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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/640

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MESSE, OBLATION ET IMMOLATION MYSTIQUE

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corps et du sang sacramentellement séparés sous les ces du pain et du vin. Sans doute, nous olïrons à la messe la victime autrefois immolée à la croix et, on le rappellera bientôt expressément, le sacrifice de la messe est essentiellement relatif au sacrifice du Calvaire. Mais il s’agit de savoir si cette oblation de la victime autrefois immolée n’implique pas, en outre et actuellement, une immolation nouvelle de la même victime, immolation non sanglante, mystérieuse et représentative de l’immolation sanglante de la croix. La réponse à cette question précise nous obligera non seulement à la discussion de l’opinion du sacrifice simple oblation, mais encore à une reconstitution positive. Une telle reconstitution, avec les arguments qui l’appuient, ne saurait s’imposer absolument. En une matière obscure où beaucoup d’opinions demeurent libres, on ne peut proposer qu’une simple discussion théologique, laquelle, espérons-le, fournira les éléments d’une synthèse nécessaire entre les deux aspects de la thèse traditionnelle, oblation et immolation mystique, aspects qu’on ne saurait disjoindre l’un de l’autre, et dont l’un ne saurait être accentué et mis en relief au détriment de l’autre. Mais notre réponse elle-même ne sera suffisante qu’autant qu’elle établira : 1° que le concept du sacriflce-oblation, pour être exact et complet, doit impliquer, à l’autel même, une nouvelle immolation du Christ, immolation non sanglante et, par conséquent, distincte de l’immolation sanglante de la croix ; 2° que cette immolation, pleine de mystère, possède une réalité objective dont la séparation des espèces sacramentelles n’est que la manifestation sensible ; 3° que cette immolation mystique n’est pas seulement la condition de l’oblation faite par le Christ de lui-même à l’autel ; mais que, comme l’oblation, elle appartient à l’essence du sacrifice.

1. Le concept du sacrifice-oblation pour être exact et complet, implique, à l’autel même, une immolation du Christ, immolation non sanglante et par conséquent distincte de l’immolation sanglante de la croix. — Les partisans du sacrifice-oblation, excluant (à bon droit d’ailleurs) une immolation « réelle », c’est-à-dire destructive, de Jésus-Christ à l’autel, admettent que l’idée d’immolation a été introduite dans le concept théologique du sacrifice de la messe uniquement par analogie lointaine avec les sacrifices de l’Ancienne Loi, dans lesquels « la destruction de la chose offerte, ou tout au moins son changement, tendait à signifier le souverain domaine de Dieu sur les êtres créés ou sa suprême justice à l’égard de l’homme pécheur ». Que cette destruction ou immutation soit apte à posséder une telle signification, nous en demeurons d’accord ; et que l’idée d’immolation ait été introduite dans le concept du sacrifice par analogie aux sacrifices anciens, nous n’en disconvenons pas. Mais là n’est pas et ne peut être le véritable fondement dogmatique de l’immolation que l’on affirme être requise pour la vérité du sacrifice eucharistique. Ce fondement dogmatique est ici et ne saurait être que l’enseignement authentique de l’Église. Or, sur l’immolation du Christ, dans le sacrifice eucharistique, le concile de Trente a fait une déclaration exprts.se, sess. xxii, c. il : Le même Jésus-Christ qui s’est offert lui-même sur l’autel de la croix avec effusion de sang, est contenu et immolé sans effusion de sang dans ce dioin sacrifice, gui s’accomplit à la messe. Ce texte, à moins d’en mutiler le sens obvie, est péremptoire, et il convient d’insister sur la distinction apportée par le concile entre l’immolation de la croix et l’immolation de l’autel : La première est sanglante, la seconde est sans effusion de sang, Iniruente immolatur qui in ara crucis… seipsum cruente obtulit ; l’immolation sanglante s’est faite une fois pour toutes, semel, l’immo lation non sanglante, à l’autel, par le ministère des prêtres, se renouvelle chaque jour, in olturi per sacerdotes quolidic immolatur : l’immolation sanglante est passée, seipsum cruente obtulit. l’immolation non sanglante est actuelle, et se reproduit chaque fois qu’est offert le sacrifice de la messe sous les espèces du pain et du viii, incruenle immolatur… seipsum ab Ecclesia per sacerdotes sub signis visibilibus immolandum.

Donc, s’il est exact de dire que la victime de l’autel n’est pas autre que celle du Calvaire et que Jésus-Christ continue à l’autel l’état victimal de la croix, il n’en faut pas moins affirmer que cet état victimal de la croix, remémoré, représenté, signifié sous la division des espèces sacramentelles, constitue, pour le Christ lui-même, une immolation nouvelle et dans un certain sens réelle. Ainsi s’expliquent les assertions conciliaires distinguant à la fois et unissant en la même victime la double immolation du Calvaire et de l’autel : Unit eademque victima, idem nunc offerens, qui seipsum in crucc obtulit, sola offerendi ratione diversa.

2. Ce premier point établi à l’aide des textes de Trente (sess. xxii, c. r, ii, et décret De observandis et evitandis in celsbratione missœ), il nous faut préciser que cette immolation pleins de mystère possède une réalité objective dont la séparation des espèces sacramentelles n’est que la manifestation sensible.

Le principe qui domine toute la’discussion est celui-ci : le sacrifice de la messe est un sacrifice essentiellement ordonné au sacrifice de la croix, dont il est la représentation, le mémorial, la reproduction : en conséquence, l’immolation de Jésus à l’autel, en relation essentielle avec, l’immolation de la croix, doit être conçue analogiquement à cette immolation sanglante ; elle possède donc une réalité, dont la nature mystérieuse ne nous est connue que par voie d’analogie avec l’immolation de la croix.

a) L’antécédent ressort des déclarations mêmes du concile de Trente : Quoique Jésus-Christ Notre-Seigneur Dieu dût une fois s’offrir lui-même à Dieu son Père en mourant sur l’autel de la croix pour y opérer la rédemption étemelle, néanmoins, parce que son sacerdoce ne devait pas être éteint par la mort, pour laisser à l’Église sa chère épouse un sacrifice visible (tel que la nature de l’homme l’exige), par lequel ce sacrifice sanglant, qui devait s’accomplir une fois sur la croix fût représenté, la mémoire en fût conservée jusqu’à la fin des siècles, et la vertu salutaire en fût appliquée pour la rémission des péchés quotidiens ; dans la dernière Cène, etc. Par ce texte de la session xxii, c. i, la messe nous apparaît comme la représentation, le mémorial du sacrifice sanglant, mais une représentation, un mémorial vivant, dont la vertu agissante applique les mérites du sacrifice de la croix. Bien plus, si l’on considère le sacrifice eucharistique du côté du prêtre principal et de la principale victime, Jésus-Christ, nous savons que le même Jésus-Christ qui s’est offert une fois lui-même sur l’autel de /" croix avec effusion de sang contenu et immolé sans effusion de sang dans le divin sacrifice qui s’accomplit à lu messe… ; que c’est le même qui s’offrit autrefois sur la croix, qui s’offre encore à présent par le ministère des prêtres, la seuls différence étant dans la manière d’offrir. Sess. xxii, c. n.

Ainsi donc, la messe n’a de réalité et de valeur que par la croix, et si Jésus-Christ n’avait été prêtre et victime au Calvaire, il ne pourrait réitérer son sacrifice à l’autel. Mais, nonobstant la diversité des immolations, ou plutôt, à cause même de cette diversité dans la manière dont elles sont réalisées, le sacrifice de Jésus, sanglant à la croix, non sanglant a l’autel, demeure un. Ce dogme de l’unité’I" sacrifice du Christ repose, on l’a vii, sur l’identité du principal prêtre et de la victime principale. C’est là la doctrine de saint