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AMERICANISME

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civilisation actuelle, abandonner son ancienne sévérité, s’accommoder aux exigences nouvelles des sociétés, et cela dans l’ordre doctrinal aussi bien que sur le terrain pratique de l’action : Quo facilius qui dissident ad catholicam sapientiam traducantur, débet Ecclesia ad adultisseculi humanitatem aliquanlo propius accedere, ac, veteri relaxala severitate, recens invertis populorum placilis ac rationibus indulgere ; id autem non de Vivendi solum disciplina, sed de doctrinis eliam quibus fidei depositum continetur, intelligendum esse multi arbitrantur. Il est donc à souhaiter qu’on laisse dans l’oubli du silence certains chapitres de doctrine, comme étant de moindre importance, ou qu’on les adoucisse de manière qu’ils ne conservent plus le sens auquel l’Eglise s’est constamment attachée : Opportunum esse contendunt, ad voluntates discordium alliciendas, si quscdam doctrinse capita, quasi levioris momenti, preetermittantur, aut molliantur, ita ut non eumdeni retineant sensuni quem constanter lenuit Ecclesia. — Léon XIII oppose à cette théorie l’origine et l’importance également divines de tous les dogmes, quels qu’ils soient, leur immutabilité et la fixité catholique de leur interprétation traditionnelle. Il ajoute que, si la discipline ecclésiastique sait, suivant les circonstances, s’adapter harmonieusement aux mœurs des peuples, il n’y a rien là toutefois qui puisse jamais atteindre l’immobilité éternelle du dogme, du droit divin, des principes essentiels de la morale, et que, en tout cas, c’est au magistère de la société chrétienne, et non pas à l’autorité privée des fidèles, qu’il appartient de déterminer les variations de conduite que peut réclamer dans la vie chrétienne la diversité des temps.

II. EXTENSION DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE. —

L’heure est venue, dit-on, de faire dans l’Église une part plus large aux expansions de la liberté individuelle, de restreindre en quelque sorte la force et la vigilance du pouvoir, afin que les fidèles puissent donner un peu plus libre cours à leur inspiration et à leur activité personnelles : Rcrum novarum sectatores arbitrantur libertalem quamdam in Ecclesiam esse inducendam, ut, constricta quodammodo potestatis vi ac vigilantia, liceat fidelibus suo cujusque ingenio actuosseque virtuti largius aliquanto indulgere. — Le pape dit de cette nouveauté, entre toutes les autres, que plus affert periculi estque magis catholicse doctrines disciplinseque infestum consilium, et il se contente de renvoyer, pour sa réfutation, à son encyclique Immortelle Bei, sur la constitution chrétienne des États, du 1°’novembre 1885.

/II. LIBERTÉ DE PENSER, CONSÉQUENCE DE L’INFAIL-LIBILITÉ pontificale. —

Comme le pape a été déclaré infaillible par le concile du Vatican, l’indéfectibilité du magistère suprême étant désormais à l’abri de toute atteinte, les écarts de la liberté individuelle de penser chez les fidèles ne seront plus à l’avenir aussi dommageables à l’ensemble de la doctrine catholique, puisque le saint-siège est là toujours pour remédier efficacement au mal en temps opportun. Chacun peut donc penser et agir plus librement, sans avoir à se préoccuper du magistère pontifical. — Præposterum arguendi genus, dit Léon XIII, car la définition de l’infaillibilité n’a fait, au contraire, que confirmer et rendre plus étroit le devoir qu’ont les catholiques de chercher dans les directions du saint-siège le remède aux licencieux débordements de la pensée et de l’action individuelles dans les sociétés contemporaines : Licenlia quæ passim cum libcrtate confunditur, quidvis loquendi obloquendique libido, facultas denique quidlibet sentiendi, litterarumque formis exprimendi, tenebras tant aile mentibus obfuderunt ut major nunc quani ante sit magisterii usus et nécessitas, ne a conscienlia quis of/icioque abslrahatur. Cf. encyc. Libevlas, du 20 juin 1886.

IV. OPÉRATIONS INDIVIDUELLES DU SAINT-ESPRIT. —

La perfection de la vie chrétienne ne réclame plus, comme jadis, le docile abandon de l’esprit et de la volonté aux directions du magistère ecclésiastique externe, devenu superllu et même inutile ; car le Saint-Esprit répand aujourd’hui plus amplement et plus abondamment qu’autrefois ses dons dans les âmes des fidèles ; il les éclaire et les dirige, sans intermédiaire, comme par une sorte d’instinct secret : Externum magisteriwn onine ab iis qui christianx pcrfectioni adipiscendæ studere velint, tanquani superfluum, imo eliam minus utile rejicitur ; arnpliora, aiunt, atque uberiora nunc quant elapsis temporibus in animos fidelium Spirilus Sanctus inflv.it cliarismata, eosque, medio nemine, docet arcano quodani instinclu atque agit. Léon XIII, après avoir rappelé qu’il n’appartient à personne de dire en quelle mesure il plait à Dieu de se communiquer aux hommes, invoque le témoignage de l’histoire pour établir que la comparaison des âges chrétiens, féconds en saints et en martyrs, avec l’époque présente, ne permet pas de penser que l’action du Saint-Esprit dans le monde ait été alors moins intense qu’aujourd’hui : Ecquis repetens Apostolorum historiam, exordientis Ecclesise /idem, fortissinwrum martyrum certamina et cœdes, veteres denique plevasque asiates sanctissimoruni hominum fœcundissimas, audeat priora tempora prsesentibus componere, eaque affirmarc minore Spiritus Sancti effusione donala" ? D’ailleurs, les « inspirations privées » sont, de droit divin, dans l’économie providentielle de la grâce et du salut, subordonnées à l’autorité publique du magistère social de l’Église, comme le prouve, par exemple, l’ordre donné par Dieu à saint Paul converti de se présenter devant Ananie, pour apprendre de lui ce qu’il avait à faire : ibi dicetur tibi quid te oporteat facere. Act., ix, 7. Telle est la tradition constante, dogmatique et pratique de l’Église, tel le remède divinement institué pour parer au danger que peut faire courir aux âmes l’illusion des inspirations privées.

V. APOTHÉOSE DES VERTUS NATURELLES. —

Qui nova sectari adamanl, naturales virtutes prseter modum efferunt, quasi lise pressentis setalis moribus ac necessitatibus respondeant aptius, iisque exornari præstet, quod hominem paraliorem ad agendum ac strenuiorem faciant. L’homme ne vaut, dit-on, dans le concert de l’évolution progressive de la civilisation que par la mesure du développement qu’il donne aux énergies latentes de sa nature, aux manifestations naturelles de son activité et de son génie. Le culte des vertus naturelles doit donc être pour lui une préoccupation de premier ordre, s’il veut, non seulement suivre la marche du monde, mais la diriger, s’y faire une place de choix, exercer une salutaire inlluence sur ses contemporains. Ici le pape s’étonne que des catholiques puissent, dans la comparaison des deux ordres de vertus, donner la prééminence aux vertus naturelles et leur attribuer une eflicacité, une fécondité, que n’auraient pas les vertus surnaturelles ! Difficile quidem intellertu est eos, qui christiana sapientia imbuantur, passe naturales virtutes supernaturalibus anteferre, majoremque Mis efftcacilatem ac fœcunditatem tribuere. La nature, aidée du

! concours de la grâce, serait-elle donc plus débile, que

livrée à ses seules propres forces ? Ergone natura accedenle gratia infirmior erit quam si suis ipsa viribus permittatur ? Est-ce que les saints, honorés par l’Église d’un culte public, se sont montrés faibles et incapables dans l’ordre naturel, parce qu’ils ont excellemment pratiqué les vertus chrétiennes ? Num vero homines sanctissimi, quos Ecclesia observai palamque colit, imbecillos se atque ineplos in naturae ordine probavcre, quod christia711s virtutibus excelluerunt ? Comment, encore, sans celles-ci résister aux mauvais penchants de la nature ? Comment se passer des secours d’ordre surnaturel pour l’observation intégrale de la loi morale ? Et quel type de perfection humaine réaliseront jamais les œuvres