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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/68

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ABRAHAM (SACRIFICE D’)

eux aussi l’obéissance d’Abraham et lui ont attribué le mérite du salut final d’Israël. Talmud de Jérusalem, traité Taanith, ii, 4 ; traduct. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 157-158. D’ailleurs, toutes les circonstances du fait sont de nature à faire ressortir la grandeur de l’épreuve imposée au saint patriarche. C’est au milieu de la prospérité, alors qu’il était fiche, estimé, allié aux habitants du pas, parvenu au comble de ses vœux par la naissance d’un fils de Sara, que Dieu lui demande le renoncement le plus sensible à son cœur paternel. Il lui ordonne d’immoler son propre fils, son fils unique dans la lignée patriarcale, le seul héritier des promesses, d’autant plus cber qu’il avait été plus ardemment désiré et plus longtemps attendu. Le précepte divin exige un holocauste réel et extérieur ; il commande un sacrifice horrible et en apparence contradictoire avec les promesses. Gen., xxii, 2. L’auteur de la Genèse ne nous révèle rien de la surprise et des combats intérieurs d’Abraham ; il se contente de raconter sa foi inébranlable et sa prompte obéissance. Avec une admirable simplicité, sans consulter la chair et le sang, imposant même silence à la raison qui aurait pu discuter le commandement divin, Abraham s’occupa aussitôt des préparatifs de l’holocauste. Gen., xxii, 3. Il considérait, dit saint Paul, Hebr., xi, 19, que Dieu a assez de puissance pour ressusciter Isaac d’entre les morts et tenir par ce miracle sa parole jurée. Cf. S. Augustin, De civitate Dei, xvi, 32, P. L., t. xli, col. 510. Quand après trois jours de marche il approcha de la montagne que Dieu lui avait désignée, il laissa ses serviteurs et chargea le bois du sacrifice sur les épaules d’Isaac. Lui-même, comme sacrificateur, portait le feu et le couteau. Tout en cheminant, l’enfant, qui ignorait encore le sort qui l’attendait, s’enquit naïvement quelle était la victime destinée à l’holocauste. Ébranlé sans doute par cette question jusqu’au fond de ses entrailles et dominant par la foi les mouvements les plus violents de la nature, Abraham se borna à répondre : « Dieu y pourvoira. » Parvenu à l’endroit indiqué, il érigea un autel et disposa le bois. Après avoir évidemment fait connaître à Isaac les ordres de Dieu, il lia la victime résignée pour empêcher toute résistance même involontaire, et sans exprimer une plainte ni pousser un soupir, il levait déjà sa main armée du glaive pour frapper, quand Dieu, satisfait du sacrifice intérieur du père et du fils, envoya son ange empêcher le parricide. Par son obéissance portée au point de ne pas épargner même son fils unique, Abraham avait montré jusqu’où allait sa crainte de Dieu ou sa religion. À la voix de l’ange, il leva les yeux et aperçut derrière lui un bélier qui s’était embarrassé par les cornes dans le hallier ; il le saisit et l’immola à la place de son fils. Gen., xxii, 4-13. Abraham, immolant Isaac au Seigneur, a été présenté par Adam Scot, De ordine et habitu canonic. præmonst., Serm., v, n. 3. P. L., t. cxcviii, col. 480-481, comme le modèle du prémontré qui consacre sa vie à la prière et aux œuvres du zèle.

2o Dieu a voulu préfigurer le sacrifice de son propre Fils.

Bien que le dessein immédiat de Dieu, en ordonnant à Abraham de lui offrir Isaac, ait été de mettre à l’épreuve la foi et l’obéissance de son serviteur, le Seigneur cependant avait encore une intention prophétique.

1. Saint Paul l’a entrevue et l’a indiquée, lorsqu’il dit qu’Abraham recouvra son fils ἐν παραϐολῇ. Hebr., xi, 19. Des diverses interprétations de ce passage, celle qui paraît la plus conforme à la pensée de l’apôtre, c’est que le sacrifice d’Isaac, terminé par la substitution du bélier à la première victime, fut non seulement un thème fécond en enseignements moraux, mais bien un symbole, un type, une figure du sacrifice de Jésus par son Père. Drach, Épîtres de saint Paul, 2e édit., Paris, 1896, p. 778 ; F. X. Patrizi, Institutio de interpretatione Bibliorum, 2e édit., Home, 1876, p. 170. On a vu aussi, dans cette parole de saint Paul que Dieu « n’a pas épargné même son propre Fils », Rom., viii, 32, une allusion à celle de l’ange à Abraham. Gen., xxii, 12. Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1888, t. i, p. 89.

2. Les Pères et les écrivains ecclésiastiques ont développé l’indication fournie par saint Paul. La première des figures de la passion que Tertullien, Adversité Judœos, 10, P. L., t. ii, col. 626, découvre dans l’Ancien Testament, est Isaac conduit par son père comme une victime à l’immolation et portant le bois de son sacrifice. Il préfigurait le Christ, octroyé par son Père comme victime d’expiation et portant lui-même sa croix. Pour saint Irénée, Cont. hær., iv, 5, no 4, P. G., t. vii, col. 986, Abraham que sa foi poussait à obéir à l’ordre du Verbe de Dieu, offrit généreusement son fils unique et bienaimé en sacrifice à Dieu, pour que Dieu à son tour lui accordât le bienfait de sacrifier son Fils unique et bienaimépourla rédemption de toute sa postérité. Saint Méliton de Sardes dans un fragment, reproduit, P. G., t.v, col. 1216-1217, compare Isaac et le bélier, qui lui est substitué, à Jésus-Christ, offert par son Père et immolé sur la Croix. Origène, In Gen., homil. viii, n. 8, P. G., t. xii, col. 208, rapproche la parole de l’ange, Gen., xxii, 12, de celle de saint Paul, Rom., viii, 32, et montre comment Dieu a lutté en libéralité avec Abraham. Ce patriarche a offert à Dieu son fils mortel qui ne devait pas mourir, et Dieu a livré à la mort pour tous les hommes son Fils immortel. Que rendrons-nous donc au Seigneur pour tout ce qu’il nous a accordé ? Dieu le Père n’a pas épargné son propre Fils à cause de nous. Saint Ambroise a exposé plusieurs fois le caractère figuratif du sacrifice d’Abraham. Non seulement ce sacrifice indique les qualités, la promptitude, la continuité et la foi, qui rendront nos propres sacrifices agréables au Seigneur, De Caïn et Abel, i, 8, P. L., t. xiv, col. 331-332, mais il représente encore le sacrifice de Jésus-Christ sur la croix. Abraham accompagnait son fils, comme Dieu le Père, le Christ sur la voie du Calvaire. Dans le bélier suspendu par les cornes, Abraham vit le Christ pendu à la croix et considéra sa passion. De Abraham, i, 8, ibid., col. 447, 449. L’abolition des anciens sacrifices et la consécration du nouveau sont exprimées par l’oblation qu’Abraham a faite de son fils et par l’immolation du bélier. N’ont-elles pas montré que la chair de l’homme qui lui est commune avec tous les animaux de la terre, et non la divinité du Fils unique de Dieu, devait être soumise aux plaies de la passion ? In Ps. xxxix enarrat., n. 12, ibid., col. 1061. Abraham a vu la véritable passion du corps du Seigneur dans l’immolation du bélier. Epist., lxxii, n. 1, P. L., t. xvi, col. 1244. Il a vu que Dieu voulait livrer pour nous son Fils à la mort ; il a connu ce mystère de notre salut qui devait s’opérer sur le bois de la croix et il n’a pas ignoré que dans un seul et même sacrifice, autre était celui qui semblait être offert, autre celui qui pouvait être immolé, De excessu fratris sui Satyri, ii, n. 98, ibid., col. 1343. Saint Augustin, Serm., ii, P. L., t. xxxviii, col. 27 ; Serm., xix, col. 133, a reconnu Jésus en croix dans le bélier substitué à Isaac. Pour saint Jean Chrysostome, In Gen., homil. xlvii, n. 3, P. G., t. liv, col. 432-133, l’événement tout entier était figuratif de la croix. C’est pourquoi le Christ a dit aux Juifs que leur père Abraham avait désiré voir son jour, l’avait vu et s’en était réjoui. Joa., viii, 56. Comment l’a-t-il vu tant d’années à l’avance ? En ombre et en figure. Le bélier offert à la place d’Isaac représentait l’agneau raisonnable offert pour le monde. L’offrande elle-même d’Isaac préfigurait la réalité. Des deux côtés, un fils unique et bien-aimé, offert par un père qui n’épargnait pas son propre enfant. Mais la réalité a surpassé la figure ; le sacrifice du Fils de Dieu a été accompli pour le genre humain tout entier. Saint Cyrille d’Alexandrie, Glaphyr. in Genes., iii, P. G., t. lxix, col. 140-144, reconnaît dans l’histoire du sacri-