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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/312

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MÉRITE, DERNIERS ECRITS DU NOUVEAU TESTAMENT


que tout ce qu’il y a de bon chez nous est un don de Dieu. Par où le moralisme de saint Jacques se trouve rejoindre le mysticisme de saint Paul.

3 Autres témoins de l’Église apostolique. — Chez les derniers écrivains du Nouveau Testament, le mérite des œuvres tient une place encore plus épisodique. Mais on relève aisément les mêmes tendances fondamentales à travers ce que leurs écrits peuvent çà et là fournir d’indications.

1. Épître aux Hébreux.

Si elle se distingue des autres lettres de saint Paul par les procédés littéraires, l’Épître aux Hébreux n’en diffère aucunement par la doctrine.

A l’impuissance et à la caducité du judaïsme le but principal de l’auteur est d’opposer le salut qui vient du Christ. Pour s’en approprier le bienfait, il demande la foi, dont les derniers chapitres affirment l’importance et décrivent le rôle. Mais cette foi doit être féconde : sans traiter expressément de la justification, l’écrivain complète son exposé dogmatique par des exhortations morales, où la part de l’action humaine trouve tout naturellement sa place. « Excitons-nous les uns les autres, dit-il, x, 24, à une émulation de charité et de bonnes œuvres. » Cf. xii, 28 ; xiii, 15.

Ces bonnes œuvres sont efficaces pour le salut. A la différence des sacrifices périmés de l’ancienne Loi, t ce sont de telles victimes qui sont agréables à Dieu ». xiii, 16. C’est pourquoi elles nous obtiennent ses bénédictions. A ces chrétiens qui avaient déjà connu J’épreuve ou compati à la persécution de leurs frères l’auteur dit par manière d’encouragement : « Ne perdez pas votre confiance, qui vous assure une grande rémunération », tyzi Lz^txki]^ jxia6aTroSoaiav. x, 35 ; cf. xi, 26. On remarquera ce terme intraduisible u.ia6areoSoa[a, qui suggère avec tant d’énergie l’idée de salaire compensateur. En regard, il avait parlé un peu plus haut, x, 29, du châtiment mérité par ceux qui auront méprisé le Fils de Dieu, yeipovoç à^twGrjæTat U[x « ptaç ô tov ulôv toù 0eoô xaTa7taT7Jaaç. De part et d’autre, c’est la même loi de rétribution qui s’accuse. Et il est à peine besoin de noter que l’exercice en est tout entier conçu en fonction des fins dernières. Cf. xi, 35.

Non qu’il faille oublier la part primordiale de Dieu à la source de nos actes. L’Épître se clôt par cette bénédiction d’accent tout paulinien, xiii, 20-21 : « Que le Dieu de paix… vous dispose à toute œuvre bonne pour accomplir sa volonté et fasse en vous ce qui lui plaît par Jésus-Christ », Tcotwv èv "riu, ïv tÔ eùâpeaxov êv<t>7Uov a’jTOÛ. Mais, cette prémisse étant supposée, nos œuvres ont une valeur telle que la justice divine elle-même est intéressée à la reconnaître. Les chrétiens sont autorisés à compter sur la récompense. « Car, ajoute l’auteur inspiré, vi, 10, Dieu n’est pas injuste au point d’oublier votre œuvre et l’amour que vous avez montré pour son nom, en ayant servi et servant encore les saints. »

2. É pitres de saint Pierre.

Au cours de ses deux épîtres, saint Pierre a plus d’une fois l’occasion de revenir sur les œuvres.

L’Apôtre en fonde tout d’abord la nécessité sur la sainteté du Dieu que les chrétiens ont reçu la grâce de servir, et il leur applique au sens réel, I Petr., i, 15-16, la prescription de Jahvé qui présidait aux rites de l’ancienne Loi : « Soyez saints, parce que moi je suis saint. » Lev., xi, 44 ; xix, 2 ; xx, 7. Cette raison morale se complète d’une raison mystique, quand on songe au lien qui existe entre le Christ et les fidèles. Élevés par lui à une sorte de dignité sacerdotale, ils doivent, en conséquence, avoir à cœur d’ « offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ ». I Petr., ii, 5. A quoi s’ajoute un motif apologétique : la bonne conduite des croyants doit être

DICT. DE THÉOI.. CATH.

assez patente et assez incontestable pour fermer la bouche à leurs détracteurs. Ibid., ii, 11-12 ; iii, 16. Est-il besoin de dire que ces œuvres ne sont pas perdues ? » Si elles existent chez vous, enseigne l’Apôtre, II Petr., i, 8, elles ne vous laisseront pas inactifs ni stériles pour la connaissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Ce que le contexte invite à entendre de sa suprême manifestation eschatologique. Elles sont, en effet, la condition pour entrer « dans l’héritage incorruptible, sans tache et inaltérable, qui nous est réservé dans les cieux ». I Petr., i, 4. Aux presbytres qui auront dignement rempli leur ministère l’Apôtre promet, ibid., v, 4, « la couronne indéfectible de gloire », tov àfxapâvxivov ttjç So^ç axéepavov. C’est évidemment la même récompense qui s’applique au commun des fidèles. Ainsi que dans saint Jacques, v, 20, l’aumône a la vertu spéciale, I Petr., iv, 8, de « couvrir une multitude de péchés ».

Cette économie n’est d’ailleurs pas arbitraire : elle est liée à la foi en la justice de Dieu qui, suivant la formule classique, < juge suivant l’œuvre de chacun », TOv…xptvovTa xaxà tô éxocoroo ëpyov, i, 17 ; cf. iv, 5, où l’on voit que les pécheurs auront à « rendre leurs comptes », et II Petr., i, 12, où ils reçoivent « le salaire de leur iniquité », xofi.iouu.evoi. (iioGôv àStxiaç. Sans nul doute la récompense qui attend les justes, ibid., m, 13-14, doit être comprise dans le même sens, sinon avec la même rigueur.

Aussi l’Apôtre de conclure, II Petr., i, 10-11 : « Hâtez-vous d’affermir votre vocation et votre élection. » En ajoutant ici : per bona opéra, la Vulgate ne fait que résumer le contexte qui précède immédiatement, ibid., 5, où il est question de joindre à la foi la vertu. « C’est ainsi, en effet, que vous sera large^ ment départie l’entrée dans le royaume éternel de Notre-Sëigneur et Sauveur Jésus-Christ. »

3. Écrits johanniques. — Obligé de reconnaître que « le postulat d’après lequel les œuvres de l’homme ont leur récompense est tout à fait général » dans le Nouveau Testament, H. Schultz, Der sittliche Begriff des Verdienstes, p. 13-14, croit du moins pouvoir en excepter le « cercle johannique ». Non qu’il n’ait été, lui aussi, « tout au moins effleuré » par cette conception ; mais elle était, au fond, incompatible avec ses principes. Ici, en effet, « la foi donne déjà la vie éternelle comme possession et comme espérance ». Dès lors, « ce que les chrétiens obtiennent n’est pas un salaire…, mais la confiance filiale en l’amour du père, qui n’est pas séparable de leur qualité de fils ».

Tel est bien le trait dominant de la doctrine johannique ; mais on se gardera pour autant de transformer en opposition ce qui n’est qu’une nuance dans la présentation de la commune foi.

a) Apocalypse. — Il faut, en tout cas, mettre dans un rang à part l’Apocalypse, où l’idée de rétribution s’afrirme plus que partout ailleurs.

Écrivant pour des chrétiens persécutés, le voyant est amené à leur remettre sous les yeux les compensations que leur réserve la justice divine. Dieu est pour lui essentiellement celui qui « scrute les reins et les cœurs », qui « rend à chacun selon ses œuvres », n, 23. S’il va venir bientôt, c’est en justicier, ô |Aia06ç (jtou ( ! £-[’èu.oû. xxii, 12. Et ce principe ne vaut pas seulement pour la « bête » cruelle qui s’est enivrée du sang des saints et devra payer au double tout le mal qu’elle a fait, xviii, 5-6 : il s’applique également aux justes, qui attendent de Dieu le « salaire » de leur fidélité, T)X6ev… ô xoapôç… Soûvai t6v (ziaGôv toïç SoùXoiç aou. xi, 18.

Cette espérance ne sera point déçue. A l’ange de l’Église de Smyrne, comme prix de sa persévérance, Dieu assure « la couronne de vie », ii, 10, et les autres Églises reçoivent de semblables promesses, ii, 17 ;

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