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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/46

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ABELLY — ABERCIUS

de Saint-Cyran sur l’Église et le concile du Trente, les écrivains de la secte contestèrent vivement l’exactitude de son récit. Martin de Barcos, neveu de Saint-Cyran, publia une Défense de feu M. Vincent contre les faux discours du livre de sa vie. Abelly maintint dans sa réplique la vérité de tout ce qu’il avait avancé. Voir les détails de cette controverse dans Maynard, Saint Vincent de Paul, l. V, c. ii.

Bayle, Dictionnaire, art. Abelly, Amsterdam, 1740 ; Collet, La vie de saint Vincent de Paul, préface, Nancy, 1748 ; Niceron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres, t. xli, Paris, 1740 ; Hurter, Nomenclator literarius, Inspruck, 1893, t. ii, col. 586 ; Maynard, Saint Vincent de Paul, préface, Paris, 1860.
V. Oblet.

ABERCIUS (inscription d’).I. Texte et traduction. II. Historique. III. Interprétation. IV. Importance.

I. Texte et traduction. — Voici d’abord le texte, dans lequel nous imprimons en lettres capitales les parties dont on a l’original même sur le marbre.

ἐκλεκτῆς πόλεως ὁ πολίτης τοῦτ’ ἐποίησα
ζῶν ἵν’ ἔχω καιρῷ σώματος ἔνθα θέσιν
οὔνομ’ Ἀβέρκιος ὢν ὁ μαθητὴς ποιμένος ἁγνοῦ
ὃς βόσκει προβάτων ἀγέλας ὄρεσιν πεδίοις τε,
5ὀφθαλμοὺς ὃς ἔχει μεγάλους πάντη καθορῶντας.
οὗτος γάρ μ’ ἐδίδαξε… γράμματα πιστά,
ΕΙΣ ΡΩΜΗν ὃς ἔπεμψεν ΕΜΕΝ ΒΑΣΙΛειαν ἀθρῆσαι
ΚΑΙ ΒΑΣΙΛΙΣσαν ἰδεῖν χρυσόσΤΟΛΟΝ ΧΡυσοπέδλον.
ΛΑΟΝ Δ ΕΙΔΟΝ ἐκεῖ λαμπρὰν ΣΦΡΑΓΕΙΔΑΝ Εχοντα.
10ΚΑΙ ΣΥΡΙΗΣ ΠΕδον εἶδα ΚΑΙ ΑΣΤΕΑ ΠΑντα, νίσιβιν
ΕΥΦΡΑΤΗΝ ΔΙΛβάς. πάνΤΗ Δ ΕΣΧΟΝ ΣΥΝΟμηγύρους
ΠΑΥΛΟΝ ΕΧΩΝ ΕΗΟ… ΙΣΤΙΣ πάντη δὲ προῆγε
ΚΑΙ ΠΑΡΕΘΗΚΕ τροφὴν ΠΑΝΤΗ ΙΧΘΥΝ Απὸ πηγῆς
ΠΑΝΜΕΓΕΘΠ ΚΑΘαρόν, ὃν ΕΔΡΑΞΑΤΟ ΠΑΡΘΕνος ἁγνή
15ΚΑΙ ΤΟΥΤΟΝ ΕΠΕδωκε φιΛΟΙΣ ΕΣΘειν διὰ παντός
οἶνον χρηστὸν ἔχουσα, κέρασμα διδοῦσα μετ’ ἄρτου.
ταῦτα παρεστὼς εἶπον ἀβέρκιος ὧδε γραφῆναι.
ἑβδομηκοστὸν ἔτος καὶ δεύτερον ἦγον ἀληθῶς.
ταῦθ’ ὁ νοῶν εὔξαιθ’ ὑπὲρ ἀβερκίου πᾶς ὁ συνῳδός.
20οὐ μέντοι τύμβῳ τις ἐμῷ ἕτερόν τινα θήσει,
εἰ δ’ οὖν ῥωμαίων ταμείῳ θήσει δισχίλια χρυσᾶ
καὶ χρηστῇ πατρίδι ἱεροπόλει χίλια χρυσᾶ.

Nous traduisons :

Citoyen d’une cité distinguée j’ai fait ce [tombeau]
de mon vivant, afin d’y avoir un jour pour mon corps une place ;
mon nom est Abercius ; je suis le disciple d’un pasteur pur,
qui pait ses troupeaux de brebis par monts et plaines,
5qui a des yeux très grands qui voient tout.
C’est lui qui m’enseigna les écritures fidèles,
qui m’envoya à Rome contempler la [cité] souveraine
et voir la reine aux vêtements d’or, aux chaussures d’or.
Je vis là un peuple qui porte un sceau brillant.
10J’ai vu aussi la plaine de Syrie, et toutes les villes, et Nisibe
par delà l’Euphrate. Partout j’ai eu des confrères,
j’avais Paul pour… Et la foi partout me conduisait.
Partout elle me servit un poisson de source,
très grand, pur, qu’a péché une vierge pure.
15Elle le donnait sans cesse à manger aux amis,
elle a un vin délicieux, elle le donne avec du pain.
Abercius, j’ai ordonné d’écrire ces choses ici
à l’âge de soixante et douze ans véritablement.
Que le confrère qui comprend prie pour Abercius.
20On ne doit pas mettre un tombeau au-dessus du mien :
sinon deux mille pièces d’or [d’amende] pour le fisc romain,
mille pour ma chère patrie Hiéropolis.

II. Historique. — Tillemont s’exprime ainsi au sujet de saint Abercius : « Le nom de saint Aberce est célèbre parmi les Grecs, qui en font un office solennel le 22 d’octobre. Les Latins ne l’ont pas connu, et son nom ne se trouve point dans les anciens martyrologes. Baronius l’a mis dans le romain au mesme jour qu’en font les Grecs. Il dit avoir eu entre les mains une lettre de ce saint à M. Aurèle, traduite du grec, et pleine d’un esprit apostolique. Il promet de la donner dans ses Annales ; mais au lieu de le faire, il se plaint qu’elle luy estoit échappée d’entre les mains, et qu’il ne l’avoit pu retrouver. » Mém. hist. eccl., Paris, 1701, t. ii, p. 299. Et plus loin, p. 621, le même critique rappelant que Baronius assure qu’il s’est glissé dans la vie grecque d’Abercius plusieurs choses qu’on ne saurait approuver : « Il pourroit bien, dit-il, avoir eu particulièrement en vue l’épitaphe qu’on prétend que le saint dicta luy mesme. Car il est assez étrange qu’un saint évesque âgé de soixante-douze ans, et près de mourir, qu’on nous dépeint comme un homme tout apostolique, ordonne de graver sur son tombeau qu’il a esté envoyé à Rome pour y voir des palais, une impératrice toute couverte d’or jusqu’à ses souliez, et un peuple orné de bagues magnifiques ; qu’il défende d’enterrer personne au-dessus de luy ; et qu’il ordonne que qui le fera, payera deux mille pièces d’or au thrésor impérial, et mille à la ville d’Hieraple. Ce ne sont pas là les pensées ordinaires des saints quand ils se préparent à la mort. » Si nous avons reproduit ces lignes de Tillemont, ce n’est point pour le facile jeu de railler la critique interne, mais pour remarquer que les critiques ecclésiastiques dans l’étude de l’épitaphe d’Abercius ont eu pour premier sentiment la défiance.

Dom Pitra fut le premier à bien juger de la valeur de cette épitaphe, que De Rossi devait qualifier plus tard de epigramma dignitate et pretio inter christiana facile princeps. Boissonade, Anecd. græc, Paris, 1833, t. v, avait publié le texte grec de la Vita Abercii. Dom Pitra passa outre aux scrupules jansénistes de Tillemont en savant qui, comme on l’a dit, trouvait à l’épitaphe de la Vita « une saveur de symbolisme primitif inconnue aux apocryphes » ; il l’isola de la prose, où elle était enfermée, et n’eut pas de peine à y découvrir un texte métrique qui n’était pas sans de saisissantes analogies avec l’inscription de Pectorius d’Autun ; il la publia dans son Spicilegium Solesmense, Paris, 1855, t. iii, p. 533. Les bollandistes, en 1858, au t. viii des Acta sanctorum d’octobre, p. 515-519, rééditèrent le texte grec de la vie d’Abercius et commentèrent l’épitaphe dans le même sens que dom Pitra. L’auteur de la Vie grecque n’eût pas été de force à inventer de toute pièce l’épitaphe métrique de son saint. On ne peut même douter qu’il ait eu une inscription réelle sous les yeux quand il écrit (n. 40) : « Abercius prépara son tombeau, une pierre quadrangulaire de hauteur égale à la largeur, et sur cette pierre l’autel… sur lequel il grava l’épitaphe que voici. » Renan, qui ne croyait pas pouvoir donner droit à une mention à cette épitaphe, se bornait à noter que les « actes fabuleux » d’Abercius semblaient avoir été fabriqués sur le vu d’épitaphes d’Hiéropolis. Orig. du christ., 1879, t. vi, p. 432.

Trois ans plus tard, une première découverte épigraphique apportait un premier contrôle en faveur de notre épitaphe. M. Ramsay, explorant un petit canton de Phrygie, la vallée de Sandukly, y trouvait les restes de trois cités antiques, dont la seconde était connue dans l’histoire du montanisme, Brouzos, Otrous, Hiéropolis ; et au petit village de Keleudres, sur une colonne de pierre devant la mosquée, il relevait une inscription grecque métrique, dont voici le texte et la traduction :

ἐ]κλεκτῆς πό[λε]ως ὁ πολεί[της τ]οῦτ’ ἐποίη[σα
ζῶν ἲ]ν’ ἔχω φανερ[ῶς] σώματος ἕνθα θέσιν.
οὔνομ’ Ἀλέξανδρος Ἀντ[ω]νίου μαθητὴς ποιμένος ἁγνοῦ.
οὐ μέντοι τύμβῳ τις ἐμῷ ἕτερόν τινα θήσει.
5εἶ δ’ οὖν Ῥωμαίων ταμείῳ θήσει δισχείλια [χ]ρυσᾶ
καὶ [χ]ῥηστῇ πατρίδι Ἱεροπόλει [χ]είλια [χ]ρυσᾶ
 ἐγράφη ἔτει τ’ μηνί ς’ ζόντος.
εἰρήνη παράγουσιν καὶ μν[ησ]κομένοις περὶ ἡ[μ]ῶν.