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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/525

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MESSE DANS L’ÉGLISE LATINE, LA FIN DU XI* SIÈCLE


de l’Église tout entière, qui par ses prêtres offre, sur l’ordre du Christ et avec son pouvoir, le sacrifice du corps et du sang jadis immolés sur la croix. Ainsi Amalaire, Alcuin, Florus, Alger.

Aux yeux des théologiens qui insistent sur l’oblation actuelle du Christ, son activité sacerdotale s’exerce particulièrement au ciel : le sacrifice de la messe leur apparaît comme une réalité divine à double face, l’une symbolique, mystérieuse, celle que nous avons sous les yeux, où le prêtre visible semble avoir la part principale, l’autre où se découvre dans le ciel la réalité du sacrifice chrétien dans l’oblation perpétuelle de la victime du Calvaire. Dans ce sens les premiers théologiens « parlent volontiers de « l’interpellation » toute-puissante du Christ eucharistique, s’offrant à son Père sous le voile du sacrement, comme il le fait à découvert dans le ciel… Au témoignage de l’apôtre, le Christ" a été fait à jamais pontife selon l’ordre de Melchisédech, afin d’intercéder pour nous, en s’offrant lui-même à Dieu le Père. Cet accord de notre oblation terrestre à l’oblation du Christ est si essentiel que Paschase s’exprime comme si le sacrifice commençait véritablement d’être offert au Jubé hœc perferri. » Lepin, p. 132-133.

Hincmar en parlant de cette oblation dira que le Christ céleste offre pour nous un holocauste ininterrompu par le fait qu’il présente au Père la chair qu’il a prise pour nous.

Alger verra signifié, dans la prière Jubé hœc perferri, le Fils qui dans le ciel olîre lui-même le sacrifice au Père, « prêtre, hostie et autel de son oblation ». Même idée dans Adelmann de Brescia, De euch. sacr. ad Berengarium, P. L., t. cxliii, col. 1293.

De la précision ainsi apportée aux textes antérieurs, il résulterait, selon ces théologiens, « que notre sacrifice tient sa valeur propre de l’oblation que le Christ fait au Père de : on humanité sainte, marqué d’un certain signe de l’immolation qu’il a voulu subir pour nous ». Lepin, p. 135.

De ces conceptions découlent des conclusions toutes naturelles sur le rôle du prêtre visible. Celui-ci est l’instrument, le représentant visible du souverain prêtre : dès lors la valeur du sacrifice eucharistique est indépendante du mérite personnel du ministre. Le prêtre visible est aussi dans l’oblation même le représentant de l’Église tout entière qui offre par lui et en lui son sacrifice. Cette thèse est plus particulièrement chère aux théologiens d’inspiration augustinienne.

2. La victime du sacrifice eucharistique.

Le Christ rendu présent sur l’autel est la victime de l’oblation eucharistique, il n’est produit sur l’autel que pour être offert, immolé à la gloire de Dieu le Père et partagé aux fidèles pour se les incorporer.

Les premiers théologiens du ix c siècle, Alcuin, Amalaire, Florus, l’affirment à l’occasion ; l’identité de victime et l’unité d’hostie à la cène, à la croix et à l’autel est pour eux la raison qui fonde l’identité et l’unité du sacrifice chrétien avec celui de la croix.

Cette thèse deviendra centrale chez Paschase ; elle sera de nouveau mise en relief par les adversaires de Bérenger. Les paroles suivantes de Lanfranc la résument : His testimoniis innolescil quod vera Chrisii caro verusque ejus sanguis in mensa dominica immolctur, comedatur, bibatur corporaliter. spirilualiter, incomprehensibiliter. De corp., xix, P. L., t. cl, col. 435. Ainsi, grâce à la double controverse du ixe et du milieu du XIe siècle, la thèse traditionnelle de la vérité, de l’unité et de l’identité de la victime de l’autel avec celle de la cène et du Calvaire est proclamée et démontrée avec plus de force que jamais. Elle triomphe facilement de l’erreur de Bérenger, qui voudrait réduire le sacrifice de l’autel à n’être qu’un sacrifice de pain

et de viii, pure commémoraison de celui de la croix ; elle finit par éliminer l’opinion de ces théologiens qui cherchaient une explication à l’unité du sacrifice chrétien dans l’unité du Verbe omniprésent à toutes les oblations eucharistiques.

Selon la doctrine commune, le corps et le sang du Christ ne sont pas seulement présents sur l’autel ; ils y sont réellement offerts. Le mot d’oblation revient sans cesse sous la plume des théologiens pour caractériser le sacrifice chrétien.

Le corps et le sang du Christ y sont aussi immolés, mais d’une façon figurative. La victime de l’oblation eucharistique, c’est le Christ mystique tête et membre, c’est-à-dire la société des saints, l’Église faite hostie une avec son Sauveur. Cette thèse augustinienne est chère à Alcuin, Amalaire, Florus ; elle est développée surtout par Alger. Paschase ne la méconnaît point ; il l’indique sans y insister. On pourrait la retrouver chez la plupart des auteurs étudiés, elle est traditionnelle.

4° Caractère figurutij et commémoratif du sacrifice de la mess ?. — Tout en admettant la vérité du sacrifice de la messe, les premiers théologiens du ixe au xiie siècle ont tous reconnu le caractère figuratif et commémoratif de la célébration du corps du Christ. Batramue et Bérenger n’ont dévié que pour avoir exclusivement mis en relief cet aspect figuratif de la messe.

Si les théologiens de cette époque parlent d’immolation à l’autel, c’est dans le sens d’oblation commémorative et figurative de l’unique immolation réelle du Calvaire. "Voir Lepin, p. 98. Les controverses du IXe au xi c siècle donneront seulement l’occasion de préciser cet aspect figuratif de la messe : « Tous déclarent hautement qu’il ne saurait être question d’immolation réelle. Tous unanimement, à la suite des Pères, rangent l’immolation de l’autel dans la catégorie des figures ou des signes, les uns la présentent de préférence comme immolation commémorative, c’est-à-dire figure d’immolation passée, les autres comme immolation mystique : c’est-à-dire figure d’immolation simplement réelle ; le plus grand nombre mêlant les deux points de vue d’ailleurs similaires. » Lepin, p. 99. Paschase, nous l’avons vii, ferait exception : il semble bien admettre, comme correspondant à l’immolation figurative qui se voit, une immolation réelle, invisible qui met mystérieurcment le Christ sur l’autel à l’état de victime en le faisant notre nourriture.

Quant à savoir en quoi consiste l’asp et figuratif de la messe, nos auteurs répondent à cette question, soit en développant le symbolisme des Pères, en insistant surtout sur la fraction et la communion comme figures d’immolation réelle, soit en suivant le courant créé par Amalaire d’après lequel le canon entier, voire même la messe dans son ensemble, figurent et commémorent la passion du Seigneur.

Les traits essentiels du sacrifice de la messe.


La question de l’essence du sacrifice de la messe ne s’est pas posée pour elle-même devant les théologiens que nous étudions. On ne les voit point ranger dans une synthèse bien unifiée les sacrifices de la cène, de la croix et du Calvaire en partant d’une définition générale du sacrifice. Ils ont utilisé cependant de préférence la définition transmise par Isidore de Séville et, dans la perspective de cette définition, ils ont regardé comme point central de la messe la consécration, car de la chose profane qu’est le pain et le vin celle-ci fait une chose sacrée le corps et le sang du Christ à offrir en commémoraison de la passion.

L’idée d’oblation est prépondérante chez tous ces écrivains ; c’est un trait commun qu’ils reconnaissent à la cène, à la croix et à l’autel. La réalité du sacrifice eucharistique n’est pas seulement liée à la présence du corps et du sang du Christ sur l’autel, mais aussi à