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MESSE DANS LES PLUS ANCIENS TEXTES : LA DIDACHÈ


Irénée élargit ainsi la conception primitive du sacrifice purement spirituel. Introduisant l’idée de l’oblation d’un don visible et matériel, il fit présenter à Dieu le pain et le vin comme les prémices de la création rachetée. Cette conception était une nouveauté et Irénée s’en serait rendu compte. D’ailleurs, en même temps qu’il l’adopta, il garda la notion plus ancienne selon laquelle les paroles de la cène font du pain et du vin le corps du Seigneur et sont ainsi le véritable sacrifice chrétien. La conception nouvelle imaginée par l’évêque de Lyon ne fut pas. d’abord acceptée partout. Tertullien resta fidèle à l’idée antique de la simple offrande d’action de grâces et de prières. Mais, en Orient, Origène lui aussi parla du sacrifice de prémices. En Occident, saint Cyprien adopta la pensée qui désormais fut incorporée à la foi chrétienne. Tantôt il montra dans le pain et le vin la matière d’une offrande, dans le corps et le sang celle d’un sacrifice, tantôt il tint les deux termes pour synonymes. Cependant, même chez lui, il serait encore possible de relever des expressions qui rappelleraient l’ancien concept de l’offrande purement spirituelle d’action de grâces et de prières.

On peut ramener à trois les arguments de Wieland à l’appui de sa thèse. Avant saint Irénée, les Pères ne parlent pas d’une oblation rituelle. Plusieurs écrivains chrétiens déclarent que seul plaît à Dieu le sacrifice des lèvres et du cœur. Il n’y a pas d’autel dans l’assemblée chrétienne.

Les affirmations de Wieland ont été fortement combattues, notamment par E. Dorsch, A. Schmid, A. Huppertz, G. Rauschen, A. d’Alès, J. Lebreton, H. Lamiroy, J. Brinktrine, M. de la Taille (voir une bibliographie de cette controverse dans Lamiroy, op. cit., p. 31). De deux côtés opposés, un même jugement a été porté sur elles. D’une part, les livres de Wieland ont été mis à l’Index ; d’autre part Harnack a écrit d’eux qu’ils sont « au fond, une attaque victorieuse des opinions catholiques traditionnelles. Nulle part on ne s’aperçoit que l’auteur est catholique. » Theol. Lilcralurzeitung, 1906, p. G27.

Wieland n’a fait que pousser à l’extrême la conclusion de F. S. Renz, Die Geschichte des Messopfcrbegriffs oder der aile Glaube und die neuen Theorien iiber das Wesen des unbluligen Opfers, 2 vol., Frisinguc, 1901-1902. D’après ce dernier, le sacrifice chrétien est un repas sacré, avec préparation, et communion, par lequel on imite l’acte dont Jésus a donné l’exemple. Sans doute, la consécration est nécessaire pour que soient présents le corps et le sang qui doivent être consommés. Toutefois le rite eucharistique n’est pas un sacrifice non sanglant qui se termine par un repas, « il est essentiellement un repas qui revêt un caractère de sacrifice ». La consécration elle-même n’est qu’une partie du festin, sa préparation. Rcnz croit découvrir cette conception chez les premiers écrivains chrétiens. Il ne pense pas d’ailleurs qu’ils introduisent dans la foi primitive une conception nouvelle, et il estime que l’Écriture n’a pas parlé du sacrifice de la messe, cette vérité nous serait connue uniquement par la Tradition chrétienne. — Nous allons confronter ces allégations avec les témoignages des plus anciens écrits chrétiens.

II. Jusqu’au milieu du iie siècle. — 1° La Doctrine des douze apôtres (Didachè) (Entre 90 et 120.

— Orient : Palestine ? Egypte ?).

1. Deux textes sont à relever ; l’un sur les prières de l’action de grâces (ix, x) ; l’autre sur l’assemblée dominicale (xiv et xv, 1).

a) Les prières de l’action de grâces (ix et x). — ix, 1. « Quant à l’action de grâces, cù/ap’.aTÎoc, rendez grâces, s’j/y.z’.Gzfc-jL-z, ainsi : 2. D’abord pour la coupe : « Nous te rendons grâces, eùyap>.a70’j(.ts/ ooi,

DICT. DE THÉOL. CA.TH.

ô notre Père, pour la sainte vigne de David, ton serviteur, que tu nous as fait connaître par Jésus ton serviteur. A toi la gloire dans les siècles ! » 3. Puis pour le pain rompu, xXâa(i.aToç : « Nous te rendons grâces, ô notre Père, pour la vie et la science que tu nous as fait connaître par Jésus ton serviteur. A toi la gloire dans les siècles I 4. Comme ce pain rompu, xXâ(7U.a, autrefois disséminé sur les collines, a été rassemblé pour devenir un seul tout, qu’ainsi ton Église soit rassemblée des extrémités de la lerre dans ton royaume. Car à toi la gloire et la puissance par Jésus-Christ dans les siècles ! » 5. Que personne ne mange ni ne boive de votre eucharistie, si ce n’est les baptisés au nom du Seigneur, car c’est à ce sujet que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens. »

x, 1. « Après vous être rassasiés, rendez grâces ». ainsi : 2. « Nous le rendons grâces, Père saint, pour ton saint nom que tu as fait habiter dans nos cœurs, pour la connaissance, la foi et l’immortalité que tu nous as fait connaître par Jésus ton serviteur. A toi la gloire dans les siècles. 3. C’est toi, Maître tout-puissant, qui as créé l’univers en l’honneur de ton nom, qui as donné aux hommes la nourriture et la boisson en jouissance pour qu’ils te rendent grâces, £ÙXa.piaT7]G(x)Gw. Mais à nous tu as octroyé un aliment et un breuvage spirituels ainsi que la vie éternelle par ton serviteur. 4. Avant tout, nous te rendons grâces parce que tu es puissant. A toi la gloire dans les siècles. 5. Souviens-toi, (j.vr ; aOY)"u, Seigneur, de ton Église pour la délivrer de tout mal et la rendre parfaite en ton amour. Rassemble-la des quatre vents, cette Église sanctifiée, dans ton royaume que tu lui as préparé. Car à toi la puissance et la gloire dans les siècles. 6. Vienne la grâce et et que passe ce monde ! Hosanna au Dieu de David ! Si quelqu’un est saint, qu’il vienne ! Si quelqu’un ne l’est pas, qu’il fasse pénitence ! Maran atha (Le Seigneur vient ou que le Seigneur vienne) Amen. 7. Laissez les prophètes rendre grâce, sù/apioTsiv, autant qu’ils voudront ! »

b) L’assemblée dominicale (xiv-xv, 1-2). xiv. 1. « RéunissezVous, auva/ÔévTsç, le jour dominical du Seigneur, rompez le pain, xXâaxTE, et rendez grâces après avoir au préalable confessé vos péchés, afin que votre sacrifice, Ouata, soit pur. 2. Quiconque a un différend avec son compagnon, ne doit pas se joindre à vous avant de s’être réconcilié, de peur de profaner votre sacrifice, Guaîa. C’est le sacrifice dont le Seigneur a dit : « Qu’en tout lieu et en tout temps on m’offre un sacrifice, Outnav, pur, car je suis un grand roi et mon nom est admirable parmi les nations. »

xv, 1. « Donc, pour vous, élisez-vous des évêques et des diacres dignes du Seigneur, hommes doux, désintéressés, véridiques et éprouvés ; car eux aussi pour

vous ils font le service liturgique, XîiToupy^ûaiv

ty)v XsiToupytocv, des prophètes et des docteurs, SiSxaxâXov. 2. Donc ne les méprisez pas, car ils sont des hommes honorés d’entre vous, avec les prophètes et les docteurs. »

2. Discussion.

On le sait, petit catéchisme à

l’usage des fidèles, la Doctrine des douze apôtres, après avoir brièvement exposé les règles qui conduisent à la vie et font éviter la mort (i-vi), donne aux disciples du Christ une comte instruction liturgique : vn-x. C’est là qu’il est parlé du baptême, du jeûne et de la prière, puis de l’action de grâces ou eucharistie, ix-x. Ce qui est dit des assemblées dominicales se trouve dans une troisième partie disciplinaire sur la vie de communauté, xi-xvi.

a) (Caractère eucharistique de ces textes. — Comment comprendre les c. ix et x ? A cette question bien des

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