’autres théologiens ont vu dans la grâce d’union un titre de filiation, non plus adoptive, comme Durand, mais naturelle. Jésus-Christ serait donc deux fois fils naturel de Dieu, du Père par sa génération, de la Trinité par l’union hypostatique. Ils pensent eux aussi que l’union hypostatique conférant à l’humanité une sainteté substantielle et des droits à l’héritage divin, établit, par là même, une vraie filiation. Comment admettre, pensent-ils, que si le Saint-Esprit se fût incarné dans le Christ, celui-ci ne serait à aucun titre fils de Dieu ? D’autre part toute adoption est exclue par défaut dextranéité. L’union confère donc une filiation naturelle. — 2° Critiqtie. — Ce système, tout ingénieux qu’il est, ne sauvegarde pas l’essence de la filiation naturelle, qui exige une véritable génération et l’identité spécifique du fils avec le père. Où trouver ces conditions dans l’humanité du Christ par rapport à Dieu ? Imaginer une filiation naturelle d’un ordre inférieur est trop arbitraire et peu en harmonie avec les affirmations des Pères. Enfin ceux-ci n’ont jamais reconnu en Jésus-Christ une double filiation, dont l’une serait imparfaite et le rendrait fils de la Trinité et par conséquent de lui-même.

système et conclusion.

Pour ces motifs, il est sage de s’en tenir à l’explication ancienne, aussi simple que rationnelle. En Jésus-Christ, il n’y a par rapport à Dieu qu’une seule filiation qui le constitue Fils naturel du Père éternel. Elle a pour unique fondement la génération du Verbe ; l’union hypostatique est seulement la condition par laquelle le Verbe communique à l’humanité son titre de Fils naturel. L’union hypostatique avec une autre personne que le Verbe n’aurait donc conféré aucune filiation. Si le Père s’était incarné, le Christ serait le Père du Verbe, mais il ne serait ni fils adoptif, par défaut d’extranéité, ni fils naturel, par défaut de génération. Tel est au fond le système des Pères et des grands docteurs du xiiie siècle, d’Albert le Grand, de saint Thomas (surtout dans la Somme, lll a, q. xxxit, a. 3), de saint Iîonaventure. Défendu au xtsiècle par Basile Ponce de Léon, Variarium disputationw/n Rclectio IF, complété par de Lugo, De incarn., disp. XXXI, n. 20 sq. ; Petau, Theol. dog., De incarn., l. VII, c. v ; Thomassin, De incarn., I. VIII, c. i-xin, il a été adopté de nos jours par Franzelin, De Verbo incarnato, th. XXXVIII, et Slentrup, Pru-lectiones ilugmaticss, Christologia, Inspruck, 1888, th. xxxix-xli.

Sources : Les anciens scolastiques traitent la question, & la

suite du Maître îles Sentences, dans le III" livre des Sentences, dist. IV (par exemple Durand) ou surtuut dist. X. C’est là