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AME CHEZ LES SYRIENS

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VI. AME chez les Syriens.
I. Noms de l’âme.
II. Doctrine théologique.
III. Erreurs.

I. Noms de l’ame. —

L’àme est désignée dans la langue syriaque par trois noms principaux, ayant les mêmes acceptions que les mots hébreux auxquels ils correspondent :
1° naf’sâ, « le souffle, la respiration, la vie, le principe vital, » équivaut au grec J^X 1 ! )
2° nesnià, possède étymologiquement le même sens, et répond à Ttvori ou encore à irveOfia ;
3° rùh, « le souflle, le vent, l’esprit, » nveû[j.a, désigne aussi la vie et son principe, et, d’autre part, les êtres spirituels. Le mot voûç des parties grecques de la Bible et des ouvrages philosophiques des Grecs est rendu en syriaque par re’ydnd ou haivnd.

II. Doctrine théologique. —

Dans les auteurs syriens la distinction de l’âme et du corps est affirmée d’après les données de l’Écriture, Gen., i, 27 ; il, 7 ; mais les qualités et les fonctions de l’âme sont diversement énumérées. Les écrivains les plus anciens ont moulé leurs formules sur les expressions bibliques et conformé souvent leur enseignement à celui des écoles juives ; aussi nous présentent-ils des incertitudes ou des obscurités de doctrine. A partir du Ve siècle, dans les traductions ou les imitations des Pères grecs, en particulier de saint Grégoire de Nazianze, puis des ouvrages de philosophie ecclésiastique ou profane, la langue syriaque s’accommode à leurs formules et représente assez exactement leur psychologie. C’est ainsi que l’âme est immatérielle : là hûldnâytâ, Barhébra ?us, Logica, 19(5 /-/sans composition, immortelle et simple : là mdxjûtd, Assémani, Bibliotheca orientalis, Rome, 1725, t. iii, col. 281 ; là methabldnd, Assémani, Cod. syr. bibl. vaticanse, Bibliotheca orientalis, t. iii, p. 60, 29 «. Cf. W. Cureton, The f estai letters of Athanasius, Londres, 1848 p. 14, 18. A une dernière époque, les philosophes arabes fournirent aux théologiens orientaux quelques données nouvelles, qui ne sont pour la plupart que des emprunts à la philosophie péripatéticienne.

Les conclusions théologiques relatives à la spiritualité de l’âme, aux dogmes du péché originel, de la rédemption, dans la doctrine des Syriens des diverses sectes, n’offrent ici matière à aucune remarque spéciale. L’immortalité de l’âme, souvent affirmée expressément, est liée d’ailleurs à la foi, à la résurrection et au dogme de l’éternité des supplices et des récompenses. Les prières liturgiques et les hymnes syriennes ou nestoriennes de l’ofiice des funérailles prouvent que la foi des Orientaux est, sur ce point, conforme à l’enseignement catholique.

Suivant Aphraate (345), l’âme de l’homme, ruhâ nafiândytd, « l’esprit animal, » créée par Dieu, ne mourra pas. Démonstration, VI, 14, Palrologia syriaca, Paris, 1894, t. i, p. 294. L’âme est le principe de la vie du corps : « Comme l’âme soutient le corps, ainsi les justes soutiennent le monde. » Démonstration, xxv, 10, t. ii, p. [17). L’âme reçoit la grâce : « Elle a été marquée par le sang du Christ. » Démonstration, xiv, 31, p. 651.

Que l’âme de l’homme soit purement spirituelle, Abdiésu l’expose sans ambiguïté- : « Dieu appelle l’homme son image, d’abord à cause de l’âme raisonnable, naféd mëhiltd, qui est en lui, et, par sa spiritualité, sa subtilité, son incorporéité, représente la divinité, tandis que l’homme, par sa pensée, hawnd, sa parole et sa vie, figure la Trinité. » En effet, le Père est la pensée, le Fils est la sagesse et l’Esprit est la vie. Livre de la Perle, ii, 1, Mai, Scriplorum veterum vaticana colleclio, Rome, 1838, t. x, p. 321, 322. Cf. p. 347. lbid., i, 5, p. 320. Cf. p. 345, 346. S. Éphrem, Paradis, serm. ix, t. iii, p. 591, dit de son côté : « L’àme vole sans le secours de l’air ; elle est la colonne qui soutient le corps. »

III. Erreurs. —

Tout en admettant comme un dogme certain la survivance de l’âme et la réalité des récompenses ou des peines futures, les Orientaux et surtout les nestoriens s’éloignèrent en d’autres points de la doctrine orthodoxe.

On retrouve dans Aphraate plusieurs pavsages conformes à la théorie de la division de l’àmj et de l’esprit. C’était celle des gnostiques et des manichéens ; mais avant eux, elle avait appartenu aux disciples de Pythagore et de Platon ; Josèphe et Philon l’avaient admise, et les écoles juives, auxquelles Aphraate est redevable de beaucoup, la maintenaient dans leur enseignement. Au surplus, à l’époque où Aphraate écrivait, ni les docteurs occidentaux, ni les conciles n’avaient combattu ce système, lequel d’ailleurs ne fut pas toléré longtemps dans l’Église.

Établie sur l’opposition entre buyr et rcvrjfjia dans certains textes invoqués par les trichotomistes, tels que I Thess., v, 23 ; I Cor., il, 14 ; xv, 45 ; Hebr., , iv, 12, cette théorie présente l’homme comme composé de trois éléments : le corps, l’âme et l’esprit ; mais â la différence de ceux qui l’ont précédé, Aphraate n’établit nullement la distinction platonicienne de l’âme animale ou végétative et de l’àme spirituelle ou intellectuelle. Pour lui, le troisième élément, superposé à « lame animale », principe de vie et principe immortel, n’est autre que la « grâce » de l’Esprit-Saint, reçue au baptême pour accompagner le chrétien durant toute sa vie et lui procurer le bienfait de la résurrection glorieuse. Voir Démonslr., VI, 14, p. 294. A la mort, le troisième élément retourne au ciel d’où il est descendu ; le second, l’âme, est. suivant notre auteur, « ensevelie dans sa nature » et « tout sens lui est ôté ». Ibid. L’âme séparée du corps est plongée dans le sommeil, viii, 18, p. 394. Privée de mémoire, de discernement et d’action quelconque, xxii, 6, p. 1002, elle attend comme dans un songe le réveil de la résurrection. Les impies dorment du sommeil de criminels qui se savent condamnés au supplice ; les justes reposent exempts de trouble et d’agitation, comptant sur la récompense promise.

A l’heure de la résurrection, l’esprit du ciel se tiendra à la porte des tombeaux : « il ressuscitera les corps avec [l’esprit] enseveli en eux et les revêtira de gloire », l’esprit de vie corporelle sera absorbé par l’esprit céleste et l’homme tout entier sera spiritualisé, tandis que les corps des pécheurs ne seront revivifiés que par l’esprit animal et demeureront dans leur nature inférieure, vi, 14, p. 295.

Saint Éphrem divise l’homme de cette façon : « L’âme l’emporte sur le corps ; l’esprit réydnd, vo-j ; , est plus que l’âme. L’âme embellit le corps et l’esprit donne sa beauté à l’âme. » Paradis, serm. ix, t. iii, p. 591.

Ces opinions se maintinrent et se développèrent dans la théologie des Orientaux. L’attente de l’âme elle-même et non plus, comme l’exposait Aphraate, de l’esprit céleste, à la porte des tombeaux, est soutenue par le patriarche nestorien Jésuyab, au VIIe siècle. Isaac de Ninive admet, comme Aphraate, la distinction de l’âme et de l’esprit. Voir J.-B. Chabot, De S. Isaaci Ninivitse rila, scriptis et dortrina, Louvain, 1892, p. 76. Babai l’archimandrite (628) la proclame pareillement dans le Livre de l’Union des deux natures du Christ. Assémani, Bibliotheca orientalis, t. iii, p. 101. Jean Saba, moine nestorien du viie siècle, expose avec clarté et talent les opinions diverses des docteurs au sujet de l’àme, et, relativement aux erreurs orientales, il explique que le « paradis » où vont les âmes n’est pas un lieu terrestre ; que l’attente de l’âme auprès du sépulcre signifie l’attente de la résurrection ; que l’opération, la connaissance de l’âme séparée du corps étant, en réalité, moins parfaite dans cet état qu’elle ne le deviendra après la réunion au corps ressuscité, la privation du sentiment dans la théorie des hypnopsychiques peut être prise comme une comparaison. Sermon XI, Bibliothèque nationale, fonds syriaque, n. 202, fol. 57. V. Zotenberg, Catalogue, p. 153 ; Assémani, Bibliotheca orientalis, t. i, p. 438.

Au commencement du même siècle, Joseph Hazzaya, moine nestorien, soutint la thèse origéniste de la prio-