Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/520

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1025 MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LES AUTEURS DU X « SIÈCLE 1026

eucharistique et du corps historique du Christ. S’il parle de conversion du pain et du vin in corpus spirituelle, in sanguinem spiritualem, Epist. ad Wulfslanum, dans J. M. Routh, Scriptorum ecclesias.opuscula, 3e édit., Oxford. 1858, t. ii, p. 107-168, il la conçoit a la façon de Katramme et voit sur l’autel un corps tout différent de celui qui était sur la croix : Xon est idem corpus quo passus est, dit-il clairement. Son est corpus Christi corporaliter, sed spiritualiter, non corpus illud quo passus est, sed corpus illud de quo locutus est : Hoc est corpus mf.u.m. Ces phrases et d’autres qui équipaient l’eucharistie avec la nourriture spirituelle du désert révèlent en Aelfric un héritier de la pensée de Ratramne, un théologien qui compromet comme lui la vérité du sacrifice de la messe et son identité avec celui de la croix.

On pourrait relever des tendances semblables dans un traité anonyme du ixe ou du x » siècle : Responsio cujusdam de corpore et sanguine Domini, publié par L. d’Achéry, Spicilegium, Paris, 1723, p. 149 sq., et dans les écrits d’Atton de Verceil, In Epist. I, ad Corinth., xi, P. L., t. cxxxiv, col. 379. Voir Geiselmann. Die Eucharistielehre, p. 2(53-267.

4. Essai de synthèse des explications précédentes par Hériger († 1007). — L’abbé de Lobbes est un esprit conciliateur qui connaît fort bien la controverse suscitée au temps de Paschase, et continuée sous ses yeux touchant la question de l’identité du corps eucharistique avec le corps historique du Christ. Il en voit la portée chez ses contemporains. De corpore et sanguine Domini, i, P. L., t. cxxxix, col. 180 B. Il en sait la complexité à raison de la diversité des opinions des Pères, mais il estime que ces diversités doivent se réduire à l’unité. Ibid., col. 179 et 180. Il en fait connaître objectivement les partenaires principaux, d’un côté Paschase avec l’appui de nombreux Pères et particulièrement de saint Ambroise, de l’autre Raban dans la lettre à Égil et Ratramne avec l’appui de saint Jérôme, et l’autorité de saint Augustin. En faveur de la thèse de l’identité, il cite Ambroise, le pape Léon, Basile (en réalité saint Jean Chrysostome), le pape Grégoire (le Grand) ; en faveur d’une certaine diversité il apporte le témoignage de Jérôme, de Fulgence et d’Eusèbe d'Émèse (en réalité Fauste de Riez). Loin d’en conclure comme certains de ses contemporains à une opposition de ces autorités, il affirme au contraire qu’elles se complètent. Hoc dici figurate, et tamen corpus Christi esse in veritatc. Ibid., iv, col. 182 B.

Il ne lui suffit point de marquer l'état de la question, il en propose une solution qui aboutit à un essai d’explication de l’unité de sacrifice de la messe. Cette solution s’inspire tout à la fois de la pensée de Paschase en ce qu’elle affirme l’identité de la chair eucharistique et de fa chair née de la vierge Marie, de celle de Ratramne en ce qu’elle ne néglige point l’aspect symbolique du mystère de l’autel, de celle de la lettre à Égil, et de pseudo-P.rimasius, en ce qu’elle leur emprunte leur formule pour expliquer l’unité complexe et organique des trois corps du Christ. Hériger défend le réalisme traditionnel de Paschase contre les exagérations du symbolisme de Ratramne, Exaggcralio, Codex gandav. 900, fol. 35 : O Ratramne, hic prælermisisli : Liqucl, inquit Ambrosius, quod prœler naturæ ordinem Virgo generauit, et hoc quod con/icimus ex virgine est. Voir aussi fol. 40, Dummler, -> nés Archiv, t. xxvi, p. 755.

Il n’a pas de peine à montrer que les expressions symboliques des Pères ne vont pas contre ce réalisme eucharistique, mais font connaître un autre aspect vrai du mystère : figura est, dum punis et vinum extra videtur, veritas autem dum corpus et sanguis Christi in veritute intérim creditur. De corp., iv, P. L., t. cxxxix, col. 182 C.

DICT. DE TIIÉ0L. CATH.

Il reconnaît cependant que la thèse de l’identité absolue chère à Paschase a besoin d'ôtre expliquée. Il la commente en empruntant les termes de la lettre à Égil (voir ci-dessus, col. 1016) qui insiste à la fois sur l’unité organique des trois corps historique, eucharistique et mystique et sur leurs aspects divers. Ibid., vii, col. 186. Il insiste encore plus loin sur cette distinctio sacrifteii dans un schéma figuratif, dont il donne L’explication suivante : Christus inconsumptibilis, invescibilis, dal ab ipso eucharistiam sumendam, vescendam, datam ex ipso ; Ecclesia corpus ejus sumens, vescens, accipit ab ipso datam. Ibid., viii, col. 186.

Ainsi au sommet et à la source de l’organisme unique de la vie surnaturelle, il y a le vrai corps ressuscité, inséparable de la divinité, au centre le corps eucharistique qui, par le contact mystérieux opéré au Jubé hœc perferri entre l’hostie et le Christ glorifié, pontife, hostie et autel de sacrifice, devient « connaturel et conforme à celui-ci », puis le corps mystique des fidèles qui, par la communion du corps eucharistique, est établi en connaturalité avec le corps ressuscité. Que la conformité, la connaturalité ou unité du corps eucharistique soit à entendre dans le sens d’une identité mystérieuse de ce corps avec le corps historique du Christ, cela résulte de l’ensemble de la doctrine d’Hériger. Cette identité de la victime de l’autel avec le corps historique du Christ fonde l’unité du sacrifice de la messe.

Pour établir cette unité, Hériger en appelle au témoignage d’un sage : Sed, ut ait quidam sapiens, non ob hoc plures carnes vel corpora, sicut nec milita sacrificia sed unum, licet a multis offeratur, per loca diversa et tempora. Quia divinitas Verbi Dei, quæ una est et omnia replet et tota ubique est, ipsa facit, ut non plura sint sacrificia, sed unum, licet a multis ofjeratur, et sit unum corpus Christi cum illo quod suscepit in utero virginali. Vere enim credendum est in ipsa immolationis hora, cselos aperiri et illud angelico ministerio in sublime deportari altare quod est ipse Christus, qui et pontifex et hostia, contactuque illius unum fieri. Ibid., viii, col. 187. « Toutes mes recherches pour identifier cette citation sont demeurées jusqu'à présent sans résultat », écrivait dom G. Morin, au sujet de ce texte, Revue bénéd., 1908, t. xxv, p. 11. Geiselmann y voit une citation libre de Rémi d’Auxerre. Die Eucharistielehre, p. 275. Cette citation nous paraît mieux encore s’identifier pour la plus grande partie avec le passage du pseudo-Primasius cité plus haut, col. 1023. Hériger, comme ce dernier, fait reposer son argumentation, en faveur de l’unité du sacrifice chrétien, sur l’ubiquité du Verbe, existant tout entier partout le même, inséparablement uni à un seul corps qui est identique à celui que le Christ a pris dans le sein de la vierge Marie. Par cet appel au principe de l’ubiquité du Verbe, Hériger se rapproche de ceux qui soulignent par ailleurs la diversité entre le corps eucharistique et le corps historique ; il reste que, malgré ces explications assez obscures, il est au début du xi 6 siècle un témoin de la doctrine traditionnelle défendue par Paschase touchant l’identité du corps historique et du corps eucharistique.

Il se fait aussi le défenseur direct de la doctrine de ce théologien touchant la nature du sacrifice de l’autel ; il montre qu’elle n’implique point de nouvelles souffrances et une nouvelle passion du Christ, comme le prétend à tort l’anonyme de la lettre à Égil. Ibid., ix, col. 187.

5. Défense de la doctrine sur le caractère sacrificiel de la messe contre les cathares : Gérard d ? Cambrai et le synode d’Arras. — fin dehors des questions d'écoles qui portent sur l’unité et la nature du sacrifice eucharistique, l’activité théologique s’exerce au cours du

X. — 33