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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/645

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MUSSE, OULA.TION ET IMMOLATION MYSTIQUE


IV. COMMENT L’IMMOLATION MYSTIQUE SÏMBO.LISE LE* SENTI MENTS QDI ANIMENT A L’AUTEL L’AME SAINTE DE JÉSUS l’Ait RAPPORT AU SACRIFICE

eucharistique. — C’est, sous une forme mieux adaptée aux conclusions précédentes, la question de la préférence à accorder à l’une des trois opinions catholiques qu’il reste encore à examiner, savoir : celle de Vasquez, celle de Lessius-Gonet-Billuart, celle de Pasqualigo-Bossuet-Billot. Dans la discussion de ces opinions, nos traités et manuels font ordinairement abstraction de l'élément formel du sacrifice, savoir des sentiments de l'âme sainte de Jésus : c’est qu’ils sous-entendent toujours ce point de vue, résolu pour eux lors de la question du prêtre principal, offrant à l’autel le sacrifice eucharistique. Ils se contentent d’examiner l'élément matériel du sacrifice, et de rechercher comment l’immolation mystique produite par la double consécration donne à l’acte opéré sur l’autel le caractère de véritable sacrifice.

1° Vasquez, avec sa théorie du sacrifice purement relatif, pense que l’immolation mystique, c’est-à-dire la séparation sacramentelle du corps et du sang, est uniquement une représentation sensible de la séparation réelle qui s’est produite jadis sur la croix entre le corps et le sang du Sauveur. En même temps que sur l’autel est réalisée cette séparation mystique, représentative de la mort du Christ, Notre-Seigneur, par cette représentation même, rend hommage au droit de vie et de mort que Dieu a sur tous les hommes, et imprime ainsi à la séparation mystérieuse du corps et du sang le caractère de vrai sacrifice. Disp. CCXX1I, c. vii, viii, ix. Cf. col. 1149 sq.

La théorie du sacrifice relatif est exacte à condition de n'être pas exclusive. La messe est plus qu’une représentation ou qu’un sacrifice purement relatif. Sans doute, elle possède une relatio î essentielle au sacrifice de la croix, dont elle est inséparable. Mais nous pensons avoir suffisamment démontré que l’immolation mystique à la messe n’est pas purement représentative. Elle est tout d’abord, et ensuite elle est représentative de l’immolation sanglante, précisément parce qu’elle est en elle-même. De Lugo, De eucharistia, disp. XIX, n. 51, n’a pas de peine à montrer que Vasquez se trompe lorsqu’il invoque en faveur de son système l’autorité des Pères. Tous les Pères, sans doute, affirment que le sacrifice de l’autel est commémoratif de celui de la croix ; mais cela, personne ne le 'nie. Aucun d’eux cependant n’affirme que la messe est un sacrifice, précisément et uniquement parce qu’elle est représentative de l’immolation sanglante du Calvaire. L’explication vasquézienne pèche donc par défaut, et, pour corriger ce défaut, il ne suffit pas d’aîflnnar que la présence réelle du corps et du sang du Christ suffit à donner à cette représentation un caractère sacrificiel. Sans discuter la valeur de cette assertion au nom du concept marne du sacrifice, il suffi p a d’invoquer ici l’autorité du concile de Trente, lequel déclare, à deux reprises, que la messe comporte une immolation nouvelle du Christ : Nouum instituit Pasch i sa ipsum ab Ecclesia per sacerdotes sub signis visibilibus immolanium. Sess. xxii, c. i, Denz.Bannw., n. 9 5H ; et : In hoc divino sacrificio… idem Me Christus continetur et incruente immolatur. I bid., c. ii, n. 940.

Quelque effort qu’ils aient accompli en faveur de la thèse vasquézienne, les partisans contemporains de ce système ne sont pas parvenus à combler la lacune signalée avec tant de force par De Lugo. Vasquez admit l’immolation mystique ; mais, en réalité, son explication ne tient compte que de la représentation sensible qu’elle comporte.

2° La réalité de l’immolation mystique, affirmée par le concile de Trente, au sens où nous l’avons exposée,

est à coup sûr sauvegardée par la théorie thomiste de l’immolation virtuelle (Lessius-Gonet-Billuart-Hugon). -Mais si la thèse de Vasquez pèche par défaut, ne peut-on pas dire de la thèse de l’immolation virtuelle qu’elle "pèche par excès ? Le glaive qui devrait séparer le corps du sang si la chose était possible, semble bien n'être qu’une belle métaphore.

En effet, on ne saurait admettre que l’action consécratoire tende de sa nature à séparer réellement le corps du sang. D’abord il faudrait pour cela que, par elle-même, cette action exclue le sang du corps sous les espèces du pain, et le corps du sang sous les espèces du vin. Or, la loi de la concomitance démontre la fausseté d’une telle assertion. Ensuite, et c’est là un argument péremptoire, l’action consécratoire n’atteint pas le Christ lui-même, mais seulement la matière consacrée. Cela posé, nous nous trouvons en face de deux hypothèses : ou bien le sang du Christ est présupposé réellement uni à son corps avant la consécration ; ou bien il est présupposé réellement séparé. S’il est déjà réellement séparé, il ne sera pas séparé par la vertu des paroles consécratoires ; s’il est réellement uni, la consécration qui, par son action propre, n’atteint pas et ne saurait atteindre le Christ lui-même, ne pourra en aucune façon, par sa même action, opérer, dans cette humanité, une division des parties unies entre elles. Il faut donc, semble-t-il, laisser de côté une explication qui présente la messe comme un effort tendant vainement à l’occision du Christ ; et les paroles de la consécration ne doivent pas, en toute propriété des termes, être comparées à un glaive qui, par lui-même, porterait la mort en divisant le corps et le sang. Cf. Ch. Héris, O. P., Le Mystère du Christ, Pariî, 1928, p. 353. — Les objections résolues par le P. Hugon, La sainte eucharistie, p. 312-314, n’atteignent pas le fond de la difficulté. Cf. Tractatus dogmatici, t. iii, p. 477-479.

3° L’explication de Salmeron, précisée par Pasqualigo et reprise par Bossuet, le cardinal Billot et nombre de théologiens contemporains, s’efforce de tenir un juste milieu. D’une part, elle affirme la réalité de l’immolation non sanglante à l’autel, essentiellement représentative de l’immolation sanglante de la croix, mais possédant son existence propre dans le corps et le sang séparés sacramentellement ; d’autre part, la séparation qu’elle proclame entre le corps et le sang est une séparation mystérieuse et d’ordre surnaturel, et qui, par conséquent, ne tend nullement de sa nature propre à la séparation physique et naturelle du corps et du sang. La métaphore du glaive est ici reçue dans le seul sens qu’on lui peut accorder, puisqu’il ne s’agit que d’une séparation mystique. Et c’est là, semble-t-il, la seule interprétation possible des paroles de l’institution du sacrifice. Par ces paroles, en effet, le Sauveur déclare à ses apôtres : Ceci est mon corps, qui est donné pour vous, Luc, xxii, 19 ; ceci est mon sang qui est répandu pour vous. Matth., xxvi, 28. Or, dire que le corps du Christ est donné pour nous dans l’eucharistie, que son sang y est répandu pour nous, ne signifie pas autre chose, en réalité, que l’oblation faite à Dieu pour nous du corps et du sang sacramentellement séparés. Il s’agit ici, en effet, d’une chose offerte rendue sensible uniquement par les paroles prononcées à la consécration et par les espèces sacramentelles qui la recouvrent. Par la consécration, le Christ — qui est cette chose offerte — devient présent sur l’autel, le corps sacramentellement séparé du sang sous l’espèce du pain, le sang sacramentellement séparé du corps sous l’espèce du vin ; en tant que rendus extérieurement sensibles par les paroles et par le sacrement, ni le sang n’existe sous l’espèce du pain, ni le corps n’existe sous l’espèce du vin. De cette séparation sacramentelle résulte pour le Christ lui-même un revêtement de mort et de