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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/625

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1235 MESSE, LE S ACRIFICE-OBL ATION : THÉORIES CONTEMPORAINES 1236

jadis accomplie par le Christ, et de sa mort sur la croix dont cette offrande liturgique fit une vraie immolation en lui imprimant le caractère propre du sacrifice ». P. 77. L’acte de consécration réitéré à chaque messe ne doit pas être considéré comme une nouvelle action du Christ ; c’est toujours l’action jadis accomplie à la cène qui perpétue le sacrifice. Ainsi, il faut diic que « la messe est non seulement spécifiquement, mais encore numériquement un seul et même sacrifice avec celui du Calvaire. »

Il est évident que l’auteur dirige ses attaques « contre une doctrine d’absolue dualité qui multiplie et les immolations effectives du Christ-victime, et les interventions oblatrices du Christ-prêtre ». Néanmoins ses formules p un peu absolues ont laissé penser à quelques critiques que sa thèse s’accorderait peu, au moins en certains points, avec le concile de Trente. Cf. Vincent Mac-Nàbb, O. P., A new theory of the sacrifice of the Mass, dans The Irish ecclesiastical Record, juin 1824. Mais l’interprétation bénigne du P. de la Taille et du cardinal Lépicier est parfaitement admissible. Cf. Gregorianum, 1926, p. 463.

En ce qui concerne le sacrifice du ciel, Mgr MacDonald est assez hésitant : « C’est une question très débattue, écrit-il, de savoir si l’oblation que le Christ fait au ciel est sacrificielle au sens strict. Saint Paul semblerait supposer que oui… Quand donc le Christ, venu comme grand prêtre des choses futures, à travers le tabernacle plus grand et plus parfait, non fait de main d’homme, c’est-à-dire incréé, ni avec le sang de boucs et de taureaux, mais avec son propre sang, entra une fois pour toutes dans le lieu saint, après une rédemption parfaite, il fit au dedans du voile l’oblation rituelle du sacrifice achevé hors du sanctuaire. Ce n’est pas un nouveau sacrifice qu’il offrit alors, mais le même une fois offert sur la croix, tout comme ce n’est pas un nouveau sacrifice qui s’offre chaque jour ici-bas, mais le même qui fut offert alors. » Op. cit., p. 55-56. Ainsi se trouve sauvegardée l’unité parfaite du sacrifice du Christ.

10° L’explication du P. Christian Pesch, S. J., reprend, en les précisant, les assertions de Mgr Paquet et du cardinal Lépicier. La conciliation tentée entre la thèse de l’immolation et celle de l’oblation est peutêtre ici plus complète encore. Prælect. dogmatieee, Fribourg-en-B., 1904, t. vi, De sacramentis, tract. iv, De eucharistia, sect. iii, De sacrificio missee.

L’auteur expose tout d’abord les notions générales de sacrifice, n. 834-851. Il relate la définition habituelle : Oblatio substantiæ sensibitis per aliquam ejus imnmtationem Deo légitime facla, ad ostendendam agnitionem supremæ ejus majeslatis et vitæ necisque absolulse potestutis, n. 835, définition d’ailleurs assez attaquée de nos jours, et dont tous les éléments ne sont pas également certains. Il faut, dit-on, dans le sacrifice ur.e immutation de la chose offerte. Mais cette immutation est-elle nécessairement constituée par une destruction réelle, physique ou équivalente (égorgement d’un animal, effusion d’un liquide), ou bien suffit-il d’une simple consécration morale de la chose offerte ? Le problème reste discuté entre théologiens, n. 841 ; quoi qu’il en soit de cette controverse, une chose est certaine, c’est que, si Dieu a institué un sacrifice, ce sacrifice renferme tous les éléments qui lui sont essentiels. Le P. Pesch pose ensuite un principe que nous avons déjà trouvé sous la plume de M. Rivière et qui est reconnu par tous les théologiens : la distinction dans le sacrifice de l'élément formel et de l'élément matériel. L’immolation de la victime est l'élément matériel ; l’oblation sensible de la victime immolée est la forme physique ou réelle du sacrifice. N. 842. Un argument péremptoire de cette vérité, c’est le sacrifice offert par le Christ au Calvaire, sacri fice véritable entre tous. Or, le Christ ne s’est pas immolé lui-même, mais il s’est lui-même oflert à Dieu par V Esprit-Saint, cemme une victime sans tache. Hebr., ix, 14. Donc, cette Trpocçopâ par laquelle le Christ offrit au Père céleste la mort qui lui était donnée par ses bourreaux, est la raison formelle du sacrifice de la croix. Id., n. 843.

Passant plus loin à la question de l’essence du sacrifice de l’eucharistie, n. 880-910, le P. Pesch applique les principes formulés dans les préambules. Il rappelle tout d’abord que la messe est, de par l’institution du Christ, un sacrifice essentiellement représentatif du sacrifice de la croix, n. 880-891 ; mais elle est également, en soi, un sacrifice vrai et absolu. En tant que tel, on peut se demander en quel élément consiste l’essence de la messe. Et cette question présente un double sens ; tout d’abord, quel est l’objet de ce sacrifice ? ensuite, quelle en est l’acte proprement sacrificiel ? Le Christ lui-même est la chose offerte dans le sacrifice de la messe ; mais, parce qu’il y est offert dans son être sacramentel, le pain et le vin dont la substance doit être changée en la substance du corps et du sang et les espèces sacramentelles, sous lesquelles le Christ est offert, appartiennent aussi quoique accessoirement à la matière du sacrifice. N. 893-894. Le Christ est offert, mais non par une oblation verbale, ni dans la fraction de l’hostie, ni par le mélange des espèces, ni par la communion des fidèles. La communion ellemême du prêtre, quoi qu’en aient pensé certains théologiens, n’appartient pas à l’essence du sacrifice, ni au sens de Eellarmin, ni au sens plus récemment proposé par Eellord et Renz. N. 895-897. Selon l’opinion de beaucoup la plus commune, seule la consécration constitue l’essence du sacrifice. Mais sous quel aspect doit-elle être dite l’action proprement sacrificielle de la messe ? Pesch montre que l’action sacrificielle requiert trois choses : ur.e victime, l’immolation de cette victime et son oblation. Or, ces trois choses existent précisément dans la consécration ; bien plus, la consécration a ceci de particulier que, ne présupposant pas sa victime existante, elle la produit comme telle, et même la produit dans un état d’impassibilité. N. 902. Par la consécration, le Christ est placé à l'état de victime, en tant que par la force des paroles le sang est placé séparément du corps sur l’autel, et il n’est pas besoin de chercher d’autre immutation dans la victime, comme l’ont tenté, à tort semble-t-il. De Lugo, Franzelin et d’autres. N. 905-908. AirâMonc, « le sacrifice de la messe, selon sa raison formelle, ne consiste pas dans la destruction physique de la victime, mais dans le rite par lequel cette destruction se trouve ordonnée au culte divin et à la satisfaction pour nos péchés. En d’autres termes, la raison formelle du sacrifice, c’est l’oblation. N. 913. Et Pesch de conclure : Bien que la destruction physique de la victime soit unique, il y aura dor.c autant de sacrifices différents qu’il y a de manières différentes d’oblation… Dans le sacrifice eucharistique, le Christ est offert à Dieu sacramentellement et vraiment ; et parce que cette oblation n’est pas fictive ou imaginée ou mimée, mais qu’elle est vraie, par elle, la satisfaction fournie à Dieu sur la croix lui est vraiment offerte et est vraiment appliquée aux hommes. Ibid.

Et voici la synthèse théologique de Christian Pesch ; « Il apparaît ainsi comment la messe est un sacrifice véritable. Elle contient la victime, le Christ ; elle renferme l’immolation réelle de cette victime, immolation faite autrefois à la croix, immolation passée sans doute dans l’ordre physique, mais moralement, inséparable du sacrifice de la messe. Elle renferme également l’oblation sensible, car la force des paroles sacramentelles qui placent le corps et le sang sous des espèces différentes, réalise l’immolation mystique, par laquelle est