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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/107

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MARTIN V


futur. Martin V répliqua : « Il n’est permis à personne d’en appeler du juge suprême, c’est-à-dire du Saint-Siège, du pontife romain, vicaire de Jésus-Christ, ni de se dérober à son jugement dans les alïaires de foi ; celles-ci, en effet, étant plus importantes doivent être déférées au tribunal du pape. » N. Valois, Le pape et le concile, t. i, p. xxiii. Il y avait là — Gerson ne s’y trompa pas — une négation radicale de la supériorité du concile sur le pontife romain.

Malgré tout, Martin V se conforma à la teneur du décret Frequens promulgué dans la ix c session du concile de Constance, et convoqua dans les délais prescrits un concile général à Pavie (22 février 1423). Quatre légats l’y devaient représenter.

Les circonstances servirent à souhait le pontife ; la peste se chargea de disperser les rares prélats qui avaient répondu à son appel et qui avaient ouvert l’assemblée le 23 " avril 1423 ; les Pères se transférèrent à Sienne, choisie pour séjour par les légats. Ce détail a son prix, car il marque l’intention formelle du pape de rétablir la suprématie du Saint-Siège. — A Sienne, où le concile commença ses séances le 21 juillet 1423, la nation française montra une vive hostilité contre la papauté, en proposant des réformes attentatoires aux prérogatives dont cette dernière avait joui jusque-là ; c’est ainsi qu’on émit le vœu de la suppression des taxes pontificales, des provisions apostoliques, des commendes, qu’on parla d’obliger le pape à choisir les cardinaux sur une liste de candidats présentés par les nations, etc. Le programme passablement révolutionnaire des Français entraînait donc l’amoindrissement notable du pouvoir pontifical. Les légats du Saint-Siège comprirent le danger de pareilles tendances ; à la faveur de la division qu’ils réussirent habilement à semer parmi les Français, ils prononcèrent à l’improviste la dissolution du concile, le 2(j février 1424. La chose fut facile : le clergé de France n’avait été que très maigrement représenté ; l’ambassadeur du roi d’Angleterre qui était Jean de Rochetaillée, archevêque de Rouen, avait secondé les légats ; quant à Charles VII, il n’avait délégué aucun représentant officiel ; seule, l’Université de Paris avait mandé à Sienne quelques-uns de ses plus fameux docteurs connus pour leur farouche gallicanisme.

La nation française avait eu le dépit de voir écarter et échouer tous ses projets ; elle remporta de Sienne une profonde rancœur contre le Saint-Siège ; exploitant habilement le besoin de réformes dont soutirait l’Église, elle releva la tête ; force fut à Martin V de convoquer le prochain concile à Râle. Les bulles du 1er février 1431, qui désignaient le cardinal Julien Cesarini comme président de la future assemblée, contenaient des précisions importantes : le légat a latere possédait non seulement le droit de diriger la réunion, mais encore de la disperser ou d’en placer le siège dans une autre ville, voire hors d’Allemagne. Monumenta conciliorum generalium seculi decimi quinti, Vienne, 1857, t. i, p. 67 et t. ii, p. 53.

Le 21 février suivant, Martin V mourait, conscient sans doute d’avoir travaillé avec énergie à maintenir et à restaurer les droits souverains du Saint-Siège. Quand bien même il avait dû convoquer le concile, il avait su lui tenir tête, le diriger, le briser, au besoin, en tout cas ne jamais capituler devant lui. A l’égard des cardinaux la politique suivie par le défunt n’avait pas varié : autant les Pères de Constance avaient projeté d’accroître leurs prérogatives et de faire attribuer au Sacré-Collège l’approbation de tous les actes pontificaux, autant Martin V s’ingénia à cantonner les cardinaux dans leur rôle et à les tenir à l’écart de ses desseins. G. Pérouse, Le cardinal Aieman, p. 89-90. En un mot, il sut se montrer le chef de l’Église.

La question bénéficiale.

La question bénéficiale, au début du xv siècle, revêtait une importance particulière. A la faveur du Grand Schisme d’Occident, les chapitres cathédraux et les collatcurs ordinaires voulurent rentrer en possession des droits dont le Saint-Siège les avait graduellement dépouillés, à partir du xie siècle. Ils réclamèrent avec énergie le retour au droit commun, c’est-à-dire le rétablissement des élections épiscopales et abbatiales, et la liberté des collations des bénéfices mineurs au profit des ayants droit. Leurs suggestions furent accueillies avec empressement par les contemporains qui pensaient que, pour faire cesser le schisme, il convenait de supprimer aux pontifes des obédiences rivales toutes sources d’influence, en particulier la collation des bénéfices. D’autre part, durant ce néfaste schisme, le salut avait paru venir des pouvoirs royaux. N’étaitce pas, grâce à eux, en définitive, que le concile de Constance avait eu lieu ? Cette intrusion en matière ecclésiastique comporta de graves conséquences. Les rois s’entremirent dans la collation des bénéfices. Ils tinrent leur clergé entre leurs mains de telle façon qu’en Europe se constituèrent des sortes d’Églises d’État avec leurs libertés et leurs coutumes.

Martin V essaya de reprendre les avantages perdus. Dès le 12 novembre 1417, il rédigea de nouvelles règles de chancellerie qui tendaient à rétablir le régime en vigueur au siècle précédent. Les réserves de bénéfices et les grâces expectatives reparurent. Mais les protestations que soulevèrent ces mesures obligèrent le pape à négocier avec les nations représentées à Constance. Les débats durèrent longtemps ; ils faillirent tourner au tragique de telle sorte que le pape se résigna à passer, le 15 avril 1418, avec ses adversaires des concordats particuliers dont il a été précédemment parlé. T. iii, col. 1217-1219. Le concordat allemand laissait aux chapitres et aux collateurs ordinaires le droit de conférer, de façon exclusive, « les dignités majeures après les pontificales dans les églises collégiales » ; quant aux autres bénéfices, la collation appartenait alternativement aux papes et auxdits collateurs ordinaires. L’alternative figura également dans les concordats espagnols, français et italiens, mais les collateurs ordinaires étaient plus favorisés, puisqu’ils pouvaient désigner les titulaires des dignités majeures dans les églises cathédrales et collégiales, des prieurés, doyennés et prévôtés conventuelles, dans les maisons comptant au moins dix religieux. De plus, d’après le concordat allemand, la papauté s’interdisait l’usage des grâces expectatives à l’égard des bénéfices réguliers et, d’après les autres concordats, relativement aux offices claustraux, possédant un revenu net inférieur à quatre livres tournois ainsi qu’aux fondations charitables. J. Sznuro, Les origines du droit d’alternative bénéficiale, p. 68-70.

Hormis les exceptions spécifiées par les constitutions Ex debito de Jean XXII et Ad regimen de Renoît XII, relatives au droit de réserve, Martin V rétablit les élections dans les chapitres cathédraux et monacaux et promit de confirmer celles qui auraient lieu dans les églises cathédrales, les monastères exempts et les abbayes dont les revenus excédaient 200 livres tournois.

Le concordat anglais était non moins préjudiciable au Saint-Siège, car il laissait en fait en vigueur le Stalute of provisors of bénéfices promulgué en 1350. R. Huebler, Die Constanzer Reformation und die Concordate von 1 418, p. 115 et 207.

Les conventions signées en 1418 restreignaient considérablement l’autorité pontificale qui, au xive siècle, avait joui d’une omnipotence incontestable. AfTaiblie par les malheurs du Grand Schisme d’Occident, la papauté perdait les avantages qu’elle avait pénible-