Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/555

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1095
1096
MESSE ET RÉFORMATEURS, CALVIN


partisans. Pour les réduire, Zwingle soutint à Zurich, les 26, 27 et 28 octobre, une nouvelle dispute sur cette question et celle des images. Actes publiés au t. i, p. 459-540. Il y en eut encore une autre devant le conseil de la ville, dans les derniers jours de l’année, entre les prêtres fidèles et les réformateurs dont Zwingle était l'àme. Ibid., p. 566-583. Cette ardeur réformatrice allait de pair avec une égale activité doctrinale. Zwingle eut l’occasion de s’expliquer une fois de plus dans sa réponse aux critiques de Jérôme Emser. Adversus Hier. Emserum… antibolon (1524), ibid., t. iii, p. 141-142.

Les arguments allégués par Zwingle contre la inesse n’offrent rien de saillant. Ce sont toujours les mêmes textes scripturaires sur l’unique oblation du Christ qui font les frais de sa démonstration. On y peut remarquer pourtant qu’au lieu de s'établir, comme Mélanchthon, sur le terrain polémique de l’ex opère operalo, il serre de plus près le problème essentiel du sacrifice. Qu’on en juge par ces trois propositions dans lesquelles il résume sa pensée, Antibolon, p. 142 : Christus illuc tantum ofjertur ubi patitur, sanguinem fundit, moritur : hæc enim sequipollent. … Christus non potest ultra mori, pâli, sanguinem jundere… Ergo Christus ullra ofjerrinon potest : mori enim non potest.

Aussi s’applique-t-il à suivre les catholiques sur leur terrain. De eanone missæ, p. 101, où il entreprend de discuter leur conception du sacrificeeucharistique ainsi présentée : Dicunt verum esse quod Christus se tantum semel obtulerit, sed nos seepe eum ofjerre adserunt… Sic enim reclamant : Unam esse hostiam non negamus. Quod autem semel oblata sit sic intelligimus quod semel tantum mortuus sit, ultra nunquam moriturus ; vivus lamen sibi vivo a nobis quotidie ofjerri potest. A quoi il s’efforce de répondre en solidarisant les deux concepts de sacrifice et d’immolation sanglante : Quasi aliud sit Christum mori et aliud Christum ofjerri, aut quasi aliud moriendo aliud ofjerendo actum sit, aut mactari aliquid Deo passif quod non simul ofleratur, aut victima ulla ofleratur quæ non mactetur. D’où suit la conclusion : Al Christus semel tantum mactatus est… Ergo semel tantum oblalus est. Cf. p. 102 : Facessant igitur… qui oblationem a morte distinguunt rem eamdem sed aliter adpellatam. Si la solution reste toujours résolument négative, du moins le problème est-il plus correctement posé.

Dans la suite, Zwingle eut à défendre contre Luther et son école sa conception d’une eucharistie purement symbolique. Mais, au cours de ses explications polé miques, la négation du sacrifice de la messe ne se fait que plus fréquente et plus ferme. Voir De vera et de falsa religione (1525), dans Opéra, t. iii, p. 261-264 ; Subsidium sive Coronis de eucharislia (1525), ibid., p. 341, 353-354. Aussi bien cette commune opposition à la foi catholique fut-elle un des points sur lesquels les deux confessions rivales purent aisément se mettre d’accord au célèbre colloque de Marbourg (3 oct. 1529). L’article xv relatif à l’eucharistie, ibid., t. iv, p. 182, contient cette clause : Quod missa non sit opus quo aller altcri, defuncto aut viventi, gratiam impetret. Formule indéterminée, où l’on ne peut méconnaître que, sous le nom générique d' « œuvre », le concept de sacrifice ne soit implicitement compris.

Doctrine de Calvin.

Si Calvin s’efforce, en

général, de tenir une sorte de position intermédiaire entre les doctrines eucharistiques de Luther et de Zwingle, il se montre, en ce qui concerne le sacrifice de la messe, aussi violemment hostile que l’un et l’autre.

Le principal de sa pensée est acquis dès la première édition de l’Institution chrétienne (1536). Voir Inst. relig. christ., c. iv, dans Opéra omnia, édit. Baum,

Cunitz et Reuss, t. i, col. 131-138. Cependant les éditions postérieures à partir de 1539 présentent quelques compléments. Voir Inst. relig. christ., c. xvin (= c. xii dans l'édit. de 1539), 49-69, ibid., col. 1023-1036. On les retrouve tous, avec des additions insignifiantes et quelques transpositions dans l’ordre des derniers paragraphes, dans l'édition de 1559. Inst. relig. christ., t. IV, c. xviii, ibid., t. ii, col. 1051-1065. C’est donc là qu’il faut chercher l’expression définitive donnée par le réformateur à une doctrine qu’il avait, comme on le voit, depuis longtemps mûrie.

Tout comme Luther, Calvin est obligé de reconnaître, par l’effort même qu’il fait pour le combattre, le consentement unanime de l'Église de son temps au sujet du sacrifice eucharistique. Horrendæ abominationis capul fuit… quum pestilenlissimo errore tolum psene orbem obcœcavit [Satan ] ut crederet missam sacrificium et oblationem esse ad impelrandam peccalorum remissionem. Il ne saurait pourtant lui échapper tout à fait que cette conception présente, chez les catholiques, bien des nuances. Mais il négligera ce qu’ont pu en dire les saniores scholastici, pour s’en tenir à la notion courante de ceux qu’il appelle volontiers dans la suite les missarii, savoir missam esse opus quo… Deum promerentur vel expiatoriam esse victimam qua sibi Deum reconcilient. 1, col. 1051. On ne saurait marquer plus nettement l’intention de tout subordonner aux passions de la polémique.

A cette croyance catholique il oppose cinq arguments : elle est un blasphème contre le Christ, en méconnaissant la pérennité de son sacerdoce qui le dispense d’avoir « des successeurs et des vicaires » ; elle attente à la vertu de la croix, qui est notre unique sacrifice ; elle fait perdre aux hommes le souvenir de la mort du Christ ; elle empêche d’en reconnaître les fruits salutaires ; elle modifie le caractère de la cène, en prétendant faire un don à Dieu de ce qui est un don de Dieu. 2-7, col. 1052-1056. Chemin faisant, 3, col. 1054, il écarte en quelques mots la conception catholique, en faisant observer que le sacrifice du Calvaire n’a pas besoin d'être reproduit, et ne comporte pas d’autre application que le fait de prêcher l'Évangde et de célébrer la cène.

La messe privée, c’est-à-dire, quel que soit le nombre des assistants, celle qui ne comporte pas de communion, lui paraît particulièrement contraire à l’institution divine et il ne manque pas de faire remarquer quod hsec perversiias puriori Ecclesise incognita luit. 9, col. 1057.

Cependant il lui faut bien avouer que les « anciens » ont parlé de sacrifice à propos de la messe. Mais Calvin assure que ce n’est pas au sens des papistes : Simul exponunt se aliud nihil intelligere quam memoriam veri illius et unici sacrificii quod in cruce peregit Christus. Tel serait, en particulier, le cas de saint Augustin : Passim apud eum reperies non alia ralione vocari ccenam Domini sacrificium nisi quod est memoria, imago, leslimonium illius singularis, veri et unici sacrificii. 10, col. 1058. Encore est-il que, pour eux, la messe ne signifiait pas une image vide : Nescio quam repelitie aut saltem renovatæ immolationis faciem eorum coena prie se ferebat. Malgré tout, Calvin consent à ne pas incriminer ce langage, parce qu’il n’entendait pas unico Domini sacrificio vel minimum derogare. Tout au plus regrette-t-il qu’on ait voulu donner à la pure institution du Christ une couleur sacrificielle tirée de l’Ancien Testament. 11, col. 1059. On voit que, dans la mesure où ses préventions lui ont permis de la saisir, la notion traditionnelle de la. messe finissait par ne pas inspirer à Calvin, tout au moins en théorie, de trop profondes répugnances.

Il reste néanmoins le mot de sacrifice, dont le réformateur ne peut nier l’usage. Pour arracher cette arme