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ANIMATION
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hésitations qu’elle engendre. Cependant la plupart des
auteurs scolastiques fixaient l’animation vers le quarantième
jour pour les enfants du sexe masculin, vers le
quatre-vingtième pour les enfants du sexe féminin. Navarrus,
Manuale, c. xv, n. 14, Rome, 1588 ; Sylvius, In
j/am 77 æ, q.Lxiv, a. 7, qua ?sito4, Opéra, 1714, p.418 ; Naldus,
Summa, °Abortus, n. 2, Bologne, 1630 ; Marchant,
Tribunal sacramentelle, t. II, tr. VI, tit. i, q. III, Gand,
1643 ; Sporer, Theologia moralis sacramentalis, part. IV,
c. iv, n. 698, Venise, 1731, p. 378 ; Pauwels, De casibns
reservatis, c. I, De abortu, q. vi, n. 169, Migne,
Theologiee cursus completus, t. xviii, col. 995. — Pour
s’autoriser davantage encore, ils pensaient trouver dans
certaines prescriptions de la loi mosaïque un symbole
de ce fait naturel. Selon eux, c’était pour rappeler cette
différence de durée dans l’animation des deux sexes que
Dieu avait fixé la purification des mères à quarante jours
après la naissance des garçons et à quatre-vingts jours
après la naissance des filles. Cf. Maldonat, In Luc., Il, 22,
Pont-à-Mousson, 1596 ; Cornélius à Lapide, In Levit.,
xii, 5, Paris, 1859 ; Covarruvias, In Clément., Si furiosis,
part. II, § 3, n. 1, Genève, 1762 ; Dicastillo, De
justifia et jure, l. II, tr. I, disp. X, dub. xiii, n. 161,
Anvers, 1641. Quelques auteurs, s’inspirant d’un passage
d’Hippocrate, De natura fœtus, n. 10, Genève, 1657,
avançaient l’époque de l’animation et la reportaient
au trentième jour pour les enfants mâles, et au quarantième
pour les enfants du sexe féminin. Herinckx, Summa
theologiee scholasticae et moralis, part. III, tr. II,
disp. VI, q. iii, n. 28, Anvers, 1704 ; Lessius, De justifia
et jure, l. II, c. ix, dub. x, n. 65, Louvain, 1605, p. 87.
Il est bien évident que, de part et d’autre, ces auteurs
n’entendaient pas donner une date certaine, mais fixer
seulement une époque vers laquelle ils pensaient que
l’âme était unie au corps. —
3. Enfin les auteurs étaient
divisés en deux camps à peu près égaux sur la question
de savoir si, avant l’arrivée de l’âme humaine, il y avait
eu succession d’âmes. Les uns affirmaient que le corps
humain est successivement animé par trois âmes différentes,
cf. Conimbricenses, In II De anima, Cologne,
1599, c. i, q. iv, a. 1, et même plus, Sylvester Maurus,
Quæst. philosoph. de anima, q. xxix, ad 2um, Le Mans,
1875 et 1876, t. iii, p. 96, et passe ainsi par des corruptions
et générations multiples, ordonnées les unes
aux autres, avant d’être définitivement la possession de
l’âme raisonnable. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. cxviii,
a. 2, ad 2um. L’âme végétative arrivait dès le moment de
la conception et présidait aux actes vitaux qui se remarquent
dès cet instant dans l’embryon ; elle permettait à
celui-ci de se nourrir, de se développer, de s’organiser,
de construire les organes de la sensation. Ceux-ci étant
formés, l’âme végétative disparaissait, et l’âme sensitive
pouvait venir, puisqu’un corps apte à ses fonctions lui
était fourni. Dans ce corps, elle remplissait à la fois les
fonctions de la vie végétative et celles de la vie sensitive,
continuait le développement organique de l’ensemble et
préparait l’avènement de l’âme raisonnable qui n’était
donnée par le créateur qu’à un corps complètement
formé. Dans Le purgatoire, Dante fait exprimer cette
théorie par Stace :
La vertu active (du sperme) devient une âme semblable à cette d’une plante, différente seulement en ce qu’elle est en voie et l’autre déjà au rivage (au terme de son évolution).
Tant opère-t-elle ensuite que déjà elle se meut et sent comme une anémone marine (qui est, d’après Dante, au degré le plus bas de l’animalité) ; puis elle se prend à organiser les puissances dont elle est la semence…
Mais comment d’animal on devient enfant ?…
…Sache qu’aussitôt que du cerveau la structure est parfaite dans le fœtus,
Le premier moteur vers lui se tourne et, joyeux d’un si grand art de nature, y souffle un esprit nouveau plein de vertu,
Qui, attirant dans sa substance ce qu’il trouve d’actif, devient une seule âme qui vit et sent et se réfléchit sur elle-même. Pur gatoire, c. xxv, terz. 18-25, trad. Lamennais, Paris, 1883, t. ii, p. 189-190.
D’autres à la suite d’Alexandre de Halès supprimaient la présence de toute âme propre à l’embryon avant l’infusion de l’âme humaine. Dans la période qui suivait la conception et qui précédait l’animation, les mouvements, les opérations, les fonctions de l’embryon procédaient ou de l’âme de la mère, ou d’une vertu, force morphoplastique inhérente au germe vital. Bientôt arrivait l’âme humaine qui, d’abord, organisait la vie nutritive, puis petit à petit manifestait ses puissances sensilives et finalement mettait en activité ses facultés immatérielles. L’ordre des phénomènes était donc le suivant : à l’origine, mouvements produits par l’âme de la mère, ou par la force plastique interne ; puis création de l’âme ; ensuite opérations de la vie nutritive, opérations de la vie sensitive ; enfin opérations intellectuelles et volontaires.
5° L’animation et la science moderne. — Telle était
la pensée humaine sur cette question jusqu’en plein
xvii c siècle : l’animation médiate partout soutenue d’une
façon incontestée. —
1. Pendant le xviie siècle, plusieurs
voix commencèrent à protester contre l’opinion régnante,
principalement dans le monde médical. Une étude plus
approfondie de l’embryologie, l’observation scientifique
substituée au raisonnement a priori, ramenèrent des
sympathies à l’animation immédiate. Un professeur de
médecine de Louvain, Thomas Fienus, dans son De
formatione et animalione fœtus liber in quo ostenditur
animant rationalem infundi terlia die, 1620, et dans
son Apologia pro libro précédente, in-8°, 1629 ; le docteur
Vincent Robin, dans sa Synopsis rationum Fieni
et adversariorum « De terlia fœtus animalione » ex
quibus clare constabit celebratam antiquilate opinionem
de fœtus formatione deserendam esse, Fieni novam
amplectendam, Dijon, 1632 ; le Père Florentinius, dans
son livre De hominibus dubiis baptizandis, seu de
baplismo abortivorum, Lyon, 1658, ouvrage accepté
par la S. C. de l’Index, approuvé par plusieurs universités,
par des évêques, des savants illustres et par des religieux
des principaux ordres alors existants ; le célèbre
Zaccbias, médecin d’Innocent X, dans son ouvrage demeuré
classique : Quæstiones medico-legales, Lyon,
1661, se posèrent nettement en défenseurs de l’animation
immédiate. Plus tard Cangiamila se joignit à eux dans
sa fameuse Embryologia sacra sive de officio sacerdotum,
medicorum et aliorum, circa seternam parvulorum
in utero existentium salutem, Païenne, 1758. —
La théorie scientifique de l’ovulation multiplia bientôt
les partisans de cette opinion devenue aujourd’hui la
plus commune. Dans un discours prononcé le 10 février
1852 devant l’Académie de médecine de Paris, le docteur
Cazeaux pouvait dire : « Nous ne sommes plus au
temps où théologiens, philosophes et médecins disputaient
à l’envi De animalione fœtus. Les progrès de la
science ont mis un terme à toutes ces discussions. Le
germe reçoit, au moment de la conception, le principe
vital, le souffle de vie, et il n’est pas possible, sous ce
rapport, d’assigner aucune différence entre l’enfant qui
vient de naître et celui qui est encore renfermé dans le
sein maternel, entre le fœtus de neuf mois, et l’œuf fécondé
depuis quelques heures. » Cf. Frédaull, Traité
d’anthropologie physiologique et philosophique, l. VI,
c. I, § 2, n. 1, Paris, 1863, p. 729 sq. —
2. L’animation
médiate a cependant gardé de sérieux partisans. Il y en a
d’orthodoxes, comme le P. Liberatore, Du composé humain,
c. vi, a. 7, Lyon, 1865, p. 274 sq. ; Cornoldi,
Filosofia scolastica, lezione lxii, 2e édit., Ferrare, 1875,
p. 482 sq. ; le docteur Vincent Santi, Délia forma, genesi,
corso naturalee modi dei viventi, Pérouse, 1858 ;
Vincent Liverani, Sui principi del moderno Ippocratismo,
Fano, 1859. — Il y en a d’hétérodoxes comme
Rosmini et ses disciples, qui prétendent que les parenls
engendrent immédiatement une âme sensitive laquelle