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ALCUIN

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avec l’Église. Charlemagne recourut à lui en particulier pour mener ù bonne fin sa réforme liturgique : il lui demanda notamment la correction du lectionnaire, ainsi que nous l’apprend une note d’un manuscrit de Chartres, aujourd’hui disparue, mais qui nous a été conservée par Mabillon, Annales ordinis sancti Benedicli, t. ii, Lucques, 1739, p. 305.

Quant à la correction de la Bible, due également à Alcuin, qu’elle ait été ou non « une œuvre privée beaucoup plus qu’officielle ». Alcuin, en l’exécutant (de 799 environ à 801), entrait dans les vues de Charlemagne, qui aimait l’unité en tout. Jusqu’alors les textes bibliques présentaient « un mélange désolant de textes excellents et de textes déplorables, quelquefois deux traductions du même livre juxtaposées, les anciennes versions mêlées à la Vulgate dans une confusion indicible ». Grâce à Alcuin, « la seule Bible en usage a été la version de saint Jérôme et les anciennes versions ont disparu. » S. Berger, Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, p. xv, xvii.

Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, t. i, Paris, 1872, p. 123, 126, estime qu’Alcuin n’est, « à propremenf parler, qu’un grammairien, » du reste très utile, mais qu’il « n’est pas un philosophe ». De vrai, Alcuin ne pense guère par lui-même. Toutefois, son influence a été considérable en philosophie, et c’est avec raison que M. Picavet, De l’origine de la philosophie scolastique, Paris, 1889, p. 267, le regarde comme « le véritable auteur de la renaissance philosophique en France et en Allemagne ». Alcuin introduisit, à l’école du palais, le trivium et le quadrivium ; ses livres servirent de base, longtemps après lui, à l’enseignement scientifique ; si leur fond est chétit, leur forme dialoguée est suggestive, et la place qui est assignée à la dialectique préparait le développement de la philosophie scolastique, dont le nom même semble venir des écoles, scholse, fondées par lui ou sous son impulsion.

III. Ses œuvres. — 1° Théologie ; 2° Écriture Sainte ; 3° Liturgie ; 4° Philosophie ; 5° Enseignement ; 6° Hagiographie ; 7° Poésie ; 8° Lettres ; 9° Œuvres douteuses et apocryphes.

L théologie. — Nous avons d’Alcuin sur la Trinité :

I. De fuie sanctse et individuse Trinitatis libri III, P. L., t. ci, col. 11-58, composés après 800 et tirés en grande partie de saint Augustin ; — 2. et De Trinitate ad Fredegisum quæstiones xxviii, P. L., t. ci, col. 57-64.

Alcuin marqua dans la théologie, surtout par sa lutte contre l’adoptianisme. Voir ce mot. Il écrivit : 3. vers 793, Libellus advcrsus hæresin Felicis, P. L., t. ci, col. 87-120 ; — 4. vers 794, Adversus Felicem libri VII, P. L., t. ci, col. 127-230 ; —5. vers 800, Adversus Elipandum libri IV, P. L., t. ci, col. 213-300.

Alcuin s’occupe encore de l’adoptianisme dans un certain nombre de lettres ; l’une d’elles, inconnue de la Patrologie de Migne, a été publiée par M. Loewenfeld, Bibliothèque de l’école des chartes, t. xlii, 1881, p. 10 II, et par M. E. Duemmler, Monumenta Germanise historica. Epistolarum t. iv Karolini sévi, t. ii, Berlin, 1895, p. 258-259.

Souvent la correspondance d’Alcuin touche aux questions théologiques. Par exemple, il y expose comment les mots substance, essence, subsistance et nature conviennent à la Trinité. P. L., t. c, col. 407-409. Voici les points les plus intéressants qui s’y trouvent indiqués.

Alcuin décrit les cérémonies du baptême. P. L., f. ci, col. 611-614 ; cf. t. c, col. 292. Il condamne l’usage d’invoquer la sainte Trinité à chaque immersion, mais il se trompe quand il considère les trois immersions comme essentielles, P. L., t. C, col. 289, 3’12 ; la controverse sur la nécessité d’une triple immersion fut tranchée par le concile de Worms (868). Labbe et Cossart, Sacrosancta concilia, t. viii, Paris, 1671, col. 946. Alcuin insiste sur le besoin d’user de douceur à l’égard des infidèles de

l’Allemagne et de ne forcer personne à recevoir le baptême. P. L., t. c, col. 188, 195, 204.

Il enseigne la transsubstantiation dans une lettre à Paulin d’Aquilée. P. L., t. c, col. 203 ; cf. col. 289. La Confessio fidei, part. IV, P. L., t. ci, col. 1087-1091, est encore plus explicite là-dessus ; mais, si la Confessio remonte au temps d’Alcuin, son attribution à l’abbé de Saint-Martin de Tours est au moins très douteuse. Il requiert, pour le sacrifice eucharistique, le pain azyme et repousse, comme contraire à la coutume de l’Église universelle et à l’autorité de Rome, l’emploi du sel dans l’hostie. P. L., t. c, col. 289.

Dans une longue lettre, Alcuin réfute une erreur qui s’était répandue dans le Languedoc, et d’après laquelle les laïques n’étaient pas obligés de se confesser aux prêtres. P. L., t. c, col. 337-341 ; cf. t. ci, p. 649-656.

Signalons encore des textes précieux sur l’autorité de l’Église romaine, par exemple, P. L., t. c, col. 293, — en faveur de l’intercession des saints, de leurs reliques, des suffrages pour les morts, du purgatoire, par exemple, P. L., t. c, col. 177, 181, 44-9, 474 ; t. ci, col. 831-832, contre l’opinion, qui ne sera condamnée que plus tard, de ceux qui renvoyaient après le jugement dernier la vision béatifique, P. L., t. c, col. 312, — contre diverses superstitions. P. L., t. C, col. 450.

/L écriture sainte. — Les ouvrages exégétiques d’Alcuin sont : 1. Inlerrogationes et responsiones in Genesin, P. L., t. c, col. 516-566 ; cf. col. 565-570 ; 2. Enchiridion seu expositio pia ac brevis in psalmos pœnitenliales, in psalmum cxviii et graduâtes, P. L., t. c, col. 570-638 ; — 3. Compeiulium in Canticum canticorum, P. L., t. c, col. 61l-661 ; cf. col. 663-666 ; — 4. Commentaria super Ecclesiasten, P. L., t. C, col. 667722 ; — 5. Interpretationes nominum hebraicorum progenitorum D. N. Jesu Christi, P. L., t. c, col. 725-734 ;

— 6. Commentaria in sancti Joannis evangclium, P. L., t. c, col. 743-1008 ; cf. col. 737-744 ; — 7. Tractalus super très sancti Pauli ad Titum, ad Philemonem, et ad Hebrseos epistolas, P. L., t. C, col. 1009-1084 ; cf. col. 1083-1086. Voir aussi trois lettres, P. L., t. c, col. 422, 428, 476.

Sur la recension de la Bible par Alcuin, cf. Mangenot, Dictionnaire de la Bible, 1. 1, Paris, 1892, p. 341342, et ajouter aux sources qu’il cite S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. xv-xvii, 185-242.

m. liturgie. — La part d’Alcuin dans la constitution des livres liturgiques est loin d’être parfaitement établie. Migne a publié : 1. Liber sacramentorum, P. L., t. ci, col. 445-466. Alcuin all’ecte des messes à chaque jour de la semaine, par exemple, pour le dimanche, les messes de sancta Trinitate, de gratia Sancti Spiritus postulanda, et sancti Augustini : en cela il fut suivi dans des sacramentaires postérieurs. Cf. L. Delisle, Mémoire sur d’anciens sacramentaires dans Mémoires de l’Institut national de France. Académie des inscriptions et belles-lettres, t. xxxii, I re part., Paris, 1886, p. 117, 247, 286 ; —2. De psalmorum usu liber cum variis formulis ad res quolidianas accomodatis, P. L., t. ci, col. 465-508 ;

— 3. Officia per ferias sexi Psalmi secundum dies hebdomadæ singulos quibusin ecclesia cantantur disposili, cum orationibus, hymnis, confessionibus et litaniis, P. L., t. ci, col. 509-612 ; — 4. Du lectionnaire corrigé par Alcuin, sur l’invitation de Charlemagne, il existe plusieurs manuscrits, dont le plus remarquable est le numéro 24 de la bibliothèque deChartres, quisembleavoir été copié sur l’original même établi par Alcuin. Cf. S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 188 ; Omont, A. Molinier, Couderc et Coyecque, dans Catalogue général ilrx manuscrits des bibliothèques publiques de France, Départements, t. xi, Chartres, Paris, 1889, p. 11. Le lectionnaire d’Alcuin serait celui qui a été publié par Pamelius, Liturgica latinorum, t. H, Cologne, 1571, p. 1-63 : cf. dom Ceillier, Histoire générale des auteurs