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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/727

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ANTINOMISME


pour montrer jusqu’à quoi abîme d’iniquités peut descendre l’homme, dont les instincts dépravés prennent en se satisfaisant une valeur religieuse. Aussi les réunions gnostiques et les scènes d’initiation donnèrentelles lieu, par leurs infâmes promiscuités, aux calomnies dont on abreuva les chrétiens pendant le IIe siècle. Si saint Justin hésite à croire de telles monstruosités, saint Irénée affirme que c’est une invention diabolique pour jeter la défaveur et l’opprobre sur le nom chrétien, Cont. hter., i, 25, P. G., t. iiv col. 682. Voir TertulWen, Apolog., vii, ix, P.L., l. i, col. 307, 3l4sq. ; Minucius Félix, Octav., ix, P. L., t. iii, col. 263 ; Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 2, P. G., t. viii, col. 1112 ; Origène, Cont. Cels., vi, 27, 40, P. G., t. xi, col. 1333, 1357 ; Eusèbe, Hist. ceci., iv, 7, P. G., t. xx, col. 330. Aux prescriptions de la loi non concupisces, non mœchaberis, non adulterium faciès, stuprum puero non infères, on répondit par tous les actes de la uopvsîa et de la [ioiysïa ; au crescite et midtiplicamini, par la proscription du mariage, la communauté des femmes, l’union libre et stérile, la débauche. La loi défendait bien le vol et l’homicide ; mais il n’est pas dit que les gnostiques aient poussé leur antinomisme jusqu’à voler et tuer ; vraisemblablement les lois humaines avaient plus d’empire sur eux que la loi divine. Aussi l’action gnostique s’est-elle concentrée surtout sur la pratique de l’immoralité. Et l’on sait que les corporations exigeaient de leurs adeptes qu’ils eussent épuisé toute la liste des fautes que l’homme peut commettre, sous peine d’être condamnés, après leur mort, à retourner sur la terre pour satisfaire à cet imprescriptible devoir. Immoralité impie et sacrilège qui met dans l’union sexuelle non seulement le bonheur et le parfait amour, mais encore la satisfaction réciproque, sans qu’il y ait à se préoccuper de ce que le vulgaire nomme le mal, car le mal ne vient pas de la nature mais uniquement de la loi, Philosophumena, VI, I, 19, P. G., t. xvi, col. 3223 ; c’est le Ttapa/pLrraTOaï xvj uapxc, l’abus criminel de la chair, dont parle Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 4, P. G., t. viii, col. 1129 ; c’est le scortari sine verecundia et le per omne nequiter factum volutari, seul moyen d’échapper aux puissances de ce monde, des Constitutions apostoliques, vi, 10, P. G., t. i, col. 936. Ce sont surtout les impiétés sacrilèges qui, sous ce débordement de luxure et de folie erotique, désignent du nom de communion mystique, quamlibet veneream conjunctionem, parodient la participation au corps et au sang de Jésus-Christ par l’oblation et l’absorption de la pj<rtç, et appellent Pàque parfaite l’àvOpomoêopi’a. Epiphane, User., xxvi, P. G., t. xli, col. 337, 340.

Autres gnostiques.

Or les carpocratiens ne gardèrent pas le privilège exclusif de l’antinomisme ; ils eurent de nombreux imitateurs. Les sectes gnostiques pullulèrent sous divers noms ; mais toutes, dans l’ensemble de leurs systèmes, restèrent particulièrement fidèles aux principes constitutifs de l’antinomisme, sauf à les exagérer encore par une malsaine et intempérante émulation dans le mal. Saintlrénée, Cont. hær., 1, 30-34, P. G., t. iiv col. 69 i sq., et le Pseudo-Tertullien, Prsescr., XLVII, P. L., t. ii, col. 63-66, nous signalent 1rs ophites, les caïnites, les séthites ; Clément d’Alexandrie, les antitactes et les pérates, Strom., iii, 4 ; iiv 17, P. G., t. VIII, col. 1137 ; t. ix, col.552 ; Origène, les pérates et les naasséniens ou ophites, Cont. Cels., vi, 2<s, 30, P. G., t. xi, col. 1137, 1138 ; cf. Philosophumena, V, i, 2, 3, P. G., t. xvi, col. 3124 sq. ; saint Epiphane, les borboriens, les goddiens, les militaires, les phibionites, les zachéens, les barbéliotes, Hser., xxvi, 3 ; les adamites, Hser., lu ; les caïnites, Hser., xxxviii, P. G., t. xi.i, col. 336, : « 7, 653, 959. Les principales paraissent avoir été celles des adamites, des caïnites et des ophites.

Leur manière de relever l’antinomisme.

Voici quelques particularités introduites dans l’antinomisme.

La fornication étant considérée comme un acte religieux, on estima qu’il ne convenait de la pratiquer qu’après avoir préalablement invoqué l’ange, que l’on disait présider à chacune de ses manifestations. L’antinomisme étant la révolte obligatoire contre le Dieu des Juifs, il fallait mettre au rang des glorieux ancêtres et vénérer les personnages les plus mal famés de l’Ancien Testament, Caïn, Cham, Coré, les sodomites, etc. ; c’étaient de vrais contempteurs de Jéhovah. Le traître Judas luimême fut l’objet d’une réhabilitation et d’un culte parce que, en livrant le Christ, il avait réussi à déjouer le plan du démiurge juif et avait ainsi contribué à sauver elfectivement le monde. Pseudo-Tertullien, Prsesrr., xlvii, P. L., t. ii, col. 65. Mieux encore : la première révolte contre les ordres du Dieu de la Bible avait été la suite des conseils du serpent ; le serpent lui-même avait donc droit aux hommages des antinomiens, d’autant plus qu’il était encore un emblème de dépravation. Enfin ne fallait-il pas renouveler les scènes du paradis terrestre et, à l’exemple d’Adam et d’Eve, célébrer les saints mystères dans une complète nudité ?

111. Comment les gnostiquesétablissent leur antinomisme. — 1° Altération de l’Écriture. — Étant donné le rôle de l’Écriture sainte et de la tradition dans la prédication chrétienne, on devait nécessairement, pour mieux tromper les fidèles, recourir à un procédé semblable. L’Écriture s’y prêtait peu, il est vrai ; mais on sut la plier aux exigences de l’antinomisme. Tout ce qui gênait était déclaré faux ou interpolé ; on le supprimait impitoyablement. Ce qui était conservé, c’est-à-dire la plus infime partie, était interprété dans le sens qu’on peut deviner ; quelques textes, en particulier, dans un sens impie et obscène : tels le Deo resliterunt et salvi facti sunt, de Malachie, iii, 15 ; le Facianuts mala ut eveniant bona, de Rom., iii, 8 ; le Omnia mihi licent et le Omne peccatum extra corpus est, de I Cor., vi, 12, 18 ; le Libertate Christus nos liberavit de Gal., iv, 31 ; le Da omni te petenti de Matth., v, 42, et d’autres encore. C’est ce que saint Irénée appelle « calomnier l’Écriture ». Cont. hær., i, 7, P. G., t. iiv col. 537. Voir Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 4, P. G., t. viii, col. 1 1291144 ; S. Epiphane, Hxr., xxvi, 6, 8, 11, P. G., t. xli, col. 340, 344, 349.

Fabrication d’apocryphes.

Les gnostiques antinomiens firent mieux encore : ils fabriquèrent des faux et exploitèrent avec une rare audace un grand nombre d’apocryphes, où ils avaient eu soin de glisser tout ce qui devait servir à légitimer leurs scandaleuses revendications. C’est ce que reprochent les Constitutions apostoliques, vi, 16, P. G., t. i, col. 956, à ces hommes « qui calomnient la création, les noces, la providence, la procréation des enfants, la loi, les prophètes ». Saint Irénée nous apprend combien nombreux sont les apocryphes, sous l’autorité desquels ils abritent leur doctrine, Cont. /i*r., l, 20, P. G., t. iiv col. 653 : mais il ne désigne nommément que Y Évangile de Judas, ibid., i, 3l, P. G., t. vil, col. 704-. Lès Philosophumena citent l’Évangile de saint Thomas, V, i, 7, P. G., t. xvi, col. 3134. Origène à l’évangile de saint Thomas ajoute les Évangiles de Mathias, des Égyptiens, des douze apôtres et de Basilide. In Luc, homil. i, P. G., t. xiii, col. 1803. Saint Epiphane signale la prophétie de Barcabbas, dont le nom en syriaque signifie impureté, et dans laquelle ils n’ont pas eu honte de discourir sans voile de débauches infâmes et de matières obscènes ; l’Évangile de la perfection, l’Évangile d’Eve, tout rempli de leurs perfidies, Hser., xxvi, 2, P. G., t. xli, col. 333 ; les Interro galions, Ipurrp&n’Mapîaç, l’Apocalypse d’Adam, les Livres de Set ii l’Évangile des disciples, ibid., 8, col. 34 1 ; la YÉwa Mapt’a ; , qui contient des horreurs, ibid., 12, col. 349 ; l’Évangile de Philippe, ibid., 13, col. 352 ; le Livres de Moïse, {’Apocalypse d’Abraham. Hser., x.i. 5, P. G., t. xli, col. 669. Saint Jérôme, outre les évau