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AME. SA SPIRITUALITÉ. DÉMONSTR. THÉOLOGIQUE

l’Église arménienne, saint Grégoire de Nazianze, saint Grégoire de Nysse et les autres enseignent que l’âme est créée au moment de son union avec le corps et ils traitent d’absurde l’opinion de ceux qui veulent qu’elle ait existé auparavant et qu’elle ait été emprisonnée dans le corps pour des fautes antérieures. Il y a longtemps qu’ils ont répondu à Vartan que Dieu s’est reposé le septième jour en ce sens qu’il n’a plus produit de nouveaux ouvrages, mais qu’il n’a cessé d’agir, et de multiplier les individus selon leurs espèces et de gouverner le monde selon les lois qu’il lui a données ; Dieu en créant les âmes successivement ne fait pas une nouvelle création ; il ne fait que multiplier l’espèce humaine conformément à la loi qu’il lui a.imposée en disant : « Croissez (hébreu : engendrez) et multipliez-vous. »

Richard d’Armagh (Armacanus), Summa in questionibus Armenorum, l. VIII, c. xxv, in-4°, Paris, 1511, fol. 60, 61, ouvrage écrit sous le pape Clément VI, pour ramener les Arméniens à l’orthodoxie ; Galanus, Conciliatio Ecclesiæ Armenæ cum Romana, Rome, 1661, part. II, t. i, p. 1-35 ; Nève, L’Arménie chrétienne, Louvain, 1880, p. 214 sq.

J. Lamy.

VIII. AME. SA SPIRITUALITÉ. Démonstration théologique.


I. En quoi consiste la spiritualité de l’âme humaine.
II. Écriture sainte.
III. Pères.
IV. Documents ecclésiastiques.
V. Théologie.

I. En quoi consiste la. spiritualité de l’ame humaine.

Définissons d’abord les termes suivants d’après la philosophie et dans la langue concise de saint Thomas : simplicité et composition, immatérialité et matérialité, spiritualité.

1° Le simple est ce qui n’est pas composé ; et, il y a autant de manières d’être simple, qu’il y a de manières d’être composé. La composition mathématique est faite de parties quantitatives : elle convient à la grandeur et au mouvement, au temps et à l’espace. L’union de principes coessenliels, de la matière et de la forme, par exemple, constitue, dans une substance matérielle et sensible, la composition physique. Tous les êtres contingents se composent d’essence et d’existence, d’acte et de puissance, de sujet et d’accident : c’est la composition métaphysique. Enlin, du genre et de la différence résulte la composition logique. Dieu seul est absolument simple : acte pur, il répugne à tout genre de composition. L’âme, qu’elle soit végétative, animale ou humaine, n’exclut que la composition mathématique et la composition physique. Elle est simple, en ce sens seulement, que par elle-même elle n’a pas d’étendue et que son essence n’est point composée de matière et de forme.

2° Le concept de matériel comprend, en premier lieu, tout ce qui est quantité et étendue. Il s’applique, en outre, à de certaines activités qui, pour être et agir, dépendent intrinsèquement de la quantité et de l’étendue. C’est ainsi que les âmes végétatives et animales sont dites matérielles : elles tirent leur origine de la matière et n’exercent leur action que par des organes et dans des or-anes, dont elles partagent les vicissitudes. Le concept d’immatériel implique donc et les deux premiers degrés de simplicité et l’intrinsèque indépendance de la matière.

L’âme de l’homme est immatérielle : elle n’a ni quantité, ni étendue ; la matière étant impuissante à l’engendrer, Dieu l’a créée libre et immortelle ; par l’intelligence et la volonté, elle communie à l’éternel et à l’absolu, bien que par ses puissances végétatives et sensitives elle se trouve d’être rivée à la matière.

3° Les concepts de spiritualité et d’immatérialité sont identiques. Le mot spiritus désignait d’abord la respiration des animaux, l’air aspiré et expiré, le vent et les mouvements aériens. Il s’étendit ensuite aux forces invisibles et à celles des substances qui, grâce à leur subtilité, semblent avoir moins de matière, comme l’air et le feu. Dans la philosophie de saint Thomas, cette expression s’applique à ce qui est incorporel et immatériel. Cependant il convient de remarquer qu’immatériel est souvent synonyme d’inétendu ou de simple, tandis que spirituel conserve sa même signification : à savoir, simplicité et indépendance intrinsèque de la matière, sous le rapport de l’existence et de l’action. S. Thomas, Contra Gent., l. II, c. xlix ; In IV Sent., l. I, dist. VIII, q. v, a. 2 ; dist. XVII, q. i, a. 2 ; Qusest. disp., despirit. créât., a. 1 ; Suni. theol., I a, q. Lxxv, a.l ; Lorenzelli, Philosophim theoreticæ instilutiones, t. il, Psycliologia specialis, lect. proœm., p. 208-215 ; lect. v, p. 268-269, 2 «.’dit., 1890.

Il résulte de ces définitions que la spiritualité de l’âme humaine consiste dans un principe substantiel, simple ou inétendu, intrinsèquement uni au corps dans la vie organique et la vie sensitive, mais possédant une existence et une action propres dans la vie intellective.

La démonstration de la spiritualité de l’âme humaine mettra en lumière ces trois points :

  • substantialité,
  • simplicité et
  • immatérialité.

II. Écriture sainte.

Le concept de la spiritualité de l’âme, tel qu’il a été formulé par l’Ange de l’école, ne peut être établi par aucun texte scripturaire décisif. Les Livres saints ne sont pas des traités de métaphysique. Ils s’adressent non à une catégorie d’hommes, mais à l’humanité. Or, ce qui nous passionne, en raison de son importance pour l’orientation et la conduite de la vie, c’est bien moins la spiritualité de l’âme que son immortalité. Aussi, même au point de vue philosophique, l’étude de l’immatérialité de notre nature a-t-elle toujours retardé sur celle de notre destinée. Il n’est donc pas surprenant que les auteurs inspirés, en parlant de l’âme, aient laissé dans l’ombre et son caractère intime et ses relations avec le corps. Ils n’entrait pas dans les desseins de Dieu de nous révéler une théorie complète du composé humain, mais plutôt de nous donner la solution de ces graves problèmes que tout homme, en possession de sa raison, ne peut manquer de se poser : « L’âme survivra-t-elle à la destruction du corps, et, si elle lui survit, sera-t-elle immortelle ? Dans la vie future, la justice divine fera-t-elle cesser les inégalités de la vie terrestre, en récompensant la vertu et en punissant le vice ? »

Il y a bien quelque rapport entre la spiritualité et l’immortalité. Cependant ces deux termes ne forment pas un couple : l’un n’entraîne pas nécessairement l’autre. Si une essence immatérielle a droit à l’immortalité, la réciproque n’est pas vraie. Nous verrons que certains Pères de l’Église n’ont accordé à l’âme qu’une immortalité extrinsèque, surajoutée par un don gratuit de Dieu ; ils ne regardaient pas l’immortalité comme un corollaire de sa nature.

D’ailleurs, si le concept de la spiritualité de l’âme humaine ne se rencontre nulle part dans les saintes Écritures, avec cette précision que les Pères eux-mêmes n’ont pas connue et que saint Thomas a su lui donner, on y trouve des textes nombreux et suffisamment clairs, en faveur de la supériorité de l’âme sur le corps et de son immatérialité. Ils ont été indiqués plus haut à l’article I. Ame dans l’Écriture. Il convient d’insister ici sur les plus importants.

La psychologie des Hébreux possède trois termes qui intéressent spécialement la nature de l’âme et ses rapports avec le corps : bdèâr, rùah, néféé, qu’on traduit par chair, esprit et âme. D’après la Genèse, Yahweh façonna d’abord le corps de l’homme, bdsâr, sorte de boue terrestre organisée en corps humain. P^nsuite, il souflla sur son visage et lui inspira un souftle de vie, rùah. Enfin de l’union du bâèdr et du rûah résulte l’homme, « l’âme vivante, » néfés. Gen., il, 7. D’après les hébraïsants, il est difficile de préciser le sens des deux mots, néfés et nîah. Etymologiquement ils signifient l’un et l’autre : soufile, respiration. Quand on