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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/637

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1259 MESSE, DONNÉES THÉOLOGIQUES : LA DOUBLE CONSÉCRATION L260

qui a Dieu seul comme cause principale, la même action, en tant que sacrificielle, c’est-à-dire, en tant que symbole et attestation de notre hommage, de notre soumission et de notre amour vis-à-vis de Dieu, a le prêtre comme cause principale : vérité déjà expliquée plus haut, voir col. 1251. Voir, pour la discussion des arguments, les auteurs favorables à l’opinion ici combattue, notamment les Salman’icenses, disp. XIII, dub. ii, S 3 et 4 ; De Lugo, disp. XIX, sect. v et vi.

d) Mais on peut se demander si « l’oblation sacrificielle du Christ se borne à ce moment transitoire de la double consécration. On comprend que les théologiens pour qui l’essence du sacrifice est un acte d’immolation, réelle ou mystique, aient enfermé la durée du sacrifice dans cet instant fugitif… Mais, pour qui se débarrasse de ce préjugé et voit avant tout dans le sacrifice une oblation, il semble bien qu’il puisse et doive être étendu au delà… L’acte d’immolation figurative qu’est la double consécration n’est pas précisément, en tant que tel, l’acte d’oblation ou de donation, constitutif du sacrifice : c’en est plutôt …une sorte de condition. La véritable oblation ou donation sacrificielle est celle que le Christ fait directement de lui-même, sous le signe sensible de cette immolation mystique. Or, il n’y a aucune raison de lier si rigoureusement cette oblation personnelle du Christ à l’acte figuratif de l’immolation, qu’elle ne puisse se continuer, une fois cet acte posé. Sans doute le moment de la double consécration peut être considéré à bon droit comme le moment principal et central du sacrifice, parce que le Christ s’y offre sous l’acte sensible qui représente l’effusion rédemptrice de son sang, et qu’il lui a plu d’attacher l’effet principal du sacrifice à ce moment important, comme le fruit rédempteur a été attaché définitivement à l’instant de la mort. Mais rien n’empêche d’admettre, tout engage au contraire à penser, que le Christ continue de s’offrir en sacrifice après la double consécration et jusqu'à la communion, parce que jusqu'à la communion il s’olïre réellement pour nous à son Père, d’une manière solennelle et officielle, sous le signe sensible de son sacrifice rédempteur. Pour être un simple état de victime mystiquement immolée, et non un acte de mystique immolation, ce signe sensible, savoir la permanence visible de la séparation du corps et du sang, n’en suffit pas moins à constituer un vrai sacrifice, parce qu’il conditionne un acte de véritable oblation sacrificielle : Yoblation du Christ, continuée sous le sacrement. » Lepin, L’idée du sacrifice de la messe, p. 751-752.

Nous répondrons que cette conception procède elle-même de l’idée du sacrifice-oblation, dans lequel l’immolation mystique de la consécration n’intervient qu'à titre de condition préalable. Or, cette idée, si on l’isole de toute autre, ne nous paraît pas suffisamment tenir compte de l’enseignement traditionnel sur Vucte d' iinmolation mystique par lequel, précisément, Jésus fait à Dieu l’oblation de son propre corps et de son propre sang. Sans doute, en un certain sens, la présence continuée de Jésus sous les espèces séparées continue l’offrande du sacrifice du corps mystique du Sauveur, comme on vient de l’expliquer tout à l’heure, et rien n’empêche, tout engage’même le prêtre et les fidèles à unir leurs intentions personnelles à celles de la sainte Victime pendant tout le temps de sa présence sur l’autel. Mais tout l’essentiel du sacrifice du Christ est accompli à la consécration. Si l'état de présence pouvait justifier la permanence du sacrifice, il ne faudrait pas reculer devant une conséquence admise, implicitement, par M. Lepin dans sa thèse de 1879, à savoir que « si, à côté d’hosties réservées dans le ciboire, on gardait, après la communion, du précieux sang dans le calice…, il y aurait représentation

de l’immolation de la Croix ; mais cette représentation ne serait plus censée publique, officielle », et c’est là, uniquement, semble-t-il, ce qui empêcherait la présence réelle continuée des deux espèces eonservées simultanément, d'être un sacrifice. Ajoutons que la rubrique du Missel prévoit le cas où, la consécration ayant été invalide, le prêtre arrivé à la communion, reprend simplement, pour réaliser le sacrifice inexistant, les formules consécratoires et passe ensuite immédiatement à la communion. La permanence du corps et du sang sous les espèces séparées ne fait donc rien à l’essence du sacrifice : c’est là un élément tout accidentel et même séparable.

Le sacrifice eucharistique requiert la double consécration du pain et du vin.

On ne saurait affirmer

péremptoirement que cette doctrine s’impose à notre adhésion, mais elle est à coup sûr l’opinion de beaucoup la plus probable. Avant tout, il convient de situer la controverse.

Tous les théologiens, sans exception, confessent que la consécration des deux espèces est au moins de précepte divin. Car, le précepte formulé par le Christ après la consécration du pain, cf. Luc, xxii, 19 ; I Cor., xi, 24, a été renouvelé après la consécration du vin. I Cor., xi, 25. Mais il s’agit ici de préciser si le sacrifice existerait néanmoins, dans le cas où, pour une raison ou une autre, le célébrant ne consacrerait pas les deux espèces. Au cours de notre exposé historique, nous avons rencontré quelques auteurs partisans de la réalité du sacrifice, même avec la consécration d’une seule espèce. Le plus grand nombre professe que la consécration des deux espèces est nécessaire à l’existence du sacrifice, non que la consécration d’une seule espèce à l’exclusion de l’autre soit nécessairement inopérante (la question peut d’ailleurs se poser), mais parce que la consécration sous les deux espèces paraît requise pour que se vérifie le sacrifice tel que Jésus-Christ, l’a institué. En effet :

1. Il est de l’essence du sacrifice eucharistique d'être représentatif de la passion et de la mort du Sauveur, cf. Conc. Trid., sess. xxii, c. 1, Denz -Bannw., n. 938 ; mais cette représentation requiert la consécration sous les deux espèces. Autre chose est, en effet, de trouver dans l’eucharistie un signe, un indice de la mort du Christ, autre chose d’y trouver une représentation expresse de la passion. Le signe existe à la rigueur dans chaque espèce consacrée, prise séparément, bien que la consécration du pain au corps du Christ n’implique pas encore nécessairement un corps sacramentellement séparé de l'âme ou du sang. Il faut donc, pour avoir une réelle et expresse représentation de la mort et de la passion du Sauveur que la double consécration vienne manifester sacramentellement la séparation du corps et du sang. Ainsi, et ainsi seulement, est rappelé d’une manière frappante la passion, par laquelle le corps a été immolé dans une effusion de sang qui est allé jusqu'à la mort effective. Il faut donc la double consécration pour donner au sacrifice eucharistique d'être la vive image du sacrifice sanglant du

' Calvaire.

2. Il faut ensuite considérer que le Christ a institué le sacrifice eucharistique en se servant lui-même de la double consécration. Bien plus, les formules qu’il employa marquent le mystère du sacrifice eucharistique. « Ceci est mon sang, qui est répandu en rémission des péchés. » Effusion réelle sur la croix ; à l’autel, effusion mystique, représentative de l’effusion réelle. Et c’est précisément ce sacrifice, avec la double consécration et sa signification mystique, que Jésus a ordonné à ses apôtres et aux prêtres de renouveler : « Faites ceci en mémoire de moi. » Et l'Église l’a ainsi compris, considérant, en fait, la double consécration comme nécessaire au sacrifice, et n’accordant jamais