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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/654

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ANGE DANS LES ÉGLISES ORTHODOXES

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I. Existence et nature des anges.

La Confessio orthodoxa, que l’on doit regarder comme le formulaire officiel des Églises orthodoxes depuis le xviie siècle, n’a pas consacré moins de trois questions à l’angélologie. Le théologien russe Macaire les résume ainsi : « Les anges sont des esprits incorporels, doués d’intelligence, de volonté et de force… Ils ont été créés avant le monde visible et l’homme… Ils se divisent en neuf chœurs… Les mauvais anges mêmes ont été créés bons par Dieu, mais sont devenus mauvais par leur propre volonté. » Macaire, Théologie dogmatique orthodoxe, traduite par un Russe, in-8o, Paris, 1859, t. i, p. 458 ; cf. Confessio orthodoxa, part. I, q. XIX-XXI, dans E. J. Kimmel, Libri symbolici ecclesiæ orientalis, in-8o, Iéna, 1843, p. 77-83. Cette doctrine est développée plus ou moins longuement par les théologiens grecs et russes les plus autorisés. Macaire, op. cit., p. 459-486 ; Théophile de Campanie, Ta[*eïov ôp6080£tai ; , c. cviii, 5e édit., in-8°, Tripoli, 1888, p. 246-251 ; Athanase de Paros,’Eizno[i.r e’i’ts a-uXXoyvi tôjv 8si’i)v tîjî it : (jT£a)i ; 80y|xâT(ov, in-8o, Leipzig, 1806, p. 205-230 ; E. Bulgaris, <5koXoycx6v, in-8°, Venise, 1872, p. 324-368. Mais il s’en faut que l’accord soit unanime dans tous les détails. On sait que certains Pères de l’Église ont émis des opinions peu orthodoxes sur la spiritualité de la nature angélique, et que le VIP concile général, dans sa Ve session, n’a point tranché le débat soulevé par le discours de Jean de Thessalonique sur la corporéité des anges. Voir plus bas l’article Angélologie dans i.es conciles, col. 1266. Cette indécision des anciens écrivains grecs a laissé des traces chez les théologiens postérieurs. Les éditeurs du Pidalion n’admettent pas l’absolue spiritualité des anges. IïirjSâXtov, 4e édit., in-4 », Athènes, 1886, p. 259. Le patriarche Constantios I er (1830-1834) a écrit deux pages sur les anges avec ce soustitre : "Oti oO TtâvTY) à<T(.’)jjiaTot. Biographie et Opusades (en grec), in-8’, Constantinople, 1866, p. 167-168. Enfin le directeur de l"AXr, 8Eta, organe officiel du patriarcat œcuménique, écrivait en 1880 (n° du 5 novembre) : Asyovreç àfftûjjLtxTovjç (to-j ; ayyéXovç) 8èv èvvooCfxsv aCitoù ; nivTT) àcrtoixà-coy ; a> ; tôv Ssbv, aX), à X£tt : o<t<o|j.<xtoij ; .’A).r, 8£ta, in-4o, Constantinople, 1880-1881, p. 93, 2e col. Inutile d’insister sur cette difficulté, résolue depuis longtemps par Macaire, op. cit., p. 475, chez les orthodoxes, et par Petau chez les catholiques, De angelis, l. I, c. ii-iii, Migne, Theologise cui’sus complètes, t. vil, col. 606-621. Voir aussi Klee, Histoire des dogmes, trad. Mabire, in-8o, Paris, 1848, t. i, p. 343. Cette opinion a compté des représentants à toutes les époques de l’histoire. Je me bornerai à signaler un curieux passage de Michel Psellus, De operatione dsemonum, c. vii, viii, P. G., t. cxxii, col. 836-840.

II. Hiérarchie et nombre des anges.

Pour les théologiens grecs comme pour ceux de l’Occident, les anges se partagent en divers ordres, conformément à la division adoptée par le pseudo-Denys dans son livre de la Hiérarchie céleste. « Il y a, dit la Confession orthodoxe, neuf chœurs d’anges divisés en trois ordres ou hiérarchies. La première hiérarchie comprend ceux qui sont les plus rapprochés de Dieu, savoir : les Trônes, les Chérubins et les Séraphins. Dans la seconde, il y a les Puissances, les Dominations et les Vertus. La troisième renferme les Anges, les Archanges et les Principautés. Conf. orth., part. I, q. xx, Kimmel, op. cit., p. 80-81. Métrophanes Critopoulos s’exprime de même dans sa fameuse Confession, c. ii, Kimmel, Appendix librorum symbolicorum ecclesiæ orientalis, édit. Weissenborn, in-8o, Iéna, 1850, p. 52-53. Voir encore Siméon de Thessalonique, De sacra prccatione, P. G., t. clv, col. 537-541, et surtout Athanase de Paros, op. cit., p. 208215, qui s’étend très longuement sur les attributions respectives des divers ordres. Quant à l’opinion thomiste qui attribue à chaque ange une espèce à part et une nature distincte, les Grecs n’en parlent que pour la re DICT. DE TIIÉOL. CATHOL.

jeter. Ainsi fait E. Bulgaris, op. cit., p. 345. Cet auteur émet à son tour une opinion qui n’est pas mieux prouvée, quand il ajoute : Eïxôç oùv xoù [iâXXov SoxeÎ e-Jirpsiroy ; Xôyo’j è-/ô[xevov Éxâ<jTï)v tù>v àyysXixùv’Iepap) ; tù)V, r yoOv ê’xaffxov tây^a cp-jatv voepàv ylpuv zu> e’iSeï tûv àaXtov Siaçlpouuav. D’après une idée assez répandue chez les écrivains orthodoxes, la division des anges en neuf chœurs n’embrasse que ceux de leurs noms et de leurs ordres qui nous sont révélés dans l’Écriture ; elle laisse en dehors quantité d’autres noms et d’autres chœurs que nous connaîtrons dans la vie à venir. Macaire, op. cit., p. 485 ; Nicodème l’IIaghiorite,’EopToSp6[Liov, in-4o, Venise, 1836, p. 455. Aux yeux de plusieurs, un chœur tout entier, le dixième, a fait défection ; voilà pourquoi il n’en reste plus que neuf ; c’est Métrophanes Critopoulos qui rapporte cette curieuse opinion : 8exoctï)v (i. e. -îdtlcv) ytxp çaaiv ûnâp^ai rr, v éx7reirrtox-jï’av. Confessio, c. ii, dans Kimmel, op. cit., Appendix, p. 54.

La distribution des anges en plusieurs hiérarchies laisse déjà entendre que leur nombre doit être considérable. En général, les écrivains grecs s’accordent avec les auteurs latins pour admettre que ce nombre dépasse celui des hommes. Macaire, op. cit., p. 479-480. Psellus a pourtant prétendu le contraire, en s’appuyant sur un principe fort spécieux. Plus un nombre, dit-il, se rapproche de l’unité, moins il est grand ; deux, trois, quatre sont des nombres inférieurs à vingt et à trente. Pareillement, les êtres seront d’autant moins nombreux qu’ils seront placés dans la hiérarchie plus près de l’être unique, Dieu ; par suite, les anges sont moins nombreux que les hommes, dont la multitude augmente sans cesse. De omnifaria doctrina, c. xix, P. G., t. cxxii, col. 700701. Cette opinion du Prince des philosophes ne semble pas lui avoir survécu. E. Bulgaris, examinant à son tour la question, déclare sagement que la solution dépasse les limites de notre connaissance. Op. cit., p. 342. Athanase de Paros est du même avis : àv6po>7roi ; |xév sari xpjçtov, dit-il, SeôS Ss jxôvw yvtotrtâv. Op. cit., p. 221. Par contre, ce dernier écrivain admet qu’ils sont en nombre déterminé, et que, dès lors, ils sont dans un lieu, comme l’est toute quantité qui se compte. Leur spiritualité n’est pas si pure qu’elle ne puisse être circonscrite par l’étendue. Ibid., p. 222.

III. Création des anges.

Nul doute, aux yeux des théologiens orthodoxes, que les anges n’aient reçu l’existence par voie de création. Macaire, op. cit., p. 465 sq. ; E. Bulgaris, op. cit., p. 328 sq. Mais les divergences éclatent dès qu’il s’agit de déterminer l’époque à laquelle ils ont été créés. La Confession orthodoxe affirme très nettement que cette création eut lieu longtemps ou au moins quelque temps avant la matière : Atque ante cetera quidem omnia, cælestes omnes exercitus, ut præcipuos glorise majestalisque suse præcones, sola cogitatione, de nihilo effinxit [Deus]… Tum vero postea aspectabilem atque matcriatum hune orbem item ex nihilo Deus fabricatus est. Part. I, q. xviii, Kimmel, op. cit., p. 76-77. Macaire, qui adopte cette opinion et essaie d’en établir la légitimité, déclare les opinions contraires dénuées de fondement et purement arbitraires. Op. cit., p. 467-471. C’est aller un peu loin. Sans sortir du monde orthodoxe, on voit des théologiens comme E. Bulgaris admettre que les anges ont été créés en même temps que le monde terrestre : eîxôç tau tvj a’r}>-ipz S-px o-ipavâ xoù yr t xoùç àyyéXouç 8r)[j.ioupyï)8rivat. Op. cit., p. 329. On doit d’ailleurs reconnaître que la doctrine soutenue par Macaire a été partagée par la majorité des écrivains grecs. Zonaras l’expose au début de sa Chronique, P. G., t. cxxxiv, col. 52, et Théophanes Kerameus en tire une curieuse application morale. De filio prodigo, homil. xvii, P. G., t. cxxxii, col. 373-376.

IV. Élévation surnaturelle nES anges ; leur épreuve.

— Que les anges aient été créés bons, c’est une vérité admise par tout esprit non prévenu. Mais les théologiens

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