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1103 MESSE, AFFIRMATIONS CATHOLIQUES EN FACE DE LA RÉFORME 1104

nous, par M. I.epin, op. cit., p. 258-291. Plus attentif au problème dogmatique, le premier s’attache de préférence aux apologistes du début, tandis que le second, plus soucieux de suivre le mouvement de la spéculation théologique, utilise plutôt les théologiens de la génération suivante. Ainsi les deux enquêtes se complètent l’une l’autre : il nous suffira d’en marquer ici les principaux résultats.

' 1° Affirmation dogmatique. — Contre les négations de la Réforme il fallait tout d’ahord mettre in luto la foi traditionnelle de l'Église. D’où résultait tout à la fois l’obligation d’en fournir les preuves et de répondre aux objections de ses adversaires.

Il n’est pas de document plus propre à montrer ce que furent les. positions catholiques sur ce double point que la Confutatio remise à l’empereur par les théologiens pontificaux en réponse à la Confession d’Augsbourg. Les quelques pages consacrées à la messe, Confutatio pontificia, ii, 3, dans C.-A. Hase, Libri symbolici Ecclesiæ evangelicæ, Leipzig, 1846, p. lxxivlxxviii, peuvent servir de cadre pour recueillir les matériaux similaires que fournissent les divers controversistes contemporains.

Les auteurs commencent par s'établir sur le terrain de la tradition ecclésiastique, éminemment représentée par l'Église romaine. Autant ils font profession d’accepter ce qui lui est conforme, autant ils rejettent par principe tout ce qui lui est contraire, quia Deum graviter offendit, christianam unitatem lœdit, ac dissensiones, lumulliis ac seditiones in sacra Rom. Imperio suscitât. C’est de ce point de vue qu’ils se prononcent sur les principaux problèmes alors soulevés.

1. Problèmes de surface.

En vertu de ce principe, ils s’expliquent tout d’abord sur une innovation superficielle dont les réformateurs faisaient grand état, savoir l’introduction de la messe en langue vulgaire. S’il faut à tout prix se faire comprendre par les fidèles, pourquoi donc la liturgie nouvelle conserve-t-elle encore plusieurs morceaux de latin ? Après cet argument ad hominem, on rappelle le rôle du prêtre à l’autel, qui est d'être persona commuais lolius Ecclesiæ, et non pas seulement l’interprète de l’assistance. Cela étant, peu importe l’idiome dont il se sert. Les fidèles peuvent, d’ailleurs, profiter du sacrifice en y assistant in fide Ecclesiæ. D’autant que leur éducation leur en rend de bonne heure les cérémonies familières. Au demeurant, l’expérience montre que la dévotion pour la messe latine qu’ils ne comprenaient pas, était plus grande apud Germanos que pour la messe allemande que leur offrent les novateurs.

Une curieuse tradition historique vient ensuite appuyer cette argumentation : les auteurs croient savoir que, jusqu’au temps de l’empereur Hadrien, la messe aurait été dite en hébreu, langue parfaitement inconnue aux convertis de la gentilité. Plus justement, Jean Eck invoquait la pratique des apôtres de la Germanie : Sic missa celebraia est anle mille annos, alors justement qu’il eût semblé le plus nécessaire de se mettre à la portée du peuple. Observateur non moins avisé des réalités présentes, il notait la position ridicule qu’on se donne devant les étrangers à célébrer en langue barbare et la cacophonie qu’introduirait, en Allemagne même, la diversité des dialectes et des prononciations. Enchiridion, loc. xxxvii, édit. de Cologne, 1537, p. 394-395.

Après la question de la langue liturgique, la Confutatio pontificia aborde celle, beaucoup plus grave, des messes privées. Elle ne conteste pas qu’il ait pu se produire des abus à cet égard, abus dont il faut souhaiter la suppression. Mais elle refuse de compter dans ce nombre la perception d’un honoraire ; car le prêtre a le droit de vivre de l’autel. Abolir sous ce prétexte toutes les messes privées serait faire le plus

grand tort à la religion ainsi qu'à la justice : Hat abrogationc missarum cultus Dei minai tur, sanctis subtrahi tur honor, ultima fundatoris volunlas corruit et irrita fit, de/uncli debitis spoliantur suffragiis, et vivorum deootio aufertur et frigescit.

Sur cette question Jean Eck accumule les témoignages tirés de la tradition ecclésiastique, op. cit., loc. xxxviii, p. 400-424. Chemin faisant, on y relève cet argument ad hominem qui ne manque pas de saveur : Omnes falemur missam esse recordationem mortis et victimæ in ara crucis oblatæ. Cum autem bonum sit mortis Christi et lanli beneficii memoriam agerc…, quid ergo prohibet sœpius in eadem ecclesia fieri memoriam mortis Domini ?

Il était évidemment paradoxal de partir en guerre contre les messes privées si » on admettait la messe en elle-même. Aussi bien c’est la valeur fondamentale de celle-ci que les réformateurs prétendaient atteindre par ce biais et sur laquelle les catholiques avaient à s’expliquer.

2. Problème de fond.

Avant tout les auteurs de la Confutatio s’appliquent à déblayer le terrain de quelques confusions initiales qui faussaient tout le débat.

On a vu que les protestants imputaient à l'Église l’idée de reconnaître à la messe une valeur satisfactoire pour les péchés actuels, le Christ ayant satisfait seulement pour le péché d’origine. Les théologiens catholiqi*es écartent cette invention polémique comme dénuée de tout fondement : iseque satis intelligi potest quod assumitur Christum sua passione satis/ecisse pro peccato originali et instituisse missam pro actuali peccato ; nam hoc nunquam auditum est a catholicis, jamque rogati plerique constanlissime negant ab eis sic doceri. Voir une semblable protestation dans la Responsio privata Cochleo-Vesaliensis, qui vit le jour à la même occasion. Lâmmer, op. cit., p. 272.

Il reste donc que la messe ait pour but de remettre la peine du péché et d’obtenir aux âmes bien disposées les grâces qui leur sont nécessaires : Delet poenam peccato debitam, satisfactiones supplct, et gratiæ eonfert augmentum ac salutarem vivorum protectionem. Nos théologiens s’abstiennent de préciser davantage la mesure de cette efficacité et se gardent particulièrement de recourir à la formule ex opère operato, contre laquelle les réformateurs croyaient devoir diriger tous leurs coups. L’accord n’avait pu se faire sur ce point dans les conférences préliminaires d’Augsbourg, Lâmmer, p. 274, et Jean Eck, malgré sa conviction personnelle sur ce point, se gardait d’y attacher la foi de l'Église : Quid de applicatione missæ, écrivait-il, et opère operato dimicas ? Ego quidem ejus rci tam certus sum ut vel morte mea id testari non dubitem, et tamen, pacis rctinendæ causa, omnibus ordinibus suadeo ut indecisa ad concilii judicium rejiciatur. Lettre à Mélanchthon, 27 août 1530, dans Corpus Reform., t. ii, col. 317.

Ces nuages une fois dissipés, il restait à prendre parti devant la question fondamentale de savoir s’il y a oblation du Christ à la messe. La négation protestante est repoussée comme hérétique : Hoc enim et sacris lilteris et toli Ecclesiæ refragatur.

En raison de son importance et de son actualité, c’est l’argument scripturaire qui est surtout développé dans la Confutatio. On y invoque d’abord l’Ancien Testament, avec la prédiction classique de Malachie, v, 11, confirmée par le texte voisin, ni, 3. Daniel fournit une autre preuve, quand il prophétise, xii, 11. la cessation, au temps de l’Antéchrist, . du « sacrifice perpétuel ». Ce qui prouve qu’il doit évidemment durer jusque-là et que les princes chrétiens ont à prendre garde, en entrant dans les vues des réformateurs, de se faire lanlæ impielatis Antichristi præparatores. Le