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ABSOLUTION DANS L’ÉGLISE LATINE DU VIIe AU XIIe SIÈCLE 164

de Vérone, qui dans un beau mouvement d’éloquence s’écrie : « Les évêques sont les médecins des âmes, ils sont les portiers du paradis, ils portent les clefs du ciel, ils peuvent ouvrir et fermer le ciel. » Prseloquia, l. I, n. 12, P. L., t. cxxxvi, col. 227. Citons Yves de Chartres qui, dans un sermon prononcé le mercredi des Cendres, déclare que « Dieu a donné à son Église dans la personne de ses pasteurs le pouvoir de lier et de délier les pénitents ». Serm., xiii, P. L., t. clxii, col. 581. Citons enfin saint Bernard qui fait condamner Abélard pour avoir enseigné que « le pouvoir de remettre les péchés avait été octroyé par le Christ à ses apôtres seuls et non à leurs successeurs ». Capitula liserés. Pétri Abselardi, c. XII, P. L., t. clxxxii, col. 1054. Le même saint Bernard recommande ailleurs aux prêtres et aux évêques « de ne pas effrayer les pénitents qui se confessent, mais aussi de ne pas les absoudre, même contrits, à moins qu’ils ne se soient confessés ». Sed nec absolvant etiam compunctum, nisi viderint et confessum. Liber ad milites Templi, c. xii, loc. cit., col. 938.

II. La discipline pénitentielle.

L’un des caractères qui marquent le mieux la différence entre la discipline pénitentielle primitive et la discipline de cette période, c’est la distinction désormais nettement établie entre la pénitence privée et la pénitence publique (toutes les deux ecclésiastiques et canoniques). Déjà à Constantinople, sous Chrysostome et à partir du patriarche Nectaire (f397), la pénitence privée avait remplacé la pénitence publique. A Rome, saint Léon le Grand semble distinguer entre la pénitence privée et la pénitence publique, lorsqu’il déclare que certaines fautes « peuvent être purgées par le jeûne et l’imposition des mains », tandis que d’autres plus graves, « l’idolâtrie, l’homicide et la fornication, » ne sauraient être expiées « autrement que par la pénitence publique. » Epist., CLXVii, inquisit. xix, P. L., t. liv, col. 1209 ; cf. col. 1503, 1138, note q. Les missionnaires romains, envoyés en Angleterre, se gardèrent bien d’ét ; blir en ce pays la pénitence publique, que n’auraient pu supporter les habitanls. Aussi dans le Pénitentiel de Théodore de Canterbury (jiin du viie siècle) lisons-nous en termes exprès : « Dans cette province, la réconciliation publique n’a pas été établie, parce qu’il n’y a pas de pénitence publique. » Pasnitentiale Tkeodosi, 1. 1, c. xiii, n. 4, voir la bibliographie. Ce régime fut préconisé et pratiqué en Gaule par saint Colomban et ses disciples au début du VIIe siècle. Sous Charlemagne c’était un principe reconnu, qu’il’ « fallait observer une distinction entre les pénitents qui devaient accomplir leur pénitence en public et ceux qui devaient l’accomplir en secret ». Concile de Reims de 813, can. 31, Hardouin, Conciliorum collectio, t. IV, col. 1020. Quelques années plus tard, Raban Maur (j-856) posait cette règle : « Ceux dont les péchés sont publics doivent faire leur pénitence en public… Ceux dont les péchés sont occultes et n’ont été révélés par les coupables qu’au prêtre seul ou à l’évêque seul, doivent accomplir leur pénitence dans le secret, selon le jugement de l’évêque ou du prêtre auquel ils se sont confessés, de peur que les infirmes dans l’Église ne se scandalisent, en voyant les peines de ceux dont ils ignorent complètement la culpabilité. » De cleric. inslitntione, l. II, c. xxx, P. L., t. cvii, col. 343. D’après cette discipline, il est clair qu’il devait y avoir une absolution secrète et une absolution publique des pécheurs, selon qu’ils étaient pécheurs occultes ou pécheurs publics. C’est en effet le régime que suppose le capitulaire suivant, cité par Benoit le Lévite (vers 845) : « Lorsqu’un prêtre donne conformément aux canons la pénitence à une personne qui lui confesse ses péchés, il doit lui imposer les mains, d’après l’autorité des canons, avec les oraisons qui sont contenues dans le Sacramentaire pour donner la pénitence. Si la confession a été occulte et spontanée, qu’il le lasse en secret. Mais si [le coupable] a été convaincu et s’est confessé publiquement et manifestement, qu’il le fasse publiquement et manifestement et que [le coupable] fasse pénitence publiquement devant l’Église selon la mesure des canons. La pénitence achevée, qu’il soit réconcilié en secret ou manifestement d’après les canons, et qu’il reçoive l’imposition des mains avec les oraisons qui sont contenues dans le Sacramentaire pour réconcilier le pénitent, et qu’il soit absous de ses forfaits par les prières et les miséricordes divines, car sans l’imposition des mains personne n’est absous, de ceux qui sont liés. » Capitular. , l. I, c. cxvi, P. L., t. xcvii, col. 715. Nous n’avons pas à faire ici l’historique de la discipline pénitentielle. Mais il importait d’indiquer ces quelques règles disciplinaires pour mieux comprendre l’application du pouvoir des clefs durant cette seconde période.

III. Réconciliation ou absolution des pénitents publics.

Ministre de la réconciliation ou absolution publique.

L’évêque est le ministre ordinaire, et le prêtre est le ministre extraordinaire, de la réconciliation publique. Halitgaire de Cambrai († 839), chargé par l’archevêque de Reims de trouver un Pénitentiel bien authentique, s’exprimait ainsi : « Ceux qui président aux Églises ont établi avec raison des temps de pénitence, afin que l’on donne satisfaction à l’Église, dans laquelle les péchés sont remis, » et encore : « Elles sont très sûres et très fidèles, les clefs de l’Église par lesquelles tout ce qui est délié sur la terre est délié dans le ciel, selon la promesse qui lui a été faite. » P. L., t. cv, col. 654-655. Ces textes sont empruntés presque mot pour mot à saint Augustin, Serm., cccli (douteux), De pxiiitenlia, c. ix, xii. P. L., t. xxxix, col. 1545, 1549. Dans le Pénitentiel que publie Halitgaire, et qu’il estime, à tort ou à raison, romain d’origine, on lit : « Les évêques et les prêtres seuls sont juges, » au tribunal de la pénitence ; « comme nul ne doit offrir le sacrifice si ce n’est les évêques et les prêtres, ainsi nul ne doit usurper ces jugements ; » sicut enim sacrificium offerre non debent nisi episcopi et presbyteri, quibus claves regni cielestis traditse sunt ; sic nec judicia illa alii usurpare debent. Ibid., col. 695. — Le concile de Pavie de 850 marque la différence qui existe entre le droit d’absoudre de l’évêque et celui du simple prêtre : « La réconciliation des pénitents, dit-il, doit être faite, d’après les règles des anciens canons, non par les prêtres, mais par les évêques ; à moins toutefois que quelqu’un ne se trouve en danger et demande dévotement qu’on le réconcilie ; si l’évêque est absent, le prêtre doit alors y pourvoir et sur son ordre réconcilier le pénitent. » La raison de cette distinction est que « c’est aux évêques seuls comme successeurs des apôtres que le Sauveur a dit : Recevez le Saint-Esprit, etc. ». Can. 7, Hardouin, Concil., t. v. col. 27. Les théologiens n’avaient pas encore déterminé à cette époque les notions si importantes du pouvoir d’ordre et du pouvoir de juridiction. Mais on enseignait néanmoins que le pouvoir d’absoudre du simple prêtre était subordonné à la volonté de l’évêque : ejus præcepto, comme parle le concile de Pavie ; jussione episcopi, disent les Capitula Hebrardi Turoncnsis, can. 59. Hardouin, t. v, col. 454. — Du reste il y avait longtemps que le pouvoir presbytéral avait été comparé, voire égalé, au pouvoir épiscopal, sauf en matière d’ordination : Episcopus in omnibus rébus œijuiparetur presbytero, excepta nomine cathedrx et ordinationP, <ji<ia potestas ordinandi ipsi non tribuitur. Canones Hippolyti, c. xxxii, Duchesne, Origines du culte clirélien, 2e édit., p. 506. Saint Jérôme écrivait pareillement : « Sauf l’ordination, que fait l’évêque, que ne fasse pas le prêtre ? » Epist., cxlvi, ad Evangelium, P. L., t. XXII, col. 1191. Kl saint Jean Chrysostome, voulant expliquer comment saint Paul cite les évêques et les diacres, sans nommer les prêtres, estime que « c’est parce qu’il n’y a pas beaucoup de distance entre les