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£57 MESSE DANS L'ÉCRITURE, LA CÈNE CHRÉTIENNE : SES RITES 858

qu’il peut épargner, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour faire la collecte. » I Cor., xvi, 1-2 ; cf. Rom., xv, 26. L’acte de charité qui est ici conseillé doit avoir lieu le jour du Seigneur. Mais il n’est pas dit que l’aumône était portée à l'église chaque dimanche. C’est à la maison que chacun met de côté la part des pauvres. Saint Paul demande seulement qu’on n’attende pas son arrivée pour remettre les sommes ainsi accumulées.

En dehors donc de l’apport du pain et du viii, l’existence d’autres oblations rituelles n’est pas démontrée. L’hypothèse de Wetter sur les offrandes alimentaires ne peut s’appuyer sur les livres du Nouveau Testament. C’est en vain qu’on invoquerait ici le précepte de Jésus sur la charité fraternelle : « Si tu présentes ton offrande à l’autel et si tu te souviens là que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et va d’abord te réconcilier avec ton frère. Alors tu viendras te présenter. » Matth., v, 23-24. Notre-Seigneur enseigne ici, aux juifs, de son vivant, le précepte de la charité. Il fait allusion aux usages alors reçus en Israël, et n’affirme nullement que ses disciples, à la fraction eucharistique du pain, devront apporter une offrande. Les déclarations de Paul sur le droit qu’a tout apôtre de vivre de l'évangile, I Cor., ix, 1-14, ne prouvent pas davantage que les offrandes des fidèles pour ceux qui annoncent la parole, étaient présentées dans l’assemblée chrétienne, à l’occasion de la fraction du pain. Le procédé n’est pas condamné ; il peut être commode, mais nous ignorons s’il était en usage. Sans doute, en deux endroits l’aumône est nommée « un parfum de bonne odeur, une hostie que Dieu accepte et qui lui est agréable », Phil., iv, 18, « un sacrifice ». Hebr., xiii, 16. Si on peut (nous penchons vers cette opinion, mais force nous est de reconnaître qu’elle est loin d'être générale) voir dans le second passage une allusion à des actes de charité accomplis pendant le sacrifice, dans le premier, il semble bien que l’aumône est appelée une hostie au sens figuré. Paul parle des dons que lui ont envoyés par Épaphrodite les chrétiens de Philippes. — Concluons : il est fort probable que les premiers chrétiens ont saisi l’occasion de la fraction pour accomplir des actes de charité. Il en a été ainsi dans la suite. Mais rien ne montre que cet acte était à leurs yeux un sacrifice. Coppens, L’offrande des fidèles dans la liturgie eucharistique ancienne, dans Cours et conférences des semaines liturgiques, Louvain, 1927, t. v, p. 107-108.

Le texte de saint Matthieu cité plus haut explique par contre fort bien l’usage du baiser de paix. Jésus avait exigé qu’avant de présenter son offrande à l’autel, on se réconciliât avec ses frères. Le repas du Seigneur ayant pris la place des antiques sacrifices, avant d’y participer, les fidèles devaient se réconcilier les uns avec les autres, s’accorder un témoignage d’affection. En quatre passages de saint Paul, Rom., xvi, 16 ; I Cor., xvi, 20 ; II Cor., xiii, 12 ; I Thess., v, 26 et dans I Petr., v, 14, les chrétiens sont invités à se donner mutuellement le baiser de paix. La formule est presque la même dans les divers cas : Saluez les frères (Saluez-vous les uns les autres) par un saint baiser (par un baiser de charité). Cette fréquence, cette uniformité, le fait que l’invitation se retrouve presque semblable en certaines liturgies antiques, tout donne à penser que le rite était en usage dans les réunions chrétiennes et probablement à la principale d’entre elles, à la fraction du pain.

Tous ces gestes sont accompagnés d’oraisons. Chez les premiers chrétiens la prière publique est en honneur. On le constate dès l’origine, sans cesse et partout. Les fidèles invoquent Dieu pour leurs frères et pour l'Église. Ils doivent faire des demandes, des requêtes, des supplications, des actions de grâces pour

tous les hommes y compris les rois et ceux qui sont investis de dignités. I Tim., ii, 1-2. Le livre des Actes a conservé quelques prières collectives. I, 24 ; iv, 24-30. Si quelqu’un fait l’action de grâces le peuple doit répondre : Amen. I Cor., xiv, 16.

Ce mot d’assentiment termine d’ailleurs souvent la prière. Plusieurs autres formules conservées dans le Nouveau Testament paraissent bien avoir été employées au cours de la supplication publique : Deo gratias, Grâces soient rendues à Dieu, I Cor., xv, 57 ; II Cor., ix, 15 ; dans les siècles des siècles, Rom., xvi, 27 ; Gal., i, 5 ; Hebr., xiii, 21 ; I Petr., iv, 11 ; Apoc, i, 6 ; par Jésus-Christ Notre-Seigneur, Rom., v, 1, 11, 21 ; vu, 25 ; xv, 30, etc. ; au nom de Notre-Seigneur JésusChrist, I Cor., v, 4 ; Eph., v, 20 ; Que la grâce ou encore que la grâce et la paix soient avec vous (textes très nombreux avec ou sans variantes) ; Je rends ou Nous rendons grâces à Dieu, formule très souvent employée ; Dieu béni à jamais, Rom., i, 25 ; îx, 5 ; II Cor., xi, 31 ; Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur JésusChrist. II Cor., i, 3 ; Eph., i, 3 ; I Petr., i, 3.

On peut aussi se demander si les doxologies qu’on trouve maintes fois dans les lettres des apôtres ne sont pas des formules empruntées à la prière liturgique, par exemple : Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu, la communication du Saint-Esprit soient avec vous tous, II Cor., xiii, 13 ; ou encore : De lui, par lui et pour lui sont toutes choses ; à lui la gloire dans tous les siècles des siècles. Amen, Rom., xi, 36.

On croit même découvrir des prières d’un caractère liturgique très accusé, qui semblent n’avoir pas été ou avoir été fort peu modifiées pour être glissées dans une lettre, et qu’aujourd’hui encore on pourrait assimiler aux oraisons liturgiques du meilleur style : Que le Dieu de la patience et de la consolation vous donne d’avoir les uns envers les autres les mêmes sentiments selon Jésus-Christ, afin que tous d’un même cœur et d’une même bouche vous glorifiiez Dieu le Père de NotreSeigneur Jésus-Christ. Rom., xv, 5-6. Peut-être découvre-t-on même des traces de dialogues. Je viens bientôt. — Amen. — Venez, Seigneur Jésusi — Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous ! — Amen. Apoc, xxii, 20.

Nous avons le droit de penser que ces formules et d’autres semblables furent employées dans la célébration de l’eucharistie. Il n’y avait pas alors de missel fixe. Le président impTovisait l’action de grâces. Tout naturellement donc, lorsqu’il s’appelait Paul, venaient sur ses lèvres les acclamations, les vœux, les doxologies, les oraisons qui se retrouvent da’is ses épîtres. Il est impossible qu’il n’en ait pas été ainsi.

Peut-être même possédons-nous dans l’Apocalypse de véritables anaphores, les actions de grâces d’un prophète authentique. Le voyant assiste à la liturgie du ciel. Il aperçoit le trône de Dieu dans le temple céleste. Et il entend les quatre animaux chanter jour et nuit : Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu, le ToutPuissant, celui qui a nom : « Il était, i) est, il vient ». iv, 8. Alors les vingt-quatre vieillards se prosternent et s'écrient : « Tu es digne, Notre-Seigneur et Notre Dieu, de te réserver la gloire et l’honneur et la puissance, car c’est toi qui as créé toutes choses : c’est par ta volonté qu’elles existent et furent Urées du néant. » iv, 11. Voilà bien Vanaphore, l’action de grâces pour la création.

Vient l’agneau, et ce mot qui apparaît si souvent dans l’Apocalypse doit être souligné. Il est debout comme égorgé. Les vingt-quatre vieillards tombent devant sa face, ayant chacun une cithare et des coupes en or, remplies de parfums qui sont les prières des saints. Et ils chantent un cantique nouveau : « Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir