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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/10

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MVRONITE (ÉGLISE), LK MARONITES ET LE MONOP H YSIS.M E (J


monastère de Saint-Maron, fut donné à l’église de la Mère de Dieu des Syriens, dans le désert de Scété, par deux frères, Matthieu et Abraham, moines de Tagrit. Il est donc à supposer qu’il n’arriva à ce monastère monopliysite. fondé en Egypte par les marchands de Tagrit, qu’après la ruine du couvent de Saint-Maron. L’autre document nous est fourni par le patriarche Douaïhi. Le savant annaliste, s’appuyant sur des mss. syriaques anciens, dit que le patriarcat maronite fut transféré au Liban l’an 327 de l’hégire (= 939 de J.-C), sans doute à la suite de la destruction de notre monastère, qui était le siège du patriarche. Annales, Vat. Syr. 215, fol. 14. D’ailleurs, les auteurs postérieurs à.Mas’oudi, qui ont parlé des monastères de la Syrie, ne font plus aucune mention de celui de Saint-Maron.

Toutes ces indications nous permettent donc de placer dans la première moitié du x° siècle la destruction du célèbre monastère, berceau de l’Église maronite. C’est ce monastère de Saint-Maron qui a donné son nom au peuple maronite. L’appellation de maronites, en effet, a été appliquée non seulement aux moines, mais aux fidèles qui venaient se mettre sous leur conduite. Dans les documents syriaques anciens, on rencontre les locutions : ceux du monastère de Maron : ceux de Mar Maron ; ceux de Beth Maron ; ceux de Beth Mar Maron, ou encore Chalcédoniens de Beth Maron. Ces différentes locutions syriaques désignent tantôt les moines, tantôt les partisans du monastère, moines et fidèles, tout comme, dans la version syriaque des Évangiles, l’expression : ceux de Beth Hérode désigne les Hérodiens. Matth., xxii, 16 ; Marc, iii, 6 ; xii, 13. A pareilles locutions on substitua, dans la suite, le terme maronite, tout court.

III. Les maronites et le monophysisme.

Les moines du monastère de Saint-Maron, nous venons de le voir, jouissaient d’un prestige et d’une autorité morale considérable. Ils prenaient une part effective dans les discussions doctrinales de l’époque et donnaient le ton à une notable partie de l’opinion. La lutte acharnée qu’ils avaient menée contre les monophysites leur valut de pouvoir inscrire dans les annales de leur monastère, nous l’avons vu plus haut, nombre de martyrs massacrés par ces derniers. Mais la violence de la persécution ne fit pas fléchir la vaillante troupe de l’orthodoxie. Un document syriaque de la fin du t siècle, contenu dans un manuscrit du British Muséum, Add., 12 155, ms. exécuté au vin 8 siècle, nous montre les moines de Saint-Maron à la tête du parti orthodoxe et, dans une conférence tenue à Antioche, peu après l’an 591, aux prises avec les sectateurs de Pierre de Callinice, patriarche jacobite (t591). A la suite de cette conférence, des lettres furent échangées entre moines maronites et jacobites, ces derniers traitant les premiers de rejetons de la vigne de Léon et de plant de la vigne chalcedonienne. F. Nau, qui a publié une traduction française de ces lettres dans le Bulletin de l’Association de Saint-Louis des maronites (Paris, 1903, p. 348-350 et 367-381) écrit, à cette occasion, ce qui suit : « Nous avons transcrit à Londres, dans un manuscrit du viii° siècle, conservé au British Muséum (Add. 12 155, fol. 163), un texte syriaque inédit, comprenant une lettre des moines de Beth Maron aux jacobites avec la réponse de ceux ci, qui met en relief, une fois de plus, l’orthodoxie des moines de Saint-Maron, du vie au viie siècle, leurs luttes avec les jacobites et la prééminence dont leur monastère jouissait alors sur les monastères de la Syrie seconde. D’après cet écrit, les moines de Saint-Maron, qui représentent le parti des orthodoxes, des partisans du concile de Chalcédoine et du pape saint Léon, avaient eu une conférence à Antioche avec les sectateurs de Pierre de Callinice, patriarche jacobite

de 578 à 591. Ceux-ci n’avaient pu leur répondre, pas même durant un délai supplémentaire de cinq jours, qu’on leur avait concédé. Ils n’avaient pas répondu davantage à une lettre que les moines de Saint-Maron leur avaient fait tenir par un certain Mar Constantin. Les maronites Philippe et Thomas rédigèrent alors la lettre dont nous allons donner la traduction et chargèrent Isaac et Simon de la porter aux jacobites et de sommer leurs moines, leurs avocats et leurs évêques d’y faire réponse ou de renier leurs erreurs. Le rôle des maronites dans cette atïaire et leur ton envers les jacobites montrent bien qu’ils étaient les primats du parti orthodoxe comme ils avaient déjà été reconnus les primats des moines de la Syrie seconde au concile de Constantinople en 536. Théodore, du monastère de Beth Mar Abaz, leur fit une longue réponse ; il les traite de « rejetons de la vigne de Léon » et de « plant de la vigne chalcedonienne » , et les accuse d’user du bâton envers les jacobites. Toutes ces injures tournent maintenant à la gloire des maronites, car il est remarquable que cet ennemi acharné ne les accuse d’aucune erreur dogmatique si ce n’est de ne pas professer les siennes » . lbid., p. 343-344.

Deux passages de la réponse des jacobites nous montrent, en outre, l’attachement des moines maronites au Ve concile œcuménique, tenu en 553 : « L’empereur Justinien a encore confirmé cela, disaient les jacobites aux maronites, dans son édit reçu au concile que vous appelez le cinquième., . Interrogez, comme nous l’avons dit plus haut, le V° concile et l’empereur Justinien, et dites-nous ce qu’il vous répondra. » lbid.’, p. 377. Sur l’attachement des maronites au Ve concile, voir aussi les Dix chapitres de Thomas de Kaphartab (xi° siècle), fol. 87 v°, 96 v’, 98 r°, 99 v°, 113 v°. Il est donc évident que, jusqu’à la fin du vi siècle, l’orthodoxie des maronites « a été perpétuelle et ininterrompue » . S. Vailhé, L’Église maronite du v° au IXe siècle dans les Échos d’Orient, 1906, t. ix, p. 260.

Au viie siècle, les maronites continuent de défendre avec la même ardeur la cause de l’orthodoxie. « Lorsque Chosroès, roi de Perse, dit Barhebrams, eut été tué par son fils, Héraclius (empereur de Constantinople ) reconquit la Syrie et vint à Édesse. Le peuple, les prêtres et les moines allèrent à sa rencontre. Ayant admiré et louange la grande multitude des moines, il dit à ses confidents : « Il ne faut pas nous aliéner un peuple si digne d’éloges » . Un jour de fête étant arrivé, il descendit à notre église et fit de grandes largesses à tout le peuple : Peut-être l’amènerait-il ainsi à adhérer au concile de Chalcédoine. Mais lorsque, à la fin du divin sacrifice, l’empereur s’avança pour communier aux saints mystères selon l’usage des rois chrétiens, Isaïe, métropolite d’Édesse, dans l’ardeur de son zèle, lui refusa la communion, en disant : « Si tu n’anathématises pas par écrit le concile de Chalcédoine, je ne te laisserai point toucher aux mystères. » Irrité, Héraclius chassa l’évêque Isaïe de la grande église et donna celle-ci aux chalcédoniens… L’empereur s’étant rendu à Mabboug (Hiérapolis), le patriarche Mar Athanasius alla le trouver avec douze évêques. Il demanda le libelle de leur profession de foi, et ils le lui donnèrent. Après l’avoir lii, il leur adressa des éloges. Mais il les pressai ! sans cesse d’accepter le concile de Chalcédoine. Et comme ils n’y consentaient pas, Héraclius s’irrita et envoya dans tout son empire ce décret : « Quiconque n’adhérera pas (au concile), aura le nez et les oreilles coupés et sa maison sera pillée. » Alors beaucoup se convertirent. Les moines de Beth Maron (maronites), de Mabboug et d’ÉmèsÊ montrèrent leur méchanceté et pillèrent nombre d’églises et de monastères. Les noires s’en plaignirent