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APOCALYPSE

juive, aurait été composé en 68 ou C9, sous Néron ; un autre, d’origine chrétienne ou, au moins, la rédaction déiinitive de l’Apocalypse actuelle, devrait être rapportée à la fin du règne de Domitien, vers l’an 95. W. Bousset, Die Offenbarung Johannis, p. 161-163.

Batiflol, Anciennes littératures chrétiennes, la littérature grecque, Paris, 1897, p. 59-61 ; Trenkel, Einleitung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 153-156 ; G. Desjardins, Authenticité et date des livres du N. T., Paris, 1900, p. 177-193.

IV. Texte et versions.

1. Texte.

Saint Jean a écrit l’Apocalypse en un grec incorrect et mêlé d’hébraïsmes, où les éléments du grec classique se rencontrent dans une part minime. D’un bout à l’autre de son livre, on constate les mêmes particularités de lexique, de morphologie et de syntaxe ; ce qui est une preuve de l’unité de composition. Voir Bousset, Die Offenbarung Johannis, Gœttingue, 1896, p. 183-205. Le style cependant, imité de celui des prophètes et rempli d’images grandioses, ne manque pas de cachet personnel et présente des ressemblances avec le style du quatrième Évangile. Voir Bousset, ibid., p. 206-208. Le texte original de l’Apocalypse ne s’est conservé que dans cinq manuscrits onciaux. Les principaux sont le Sinaiticus, l’Alexandrinus et l’Ephræmiticus du ve siècle. Dans les deux premiers, le texte est complet, le dernier a des lacunes. Le Porfirianus Chiovensis, du ixe siècle, est d’accord tantôt avec le Sinaiticus, tantôt et plus fréquemment avec l’Alexandrinus et l’Ephræmiticus. Le Vaticanus 2066, du viiie ou du xe siècle, ne contient que l’Apocalypse. Un phénomène frappant, c’est l’extraordinaire incertitude du texte : sur quatre cents versets environ, les cinq manuscrits onciaux contiennent 1 650 variantes. Les cursifs connus n’ont pas encore été tous collationnés. Le meilleur est celui qui est côté 95, du xie ou du xiie siècle. On trouve un texte assez pur dans 1, 7, 11, 12, 14, 28, 30, 36, 37, 38, 49, 79. Gregory, Prolegomena, Leipzig, 1884-1890, p. 435-437, 676-686.

2. Versions.

— L’ancienne version latine est représentée par les fragments du palimpseste de Fleury, viie siècle, et le commentaire de Primasius pour la recension africaine. S. Berger, Le palimpseste de Fleury, Paris, 1889, p. 15, 16, 21-26. Le Gigas Holmensis, du xiiie siècle, se rapproche de la Vulgate et semble présenter les caractères des textes italiens. Belsheim, Die Apostelgeschichte und Offenbarung Johannes in einer altlateinischen Ueberselzung aus dem Gigas librorum, Christiania, 1879. Les meilleurs manuscrits de la Vulgate, qui est la revision de saint Jérôme, sont l’Amiatinus, viiie siècle, le Demidovianus, xiie, le Fuldensis, vie, l’Harleianus, ixe, et le Toletanus, viiie. Les versions syriaque, arménienne et autres sont plus récentes et ont une moindre valeur critique.

Pour le classement des textes, voir B. Weiss, Die Johannes-Apocalypse, textkritische Untersuchungen und Textherstellung, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1891, t. vii, 1 ; et W. Bousset, Textkritische Studien zur neuen Testament, dans Texte und Unters., Leipzig, 1894, t. XI, 4 ; Id., Die Offenbarung Johannis, p. 170-183.

V. Histoire de l’interprétation.

Saint Jean présente lui-même son livre comme une révélation qu’il a reçue, Apoc, i, 1, et comme une prophétie. Apoc, I, 3 ; xxii, 7, 18, 19. Or il est de la nature de toute prophétie d’être obscure et de ne devenir claire qu’après sa réalisation. L’obscurité est encore plus profonde quand l’annonce prophétique est enveloppée, comme elle l’est dans l’Apocalypse, d’images symboliques qui en voilent I nlijei plutôt qu’elles ne le révèlent. Elle n’a pourtant pas découragé les commentateurs qui, au cours des siècles chrétiens, ont cherché à déchiffrer l’Apocalypse il à en saisir le véritable sens. Leurs interprétations se sont diversifiées presque à l’infini, et il serait très long el peu intéressant d’essayer d’eu débrouiller l’écheveau. Nous nous bornerons à caractériser les principaux | systèmes en suivant, autant que possible, l’ordre chronologique.

1. Les plus anciens commentateurs grecs et latins de l’Apocalypse ont subi l’influence des idées eschatologiques et millénaristes qui avaient cours de leur temps. Saint Irénée n’a pas fait un commentaire de ce livre, comme l’a cru saint Jérôme, De viris illust., 9, P. L., t. xxiii, col. 655, mais dans son traité Contra hæreses, v, 28-36, P. G., t. vii, col. 1197-1224, il a exposé sur la fin des temps des idées empruntées en partie à l’Apocalypse. Dix rois régneront alors ; l’Antéchrist en tuera trois et dominera les sept autres. La seconde Bête, Apoc, xin, est ce faux prophète qui sera de la tribu de Dan. tribu qui, pour cette raison, n’est pas nommée. Apoc, vu, 5-7. Irénée explique le chiffre de la Bête et parait favorable à l’idée d’un règne de mille ans sur la terre. D’après la tradition de ses maîtres, il y aura alors une rénovation du monde qui précédera l’entrée des saints au ciel. Saint Hippolyte avait écrit un De Apocalypsi, mentionné par saint Jérôme, De viris illust., 61, P. L., t. xxiii, col. 707, mais qui est perdu. Dans ses autres ouvrages, il donne sur quelques parties de l’Apocalypse des explications qui se rapprochent de celles de saint Irénée, par exemple, sur le chiffre de la Bête. Il voit dans les deux témoins de Jésus-Christ, Apoc, xi, Élie et Hénoch ; il explique le commencement du chapitre xiii de l’empire romain ; enfin, il admet que les saints régneront mille ans avec le Christ sur la terre. Méthode d’Olympe, Convivium, I, 5 ; VI, 5 ; viii, 4-13, P. G., t. XVIII, col. 45, 121, 144-161, explique quelques chapitres de l’Apocalypse dans le sens spirituel. Saint Victorin de Pettau est le plus ancien écrivain ecclésiastique, dont le commentaire sur l’Apocalypse nous soit parvenu. Scholia in Apoc, P. L., t. v, col. 317-344. Il y expose la théorie de la récapitulation, que beaucoup de ses successeurs lui ont empruntée. Selon lui, l’Apocalypse n’annonce pas une série continue d’événements historiques ; mais le prophète, après avoir prédit certains faits, y revient dans une nouvelle vision pour compléter ses précédentes prédictions. Ainsi la vision des sept coupes répète la vision des sept trompettes qui concernait la fin des temps. Cependant il reconnaît encore Néron dans la Bête du chapitre xiii. Lactance, Institut, div., vii, 14-25, P. L., t. vi, col. 779-813, est encore millénariste et place l’Antéchrist à la fin des temps.

2. Un nouveau système d’interprétation, inauguré par le donatiste Ticonius, exerça une grande inlluence du ive siècle jusqu’au moyen âge. Le commentaire de Ticonius est perdu, mais il est suffisamment connu par les citations qu’en ont faites ses imitateurs. Sa méthode d’explication est, non plus littérale, mais alb-gorisante. Il abandonne le millénarisme et trouve dans l’Apocalypse l’annonce prophétique des destinées, des luttes, des souffrances et des espérances de sa secte. L’Antéchrist n’est plus à ses yeux une personnalité individuelle, c’est la collectivité des ennemis de l’Église. Ticonius recourt aussi à la théorie de la récapitulation. Sa méthode d’interprétation fut adoptée pendant longtemps par les commentateurs latins, qui appliquèrent à la véritable Église ce que Ticonius avait dit du donalisme. Saint Augustin, qui avait été d’abord millénariste, De civitate Dei, xx, 7, P. L., t. xli, col. 667, accepta les vues de Ticonius. Ibid., xx, 7-17, col. 666-683. Saint Jérôme, qui retoucha le commentaire de saint Victorin, suivit la même méthode et entendit l’Apocalypse au sens spirituel. In haiam, xviii, proœm., P. L., t. xxiv, col. 627-629. Primasius, Contment. in Apoc, P. L., t. lxviii, col. 795936, appliqua le premier cette méthode à toute l’Apocalypse. Il fit un commentai’e catholique à la manière de Ticonius et vit dans la prophétie de saint Jean la prédiction de toutes les luttes et des persécutions de l’Église sur terre jusqu’à la fin du monde, sans détermination d’événements particuliers. Il maintint cependant quel-