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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/573

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1131 MESSE AU CONCILE DE TRENTE, LE DÉCHET : TENEUR DOGMATIQUE 1132

unique de la croix, d’en perpétuer le souvenir, d’en appliquer les fruits à nos défaillances de tous les jours.

Il n’esl pas inutile d’observer que toute cette philosophie de la messe est orientée vers le sacrifice de la croix, qui reste dans l'Église la seule valeur absolue, celui des autels n’ayant pas d’autre but que d’en raviver la mémoire et d’en monnayer les effets à notre profit. Nous retrouverons cette idée au c. ii, qui montre en détail comment le sacrifice de la messe se compose des mêmes éléments que celui de la croix et lui emprunte toute son efficacité.

Le premier acte de cette oblation rituelle remonte à la cène. Malgré les oppositions que l’on a vu se produire au cours des discussions préparatoires et s’affirmer jusqu'à la dernière heure, le concile a voulu maintenir la doctrine traditionnelle sur ce point. « Mais, note très justement Lepin, p. 304-305, eu égard aux réserves et aux hésitations d’un grand nombre, on s’abstient de caractériser l’ohlation en question, et l’on se borne à cette mention très simple : que le Christ « à la dernière cène, dans la nuit où il était livré, offrit son corps et son sang, sous les espèces du pain et du viii, à Dieu son Père ». On remarquera que le mot de sacrifice, malgré les instances de quelques Pères, n’y est même pas prononcé ; mais le verbe obtulit indique très suffisamment la pensée de l'Église à cet égard.

A propos de cette doctrine, on a parlé d' « imbroglio théologique ». F. Chaponnière, art. Messe, dans Encyclopédie des sciences religieuses, t. ix, p. 108, qui ne prend d’ailleurs pas la peine de justifier cette imputation. Sans doute l’auteur pense-t-il à la difficulté classique de comprendre comment la cène pouvait être un sacrifice alors que l’immolation réelle du Christ sur la croix n’avait pas encore eu lieu. Mais il est aisé de concevoir qu’elle en puisse être l’anticipation, comme nos messes actuelles en sont le renouvellement.

Cette objection formaliste une fois résolue, l’affirmation conciliaire sur le caractère sacrificiel de la cène est absolument normale. Du moment que l’offrande du pain et du vin par le ministère de l'Église constitue un sacrifice, l’analogie de la foi n’exige-t-elle pas de reconnaître le même caractère à l’acte par lequel le Christ a lui-même inauguré ce rite ? C’est pourquoi le concile a voulu que la chaîne des oblations eucharistiques fut expressément soudée à ce tout premier anneau.

Un léger détail de rédaction distingue ici le texte définitif de celui qui fut présenté le 5 septembre. Celui-ci disait, p. 909 : ut se sacerdolem secundum ordinem Melchisedec in fvternum constitutum ostenderet et, par là, semblait faire entrer cette intention de réaliser le sacerdoce typique de Melchisedec dans les fins primaires de l’institution eucharistique. Au lieu de trancher ainsi la question de droit, le texte actuel se contente d’exprimer un fait : sacerdolem secundum ordinem Melchisedec se… déclarons. Sans doute les auteurs du décret se sont-ils souvenus des discussions qui avaient eu lieu sur ce point en 1552, voir col. 1115, bien que personne ne semble les avoir réveillées au cours des dernières délibérations.

Ce que le Christ a fait, il a donné aux siens mandat de le refaire en son nom. Voilà pourquoi, à l’adresse probablement des réformateurs qui voulaient confondre les deux, le concile tient à séparer la communion des apôtres de l’ordre qui leur est intimé par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi. Par où le renouvellement de la cène devait manifestement avoir le caractère d’oblation sacrificielle qu’il lui avait lui-même conféré. En raison de son importance, cette institution du sacrifice eucharistique est expres sément appuyée, après l'Écriture, sur l’autorité de l’Eglise, qui « l’a toujours ainsi compris et enseigné », sans autre précision d’ailleurs que ce rappel indéterminé.

Mais comment pourrait-il en être ainsi sans que les apôtres aient en même temps reçu la dignité sacerdotale, qui est indispensable pour offrir un sacrifice ? C’est sans nul doute cette logique qui a fait introduire ici l’ordination des apôtres et imposé au concile l’obligation de l’y maintenir, ainsi qu’au canon 2, en dépit des protestations tenaces que nous avons vu se produire à ce sujet. Ainsi le texte de l’institution eucharistique : Hoc facile in meum commemorationem est officiellement interprété comme signifiant à la fois l’origine du sacrifice et du sacerdoce chrétiens.

Cet exposé fondamental est suivi d’une phrase qui reprend la synthèse dogmatique esquissée au début, et montre comment cette institution du Christ réalise l’harmonie des deux Testaments.

Nam, celebrato vetere En elTct, après avoir célé Pascha, quod in memoriam exitus de.Egypto multitudo filiorum Israël immolabat, novum instituit Pascha seipsum ab Eeclesià per sacerdotes sub signis visibilibus immoiandum in memoriam transitus sui ex hoc mundo ad Pat rem.

bré le Pâque ancienne, que la multitude des enlants d’Israël immolait en mémoire de la sortie d’Egypte, il a institué la Pâque nouvelle, savoir sa propre personne qui devait être immolée sous des signes visibles par l’Eglise au moyen des prêtres en mémoire de son passage de ce monde au Père.

Saint Paul avait présenté le sacrifice de la croix, I Cor., v, 7, comme la Pâque du chrétien : logiquement le concile de Trente étend ce même caractère au sacrifice de la messe qui en est le renouvellement. Mais ce qui fait le prix de ce texte, c’est moins l’indication de ce symbolisme pascal que celle des éléments du sacrifice eucharistique, ramassés là en quelques mots sobres et pleins. « Ce que contient l’exposé doctrinal, note Lepin, p. 330, c’est moins une définition qu’une description du sacrifice de la messe. » A tout le moins cet te « description » est-elle remarquablement complète.

Dans la langue religeuse, sacrifice est synonyme d’immolation. Mais ce qui caractérise le sacrifice chrétien, c’est que la matière en est la personne même du Christ (seipsum… immoiandum) « sous les signes visibles » du sacrement : ce dernier trait fut très heureusement ajouté au texte du 5 septembre. Encore faut-il que cette mystique réalité devienne nôtre : c’est pourquoi l’immolation eucharistique se fait, non pas seulement « au nom de l'Église », Lepin, p. 329, mais « par l'Église » (ab Ecclesia), qui se sert pour cela du ministère des prêtres (per sacerdoles). Difficilement sans doute trouverait-on autre part, pour exprimer la nature essentielle de la messe, une formule de si haute et si pure teneur.

Une fois la vérité du sacrifice de la messe ainsi rattachée à ses sources dogmatiques par l’institution du Christ, le concile en rappelle brièvement quelques autres fondements scripturaires, savoir l’oracle de Malachie, i, 11, et le témoignage de saint Paul dans

I Cor., x, 21. De ce dernier texte le projet du 5 septembre, p. 910, disait seulement : innuit. Pour faire droit aux réclamations de quelques Pères, notamment du cardinal Madruzzo, p. 912, cette affirmation trop timide fut renforcée de l’adverbe : 710/i obscure. Enfin le concile, suivant une exégèse reçue, met la messe en rapport avec les sacrifices anciens, pour dire qu’elle en est la « consommation », parce qu’elle renferme tous les « biens » — ce mot est une addition de la dernière heure — dont ceux-ci contenaient la figure.

II ne s’agit d’ailleurs là que de rappeler des thèmes ou textes traditionnels, sans que le concile prétende