Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/757

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1455
1456
ANTONINUS — APELLES

ANTONINUS Jean, jésuite allemand, né à Bonn en décembre 1601, entra au noviciat le 19 mars 1619, enseigna les humanités, la théologie, fut recteur de l’université de Molsheim et mourut à Schletstadt, le 29 octobre 1663 ou 1664. — Assertiones theologicæ de pænitentia, Lucerne, 1656, in-12. Il publia la même année, à part, les Assertiones de præcipuis quibusque difficultatibus quæ circa materiam de pænitentia tum in scholis disputantur, tum in sacro tribunali occurrunt.

De Backer et Sommervogel, Bibl. de la Cie de Jésus, t. i, col. 441.

C. Sommervogel.

APELLES, hérétique du iie siècle. — I. Vie. II. Doctrine. III. Réfutations.

I. Vie. — Parmi les nombreux disciples que suscita le gnostique Marcion, Apelles fut le plus fameux et dépassa de beaucoup Lucien, Potitus et Basilicus. Chassé de la secte marcionite pour acte d’incontinence, il dut se retirer à Alexandrie, où il ne tarda pas à se donner une compagne dans la personne de Philumène, qu’il disait inspirée de Dieu, qu’il consultait comme un oracle, et dont il écrivit les révélations, φανερώσεις. Tertullien, Præsc., xxx, P. L., t. ii, col. 42-43. Philumène est nommée par Rhodon, dans Eusèbe, H. E., v, 13, P. G., t. xx, col. 460, et par les Philosophumena, x, 12 ; les φανερώσεις sont indiquées par Théodoret, sous le titre de προφητεία. Hær. fab., i, 25, P. G., t. lxxxiii, col. 376. Il composa de plus un ouvrage ou même une série d’ouvrages, sous le titre de Συλλογισμοί, contre la théologie mosaïque. Tertullien, Præsc, li, P. L., t. ii, col. 71 ; Origène, In Genes., homil. ii, 2, P. G., t. xii, col. 165. Saint Ambroise en donne un fragment, tiré du xxxviiie tome De parad., v, 28. P. L., t. xiv, col. 286.

Bien qu’affilié au marcionisme, il fit œuvre à part, exposa des vues personnelles et fonda une secte qui prit son nom. Tertullien appelle ses partisans les Apellétiens, De car. chr., viii, P. L., t. ii, col. 769 ; saint Cyprien de même, Epist., lxxiii, ad Jubaianum, P. L., t. iii, col. 1112 ; saint Épiphane, ἀπελληιανοί, Hær., xliv, P. G., t. xli, col. 821. Il occupa une position intermédiaire assez curieuse dans le mouvement gnostique de la fin du iie siècle. Origène, en effet, In Genes., loc. cit. ; Cont. Cels., v, 54, P. G., t. xi, col. 1265, et surtout In Tit., iii, 10, 11, P. G., t. xiv, col. 1303, se voit obligé de la déclarer hérétique, mais il a soin de le bien séparer des autres gnostiques.

Sur la fin de sa vie, Apelles fut pris à partie dans un colloque par Rhodon, l’adversaire déclaré de Marcion et de tous les marcionites. Il essaya d’échapper à ses arguments, prétexta que rien n’est plus obscur que ce qui regarde la divinité, déclara qu’il n’y a pas à examiner la foi, mais qu’il vaut mieux demeurer dans celle qu’on a, et accorda que ceux qui espèrent en Jésus Christ peuvent être sauvés, à la condition de faire de bonnes œuvres. A ce compte, et pour être conséquent avec lui-même, il n’aurait dû ni se faire marcionite, ni créer une secte nouvelle, ni combattre la Bible, si respectée des chrétiens. Mis en demeure de légitimer ses principes théologiques sur l’unité de Dieu, il se contenta d’avouer qu’il n’avait aucune raison pour en démontrer la vérité, mais qu’il y adhérait, uniquement poussé par son instinct plutôt que par des arguments démonstratifs ; ce qui était donner à chacun le droit de croire ce que bon lui semble, méconnaître la révélation et proclamer le sens intime maître absolu des choses de la foi ; et ce qui n’obtint de Rhodon qu’un sourire d’étonnement, presque de mépris. On ignore la date de la mort d’Apelles.

II. Doctrine. — Voici ce qui concerne sa doctrine. 1° Ancien et Nouveau Testament. — D’abord Apelles rejette absolument l’Ancien Testament. Il n’y voit qu un tissu de contradictions et d’erreurs, dont il fait autant d’objections contre le christianisme. Origène, loc. cit., en relève quelques-unes. Cf. Tertullien, De car. chr., vi, P. L., t. ii, col. 763. On reconnaît là le fruit de la haine de Marcion contre le Dieu de la Bible. Apelles composa même ses Syllogismes pour prouver que tout ce que Moïse a écrit est indigne de la sagesse de Dieu et erroné. Eusèbe, H. E., v, 13, P. G., t. xx, col. 461. Quant au Nouveau Testament, il n’admet que saint Paul, mais saint Paul accommodé, c’est-à-dire défiguré, par Marcion.

Dieu. — Sa théologie consiste à rejeter les deux principes de son maître Marcion, les trois de son condisciple Lucien, et à n’admettre qu’un seul Dieu, le Dieu bon, sans origine et sans nom, complètement étranger à ce qui se passe dans ce monde. Mais ce monde existe : de qui est-il l’œuvre ? C’est ici que la cosmogonie d’Apelles conserve une couleur gnostique. D’après les Philosophumena, vii, 38, P. G., t. xvi c, col. 3346, outre le Dieu bon, il admettait un second Dieu, l’ordonnateur du monde, un troisième, le Dieu de la Bible, celui qui a parlé à Moïse et qui est de feu, et même un quatrième, l’auteur du mal. Mais ces trois derniers ne sont pas, à proprement parler, Dieu. Philos., x, 12, col. 3426. Peut-être même ne forment-ils qu’un seul personnage sous une triple dénomination. C’est du moins ce que donnent à entendre Tertullien, Præsc., li, P. L., t. ii, col. 71, et saint Épiphane, Hær., xliv, P. G., t. xli, col. 821, car ils ne distinguent pas. Le Dieu bon a créé des anges, entre autres l’ange de feu qui a créé notre monde sur le modèle d’un monde supérieur et plus parfait, mais qui l’a créé mauvais parce qu’il était mauvais lui-même. L’était-il par sa nature ou par sa faute ? Peut-être des deux manières à la fois. En tout cas le créateur d’Apelles s’est repenti de son œuvre ; or qui dit repentir dit faute, observe Tertullien. De car. chris., viii, P. L., t. ii, col. 769. C’était là l’une des pierres d’achoppement de la gnose ; car, pour expliquer la présence du mal dans le monde, elle en faisait remonter l’origine jusqu’au démiurge et, à la place du péché originel, avait imaginé une déchéance divine.

Christologie. — La christologie d’Apelles n’est ni nettement marcionite ni exclusivement orthodoxe. Le-Christ a paru dans les derniers temps ; il est le fils du Dieu bon et suprême ; il n’a pas eu l’apparence d’un corps, comme le prétendait Marcion avec les docètes ; il s’est vraiment fait chair et est né de Marie. Son corps est un vrai corps solidum, de sideribus, de substantiis superioris mundi, Tertullien, De car. chr., vi, P. L., t. ii, col. 763 ; Philumène l’a dit. Id., Adv. Marc, iii, 12, P. L., t. ii, col. 335. Le Christ ne le tient ni de l’homme ni de la femme ; il se l’est formé de divers éléments empruntés successivement aux sphères supérieures qu’il a traversées pour descendre sur la terre ; éléments dont il aura soin de se défaire, au moment de son ascension, en les restituant à leurs principes constitutifs et à leur origine première, ce qui est en pleine conformité avec la conception gnostique de l’éon rédempteur. Le Christ a été vraiment crucifié ; il est vraiment ressuscité et monté au ciel. Qu’est-il donc venu faire ici bas ? Sans doute, d’après la gnose, racheter l’élément divin qui était retenu sur la terre, depuis que la faute d’un éon céleste l’avait fait chasser du plérome. Saint Épiphane croit préciser en disant que c’était pour donner aux hommes la science des choses célestes, loc. cit., col. 824 ; ce renseignement est assez vague ; mais en voici un beaucoup plus précis : le Christ est venu pour mépriser le créateur, renier ses œuvres et les refaire. Son conseil est : δόκιμοι τραπεζῖται, soyez de bons argentiers, d’habiles banquiers. Cela veut dire : distinguez bien ce qui est du Christ de ce qui est du créateur. Naturellement les vrais disciples du Christ devaient professer son mépris pour l’œuvre du démiurge ; et ceci porte bien la marque marcionite.