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495 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE DANS L’ÉGLISE LATINE 49G

du vm e siècle et composé de deux livres qui lui ont été faussement altribués : le premier de ces livres est un pénitentiel proprement dit ; le second est plutôt un cours de droit. Ce cours de droit déri » e lui-même d’un ouvrage un peu antérieur publié sous divers titres et en particulier sous ceux de Judicia Theodosi et de Canones sancli Gregorii papœ. Schmitz, t. il, p. 510-522.

Les Canones Gregorii ne permettent pas à la femme de se remarier, ni même de quitter son mari, si celui-ci commet l’adultère. Ils disent en eiîet(n. 67) : Mulieri non est licitum virum suum dimittere, licet fornicator, nisi forte pro monasterio. Basilius judicavit, Schmitz, t. H, p. 529, et cette décision est reproduite par le cours de droit ou second livre du pénitentiel de saint Théodore, part. XII, n. 6. Schmitz, t. n, p. 576 ; t. i, p. 545. Mais lorsque c’est au contraire la femme qui tombe dans l’adultère, les Canones Gregorii, n. 66, 82, Schmitz, t. il, p. 520, 531, et, à leur suite, le second livre du pénitentiel de saint Théodore, part. XII, n. 5, autorisent le mari à prendre une autre femme, après avoir renvoyé l’épouse adultère. Ils autorisent même cette femme adultère ainsi renvoyée à prendre après deux ans (d’autres textes portent après cinq ans) un autre mari, pourvu qu’elle ait fait pénitence de sa faute. Voici le texte du second livre du pénitentiel de saint Théodore, où sont réunis en un seul article les deux articles des Canones Gregorii : Si cujus uxor fornicata fueril, licet dimittere eam et aliam accipere (un manuscrit de Munich du IX e siècle des Canones Gregorii porte et aliam non accipere, et témoigne des répugnances qu’on éprouvait à transcrire pareille doctrine), hoc est, si vir dimiserit uxorenx suani propter fornicationem, si prima fuerit, licitum est, ut aliam accipiat uxorem, illa vero si voluerit peccata sua psenitere posl (quinque) duos annos alium virum accipiat. Schmitz, t. il, p. 576 ; 1. 1, p. 545.

Il n’y a pas lieu de trop s’étonner de cette latitude accordée même à la femme adultère. Les Canones Gregorii, n. 70, 72, 73, et le 1. II du pénitentiel de saint Théodore, n. 8, 19, 20, 21, 22, 23, 24, autorisent l’homme à se remarier, si la femme l’a abandonné par mépris. Ils permettent également à l’homme et à la femme de contracter une nouvelle union, si leur conjoint tombe dans l’esclavage ou s’il a été enlevé par l’ennemi. Schmitz, t. Il, p. 530, 576, 577. (Hugues de Saint-Victor, ou plutôt l’auteur de la Sumnia sententiarum, qui lui est attribuée, explique, tr. VII, c. ix, P. L., t. clxxvi, col. 161, qu’il y avait, en ce cas, tolérance de l’Eglise, mais que le second mariage n’était point valide.) Les Canones Gregorii, n. 73, permettent même à un esclave (homme ou femme), marié par son maître avec une autre esclave, de contracter un second mariage avec une personne libre, s’il ét ; iit mis en liberté et qu’il ne pût racheter son conjoint esclave. Schmitz, t. n, p. 530.

Le pénitentiel de saint Théodore n’avait aucun caractère officiel, non plus que les autres pénitentiels ; mais, comme il était très répandu, il exerça une grande influence sur la pratique. Ses décisions furent d’ailleurs reproduites par des pénitentiels postérieurs jusqu’au XI* siècle, Schmitz, ibid., t. il, p. 516, dans les pays francs et anglo-saxons où il était employé’. Schmitz, ibid. Ces pénitentiels sont, par conséquent, des témoins de la pratique admise dans un grand nombre d’églises de ces contrées, du milieu du vm e siècle jusqu’au xi*, relativement à la dissolution du mariage en cas d’adultère. Cette pratique se prolongea-t-elle davantage ? Nous ne le croyons pas. Yves de Chartres (f 1116), Décret., part. VIII, c. mil, P. L., t. ci.xi, col. 593, enseigne expressément qu’un rnari peut renvoyer sa femme adultère, mais qu’il ne saurait en épouser une autre du vivant de la première. Il ne laisse pas supposer que personne suive encore une coutume contraire, Gratien (•)■ 1204), à son tour, ne se contente pas d’affirmer l’indissolubilité absolue du mariage, il nous donne encore à entendre que, de son temps, per sonne n’admettait plus le droit de rompre le mariage pour cause de simple adultère. Ayant en effet à s’expliquer au sujet d’un texte de l’Ambrosiaster qui admet ce droit, il dit, caus. XXXII, q. vu, c. 18, que certains

; auteurs (qu’il combat du reste) interprètent ce texte

i comme accordant au mari la liberté de renvoyer sa femme et de se remarier de son vivant, si elle s’est rendue coupable non d’un adultère quelconque, mais d’un adultère incestueux. Nous avons cité plus haut ce passage de Gratien. Il semble prouver que personne n’admettait plus de son temps les décisions du pénitentiel de saint Théodore, relativement au droit de se remarier en cas d’adultère.

Conclusion. — Du V e au xn e siècle, la doctrine de l’indissolubilité du mariage, en cas d’adultère non incestueux, a été affirmée en Occident par les papes et les conciles, sans que nous possédions aucun acte authentique de l’autorité ecclésiastique qui se prononce pour la doctrine opposée. Les auteurs, dont les écrits nous sont parvenus, sont également unanimes dans le même sens. La pratique de l’Église romaine, pendant toute cette période, celle de toutes les Églises occidentales jusqu’au VIII e siècle et de la plupart d’entre elles jusqu’au xn e siècle, a été conforme à cette doctrine. Cependant, au même moment où les conciles de Verberie et de Compiègne permettaient, à ce qu’il semble, la rupture du lien conjugal en cas d’adultère incestueux et l’introduisaient en Germanie, c’est-à-dire au milieu du vm e siècle, le pénitentiel de saint Théodore et d’autres pénitentiels qui s’y rattachent autorisaient aussi cette rupture en cas de simple adultère. Ce relâchement, contraire aux lois ecclésiastiques et condamné par elles, se produisit dans une partie des Églises franques et anglo-saxonnes, du vm e au xi e siècle. S’il subsistait encore au xn e, c’était à titre très exceptionnel, car Gratien donne à entendre que l’opinion qui tolérait ce relâchement n’était plus admise par aucun de ses contemporains.

IV. DU DÉCRET DE GRATIEN JUSQU’AU CONCILE DE TRENTE.

— Cette période ne nous arrêtera point longtemps ; car depuis le XII e siècle on ne cessa de suivre la doctrine enseignée par Gratien. Elle ne semble avoir donné lieu à aucune contestation jusqu’au XVI e siècle. Au XII e siècle les auteurs l’admettent unanimement, non seulement en raison du caractère sacramentel du mariage, mais plus encore en raison du droit naturel qui régit ce contrat. Ils discutent sur la rupture du lien matrimonial, mais leurs discussions sont relatives soit au droit reconnu par saint Paul à un païen qui se convertit de rompre son mariage avec son conjoint infidèle, si celui-ci doit être un obstacle à sa persévérance et à son salut, I Cor., vu, 12, 15, voir Mariage des païens, soit à la possibilité, voir Indissolubilité du mariage, de rompre un mariage chrétien avant sa consommation. Freisen, Geschiclite des canonischen Elierechts, Paderborn, 1893, § 69, p. 803 sq. Pierre Lombard étudie à part les deux questions des effets de l’adultère incestueux et de l’adultère simple sur le mariage. Il traite la première dans la dist. XXXIV du quatrième livre, la seconde dans la dist. XXXV. Il affirme pour les deux cas que le mariage reste indissoluble. Saint Thomas reprend cet enseignement dans son commentaire sur ces passages. Duns Scot ne s’y arrête plus, parce que sans doute il ne pense pas qu’il puisse offrir de difficulté ; il se contente de reproduire ce texte de Pierre Lombard. Aucun théologien du XII e, du xm e, du xiv ou du xv e siècle n’éprouve la moindre hésitation. Il ne fut pas question du divorce en cas d’adultère

, dans les actes du concile de Lyon, ni dans ceux du concile de Florence, bien qu’on y travaillât à l’union avec les ^recs. Ce n’est pas que lis l.ilins eussent à ce sujet le moindre doute. Mais comme la question n’avait jamais été l’objet d’aucune controverse entre les deux Églises,

; ils ne voulurent pas ajouter de nouveaux sujets de divi