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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/589

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MESSE, L’IMMOLATION MYSTIQUE : BILLOT


encore ce corps et ce sang après qu’ils sont consacrés, ne le fait que pour accomplir une troisième ablation, pur laquelle elle n’offre elle-même. Le prêtre commence le premier, et a l’exemple de Jésus-Christ, qui a été tout ensemble le sacrificateur et la victime, il s’offre lui-même avec son oblation ; c’est ce que signifie la cérémonie d’étendre les mains sur les dons sacrés, comme on fait un peu avant la consécration. Autrefois dans l’ancienne loi, on mettait la main sur la victime (Lev., i, 4 ; m ; viii, 14, 15, etc.), en signe qu’on s’y unissait et qu’on se dévouait à Dieu avec elle ; c’est ce que témoigne le prêtre en mettant les mains sur les dons qu’il va consacrer. Tout le peuple pour qui il agit entre dans son sentiment, et le prêtre dit alors au nom de tous : Nous vous prions, Seigneur, de recevoir cette oblalion de notre servitude et de toute votre /amille, où nous apprenons, non seulement à olîrir avec le prêtre les dons proposés, mais encore à nous offrir nous-mêmes avec eux. L’ancienne cérémonie, où chacun portait lui-même son oblation, c’est-à-dire son pain et son viii, pour être offert à l’autel, confirme cette vérité. Car outre qu’offrir à Dieu le pain et le vin dont notre vie est soutenue, c’est la lui offrir elle-même comme une chose qu’on tient de lui, et qu’on veut lui rendre, les saints Pères ont remarqué dans le pain et dans le vin un composé de plusieurs grains de blé réduits en un et de la liqueur de plusieurs raisins fondus ensemble ; et ils ont regardé ce composé comme une figure de tous les fidèles réduits en un seul corps pour s’offrir à Dieu en unité d’esprit… Quoique cette cérémonie d’offrir en particulier son pain et son vin ne subsiste plus, le fond en est immuable : et nous devons entendre que ce sacrifice doit en effet être oITert par tous les fidèles à l’autel, puisque c’est toujours pour eux tous que le prêtre y assiste. Mais lorsque les dons sont consacrés, et qu’on offre actuellement à Dieu le corps présent du Sauveur, c’est une nouvelle raison de lui offrir de nouveau l’Église, qui est son corps en un autre sens, et les fidèles qui en sont les membres. Il sort du corps naturel de notre Sauveur une impression d’unité pour assembler et réduire en un tout le corps mystique ; et on accomplit le mystère du corps de Jésus-Christ, quand on unit tous ses membres pour s’offrir en lui et avec lui. Ainsi l’Êqlise fait elle-même une partie de son sacrij ce, de sorte que ce sacrifie n’aura jamais sa perfection toute entière qu’il ne soit offert par des saints. Id., n. 36, p. 346-347.

Dans ce développement, on retrouve bien, poussé jusque dans ses conséquences dernières, l’exposé de la doctrine du symbolisme qui s’attache au sacrifice extérieur par rapport au sacrifice intérieur ; doctrine que nous avons signalée comme caractéristique de la thèse dont Bossuet est un des plus illustres représentants.

3. Bossuet n’a pas fait école ; son influence est néanmoins sérieuse sur plusieurs théologiens du xviiie siècle notamment sur Tournely et Collet, qui se réfèrent expressément à son autorité. Mais ces deux théologiens doivent être rattachés plutôt à l’école de De Lugo. Le jésuite Lacroix († 1714) se rapproche beaucoup de Bossuet dans son explication de la « destruction mystique » du Christ sur l’autel, la séparation sacramentelle donne au Christ un aspect de mort, quia solum corpus sine anima et sanguine non intelligitur vivere, nec solus sanguis sine anima et corpore. Theologia moralis, Paris, 1866, De sacramentis, t. VI, part. II, q. i, 2, n. 3. Même sens, même terminologie chez Ferraris († 1760), Prompta bibliotheca, v° Sac.ripcium, n. 43 : In ipsa consecralione per dinersas species per se et vi verborum corpus velut mortuum et sanguis velul efjusus incruente reprœsentatur ; cf. n. 54. On retrouve également la même doctrine (encadrée toutefois d’explications subsidiaires empruntées à d’autres systèmes) chez F. Babin, principal rédacteur des Conférences ecclésiastiques du diocèse d’Angers (1716), Paris, 1778, t. iii, p. 243.

4. Il faut arriver à la fin du xixe siècle pour trouver, avec le cardinal Billot, un défenseur de la doctrine de l’immolation mystique, telle que Bossuet l’avait enseignée, dans toute sa pureté, au xvip siècle.

a) Comme Pasqualigo, Billot élargit la définition

du sacrifice. Le sacrifice, comme l’enseigne saint Thomas, est < un signe représentant symboliquement le sacrifice intérieur », par lequel nous rendons à Dieu l’honneur qui lui est dû proprement et exclusivement. Cette exclusivité doit être marquée dans le signe choisi pour constituer le sacrifice. Le choix de cet élément n’est pas, d’ailleurs, laissé à l’arbitraire ; il doit, en effet, présenter une ressemblance symbolique avec le sacrifice intérieur qu’il s’agit de signifier extérieurement. L’acte cultuel qui constitue le sacrifice a été fort convenablement placé dans l’immolation ou la destruction d’une victime ; immolation et destruction qu’on recherche, non certes pour elles-mêmes, mais uniquement en raison de la signification symbolique qu’on y attache. Cette signification symbolique est justifiée : l’honneur souverain exclusivement dû à Dieu est parfaitement exprimé par la consomption de la victime, Dieu étant ainsi reconnu comme celui en l’honneur de qui il est juste que toute vie humaine se consume. De sacramentis Ecclesiæ, t. i, 6e édit., Borne, 1924, p. 580-588.

b) Le sacrifice propre de la Loi nouvelle, § 3, est le sacrifice de la messe et non le sacrifice de la croix. Le sacrifice de la croix appartient à la Loi nouvelle parce qu’il en est la source, d’où découle toute grâce propre à cette loi. Mais la mort du Christ ne peut être renouvelée et, si elle le pouvait, ce ne saurait être du fait des chrétiens. Donc, seul sur la croix, Jésus a offert le sacrifice et comme prêtre et comme victime. Si donc la religion exige un sacrifice offert au nom du peuple chrétien par l’intermédiaire des prêtres, en témoignage de notre commune servitude vis-à-vis de Dieu, il faut conclure que ce sacrifice ire peut être que le sacrifice de la messe. Si l’on considère à qui est offert ce sacrifice, nulle différence entre le Calvaire et l’autel, puisque c’est à Dieu qu’est adressée l’oblation. Mais si l’on considère et le prêtre qui offre, et la victime qui est offerte, on doit reconnaître que la messe diffère du sacrifice de la croix. Sans doute, à l’autel comme au Calvaire, c’est toujours Jésus Christ qui offre et qui s’ofïre et, en ce qui concerne le prêtre souverain et la victime parfaite qu’est Jésus, nulle différence encore entre le Calvaire et l’autel. Mais, à la messe, l’Église corps mystique de Jésus offre le sacrifice en union avec son chef et, avec lui, se sacrifie. Avec Jésus, elle est prêtre ; avec lui, elle est victime.

e) Dans la dernière édition de son ouvrage. Billot a intercalé un § 4, relatif à la dualité du sacrifice offert par le Christ, d’après la doctrine du concile de Trente. Il s’agit, d’une part, de la cène et, par voie de conséquence, de la messe, et, d’autre part, du Calvaire. Billot affirme que le sacrifice de l’eucharistie, tout en renouvelant d’une façon mystique l’immolation de la croix, se distin gue adéquatement du sacrifice du Calvaire. Trois points concentrent la démonstration : a. — Le concile de Trente affirme qu’un seul et même sacrifice fut accompli à la cène et est accompli à la messe ; de sorte que c’est à la dernière cène que, sans aucun doute possible, il faut aller chercher non, seulement l’institution, mais encore la première et prototype célébration du sacrifice de la messe, b. — L’oblation de la cène, d’après le concile de Trente, non seulement ne peut être tenue pour une partie essentielle ou intégrale du sacrifice de la croix, mais, au contraire, on doit reconnaître qu’elle s’y oppose en tous points, niques ei per omnia opponatur ; elle s’y oppose comme le représentatif au représenté, comme le mémorial à l’objet qu’on doit perpétuellement commémorer, comme ce qui, jusqu’à la fin, se renouvellera et continuellement se reproduira, selon le précepte du Christ, à ce qui devait être une seule fois accompli, sans réitération possible, c. — Le concile de Trente (et cette remarque est capitale) reconnaît non pas seulement