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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/633

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ANGE D’APRÈS LES PÈRES

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ce que c’est qu’une principauté, une puissance, une vertu, un ange, et alors vous pourrez porter votre curiosité sur le créateur. Mais vous ne le voulez pas, ou plutôt vous ne le pouvez pas. » Cat., xv, 12, P. G., t. xxxiii, col. 705.

Il y a donc distinction de vocables ; mais sur quoi repose-t-elle ? Est-ce sur une différence de nature ou de (onction ? Faut-il ne voir dans le monde angélique, comme dans le genre humain, qu’une seule espèce, ou des substances spécifiquement différentes, comme dans le monde des créatures visibles ? Deux réponses ont été faites.

La première est due aux Alexandrins. Clément, en effet, croit que tous les esprits célestes n’ont qu’une seule et même nature, Stroni., vii, 2, P. G., t. ix, col. 409, et que la différence des noms provient de la différence des fonctions. Slrom., vi, 16, col. 369. Après lui, Origène, sous prétexte de sauvegarder la justice divine qui ne fait pas acception de personnes, déclare tous les anges égaux à l’origine ; et si, actuellement, ils se trouvent à des degrés divers et remplissent des fonctions différentes, ce n’est pas à la volonté créatrice de Dieu qu’ils le doivent, mais à l’inégalité de leurs mérites. De princ, 1. 1, c. viii, 4, P. G., t. xi, col. 159. Il fut suivi, cela va sans dire, par Didyme l’Aveugle (310-395), De Spir. Sancto, P. G., t. xxxix, col. 1046, et aussi par les Cappadociens : Basile, Gont. Hun., ni, 1, P. G., t. xxix, col. 655 ; Grégoire de Nysse, De opif. hom., 17, P. G., t. xliv, col. 189, et Grégoire de Nazianze. Mais celui-ci n’ose décider si l’illumination des anges est proportionnelle à leur classe, à leur ordre, ou si c’est à raison de cette illumination qu’ils occupent telle classe, tel ordre. Orat., xl, 5, P. G., t. xxxvi, col. 364. « D’où tirons-nous, demande Chrysostome, l’idée de leur perfection ? — De leur nom. De même que l’ange est ainsi nommé parce qu’il porte les messages de Dieu, et l’archange parce qu’il commande aux anges ; de même les autres vertus, qui peuplent les cieux, ont reçu des noms qui nous révèlent la sublimité de leur sagesse et l’éclat de leur pureté… Ces noms expriment les qualités qui dominent dans chaque hiérarchie. » Cont. anom., m, 5, P. G., t. xlviii, col. 724.

Saint Jérôme, de son passage en Egypte, a retenu la leçon de Didyme. Dans son commentaire sur ÏÉpître aux Ephésiens, i, 21, P. L., t. xxvi, col. 461, il soutient qu’il n’y a parmi les anges qu’une hiérarchie de fonction et non de nature. Plus tard, quand Rufin, adversaire d’Origène, lui reprocha ce commentaire, Jérôme répondit : « Oui, il y a dans le monde angélique des progrés, des honneurs, des ascensions, des chutes. Mais entre affirmer, comme le fait Origène, que les démons et les hommes sont des métamorphoses d’anges et dire que les anges sont hiérarchiquement répartis selon les fonctions qu’ils ont à remplir, croyance qui ne répugne pas à l’Église, il y a un abîme. De même qu’entre les hommes il y a une échelle de dignités, basée sur la différence de leurs travaux, comme dans la hiérarchie ecclésiastique, de même, entre les anges, il y a divers degrés, et pourtant tous demeurent dans leur dignité d’anges. » Cont. Huf., i, 23, P. L., t. xxiii, col. 416, 417.

Cette théorie de l’unité spécifique des anges trouva un adversaire dans Méthodius († 311). Celui-ci, par réaction contre Origène et pour couper court à cette idée que les anges peuvent passer d’un ordre à l’autre, allégua une impossibilité métaphysique, interdisant aux créatures de changer d’espèce, et déclara que les anges constituaient des ordres d’espèce distincte. Dans Epiphane, Hær., lxiv, 33, P. G., t. xli, col. 1121. C’est quelque chose d’analogue qu’exprime Atbanase, quand il dit que les anges ne sont pas des trônes, que les trônes ne sont pas des puissances, créés qu’ils ont été chacun dans leur nature propre, tïj Efiîaoùffcx, Cont. arian., il, 19, P. G., t. xxvi, col. 188 ; et aussi Épiphane,

quand il prétend que le chérubin ne peut devenir un ange et que chaque esprit céleste reste ce que Dieu l’a fait. Hær., lxiv, 33, P. G., t. XLI, col. 1121. Il est donc à croire que, malgré Didyme, l’Église d’Alexandrie resta fidèle à l’opinion de Méthodius, après avoir réprouvé celle d’Origène.

Il serait intéressant de connaître le sentiment des Pères latins ; mais, en Occident, une telle question n’a guère été agitée. Le seul, qui la pose, la laisse sans solution. Augustin, en effet, ne sait qu’en dire. Il la regarde sans doute comme insoluble ; et s’il est vrai, ce qui n’est pas prouvé, car il n’en parle pas, qu’il ait connu la double solution d’Origène et de Méthodius, il n’a pas voulu se prononcer. Cassien, lui, n’hésite pas. Il avoue que les vocables angéliques ont leur raison d’être et que personne ne doute qu’ils soient l’expression de l’office, du mérite ou de la dignité. Il ignorait l’opinion contraire. Coll., viii, 15, P. L., t. xlix, col. 746, 747.

Nombre des ordres angéliques.

Ainsi donc, dans la différence des vocables, les uns ne voyaient qu’une différence de fonctions, tandis que les autres croyaient y découvrir une différence de nature. Restait la question du nombre des ordres angéliques, de leur place respective dans la hiérarchie : elle ne fut pas plus heureusement résolue, pendant les quatre premiers siècles.

Cependant saint Paul apportait un élément de solution. En prenant sa double énurnération de Eph.. I, 21, et de Col., i, 16, et en y ajoutant les anges et les archanges, on arrivait à un nombre de 7 ordres. Le Nouveau Testament n’en signale pas d’autres ; et ce fut la liste de saint Irénée, Cont. hær., II, xxx, 6. P. G., t. vii, col. 818. Mais bientôt, grâce au Pseudo-Enoch, elle se compléta par l’adjonction des séraphins, les êtres ailés de la vision d’Isaïe, et des chérubins, les porteurs du trône du Très-Haut, de la vision d’Ézéchiel. Néanmoins chérubins et séraphins avaient été exclus par Origène, Deprinc., ]. I, c. v, P. G., t. xi, col. 157 ; Novatien, De Trin., I, P. L., t. iii, col. 888 ; Hilaire, In Psal, cxviii, 10, P. L., t. ix, col. 522 ; Ambroise, Hexæm, i, 5, P. L., t. xiv, col. 131. Cependant celui-ci les nomme dans la liste des neuf chœurs. Apologia prophetx David, v, 20, dans Corpus, de Vienne, 1897, t. xxxii, p. 311.

La plupart des Pères crurent que la liste de saint Paul était incomplète. Origène l’avait remarqué. De prin., l. I, c. v, P. G., t. xi, col. 157. Saint Basile le laisse entrevoir, De Spir. Sancto, xvi, P. G., t. xxxii, col. 136, et saint Jean Chrysostome l’affirme, Cont. anom., iv, 2, P. G., t. xlvhi, col. 729 ; Théodoret le répète, In Psal., ciii, P. G., t. lxxx, col. 1692. Déjà saint Hilaire avait écrit : sed de numéro apostolus nihil docuit ; et nescio an tacuerit, an ignoraverit. In Psal., cxxxv, 10, P. L., t. ix, col. 774. Saint Jérôme dit : « Il y a dans les cieux des principautés, des puissances, des dominations, des vertus, dont Paul a dû emprunter la nomenclature aux traditions juives ; mais il est encore d’autres noms de différents ministères, que nous ne connaissons pas et que Paul lui-même n’a pu énumérer. » In Ephes., , 21, P. L., t. xxvi, col. 461. De là des listes de sept, de huit, de neuf, de dix et même de onze ordres angéliques.

Saint Atbanase demande : « Les anges seraient-ils des archanges ? ou bien n’y aurait-il que des anges, et pas de séraphins, de chérubins, d’archanges, de dominations, de trônes, de principautés ? » Epist. ad Serap., I, 13, P. G., t. xxvi, col. 561. L’auteur des Dialogues, attribués à saint Césa ire, s’en tient à la liste de 1 apôtre, qu’il retrouvait sur les lèvres des prêtres, quand ils chantaient : Telaudibus célébrant angeli, archangeli, etc. Dial., i,’q. xliv, P. G., t. xxxviii, col. 912, 913. Grégoire de Nysse compte huit ordres, In Gant., xv, P. (’., t. xliv, col. 1100 ; Basile de Séleucie, également huit, car il retranche les archanges, Orat., xxxix, 2, P. G., t. lxxxv, col. 429 ; Théodoret garde les archanges et supprime les vertus. Graic. affect. cur., ni, P. G.,