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MESSE EN ORIENT, DEVELOPPEMENT DES RITES


et la distribution des choses sacrées. » Hier, eccles., c. iii, § iii, 12, P. G., t. iii, col. 441-444.

Sévère d’Antioche n’est pas moins explicite que saint Jean Chrysostome à affirmer le rôle principal du Christ pontife dans la célébration de la messe : « Le prêtre qui se tient à l’autel ne joue le rôle que d’un simple ministre. Prononçant les paroles comme en la personne du Christ et reportant l’action qu’il accomplit au temps où le Sauveur institua le sacrifice en présence de ses disciples, il dit sur le pain : Ceci est mon corps, qui est livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. Sur le calice il prononce ces mots : Ce calice est le Nouveau Testament en mon sang, qui est répandu pour vous. Ainsi donc, c’est le Christ qui continue à offrir le sacrifice, et la puissance de ses divines paroles sanctifie les éléments, qui sont apportés pour être transformés eu son corps et en son sang. » E. Brooks, The sixth book of the sélect letters of Severus, patriarch of Antioch, t. ri, Londres, 1904, p. 237-238.

Dans sa Lettre au prêtre Thomas, Jacques d'Édesse résume brièvement les prières et les rites de la liturgie syriaque. Il parle du sacrifice mystique et non sanglant du corps etdu sang du Fils unique offert à Dieu comme hostie, de propitiation pour les âmes fidèles. Il dit fort bien que toute la messe « a pour but de commémorer ce que Jésus-Christ a fait pour nous ». Il considère l’oblation comme terminée après les commémoraisons qui suivent l'épiclèse : Sed et precatur illapsum Spiritus Sancti : mox peragit commemorationes, in quibus oblatio absolvitur. Th. J. Lamy, Dissertatio de Syrorum fide et disciplina in re eucharistica, Louvain, 1859, p. 230-232. Jean de Dara, au viiie siècle, répète la doctrine de Sévère sur les paroles dominicales. Lamy, ibid., p. 36. Au xii 9 siècle, Denys Bar Salibi, dans son Commentaire de la messe, résumera ses prédécesseurs. Dioysius Bar Salibi : Expositio liturgise, édit. J. Labourt, dans le Corpus script, christ, orient., Script, syr., t. xciii, Paris, 1903.

La doctrine des Coptes nous est suffisamment manifestée par les trois liturgies dont ils se servent, et qui remontent sûrement à la période patristique. La liturgie dite de saint Grégoire présente cette particularité que l'épiclèse qui suit les paroles du Seigneur est adressée directement à Jésus-Christ. C’est à lui que la consécration est expressément attribuée : Quisanctiflcasti has oblationes propositas, et fecisti illas invisibiles ex visibilibus. Cf. Renaudot, Liturgiarum ortentalium collectio, éd. de 1847, Francfort-sur-le-Mein, t. r, p. 3134.

La liturgie arménienne, dérivée des liturgies grecques de saint Jacques et de saint Jean Chrysostome, abonde, comme toutes les liturgies, en affirmations dogmatiques sur l’eucharistie, sacrifice de la Nouvelle Alliance, offert pour les vivants et pour les morts. Chosrov le Grand, qui la commente, au xe siècle, insiste sur le rôle de Jésus prêtre principal, à la manière de saint Jean Chrysostome et de Sévère d’Antioche. Cf. P. Vetter, Chosrose Magni, episcopi monophijsitici, explicatio precum misssee lingua armeniaca in latinam versa, Fribourg-en-Brisgau, 1880 ; S. Salaville, Consécration et épiclèse d’après Chosrov le Grand, dans les Échos d’Orient, 1911, t. xiv, p. 1016.


III. La. doctrine sur le sacrifice de la messe ET LE DÉVELOPPEMENT DES RITES LITURGIQUES.

C’est surtout à partir du ive siècle que les liturgies orientales se diversifient et s’enrichissent dé nouvelles formules et de nouvelles cérémonies. Ces prières et ces cérémonies ont souvent une portée dogmatique, et traduisent, mieux peut-être que les textes des Pères et des docteurs, la pensée de l'Église. Il ne saurait être ici question d’entrer dans un examen détaillé des formules et des gestes symboliques qui

composent la trame des messes orientales. Voir Orientales (liturgies). Nous allons nous borner à attirer l’attention des théologiens sur quelques expressions et quelques rites particulièrement significatifs.

Remarquons d’abord que, dans presque toutes les liturgies orientales, la mémoire de la résurrection du Sauveur est associée à la mémoire de sa passion, à la fin de la formule de consécration du pain. On fait dire à Notre-Seigneur : Toutes les fois que vous mangez de ce pain et que vous buvez à ce calice, vous annoncez ma mort et vous confessez ma résurrection, tov éfxôv Gxvatov xaTXYY£^eT£> tt)v èjrrçv àvâerracRv ôpioXoYSÏTe. Sans doute, dans la prière qui suit, on rappelle non seulement la résurrection, mais aussi l’ascension et même le second avènement du Sauveur au dernier jour ; mais la résurrection est l’objet d’une mention spéciale pour bien montrer que la divine victime de l’autel est dans son état glorieux et qu’elle ne peut être immolée que d’une manière symbolique. C’est vraisemblablement pour signifier la résurrection que, dans toutes les liturgies, on rencontre le rite de la mixtion des deux espèces, précédée de la fraction de l’hostie, qui représente le crucifiement. Ce double symbolisme est expressément marqué dans VOrdo communis de la liturgie syriaque, Renaudot, op. cit., t. ii, p. 22 ; cf. aussi Eutychius de Constantinople, Sermo de paschate, P. G., t. lxxxvi b, col. 2396 A : r xlâaiç toû àpTou toû Ttptiou tyjv cr-payYjv S7)XoL Dans la liturgie copte de saint Basile, la résurrection est appelée le complément du sacrifice mystique : Confitemur passio-nem ejus salutarem, mortem ejus annunciamus, credimusque ejus resurrectionem, mysterii complementum. Renaudot, t. i, p. 21.

La messe byzantine présente plus d’une particularité intéressante. Sur la fin de la période que nous étudions, apparaissent les rites assez compliqués de l’avant-messe ou préparation des oblats. L’idée principale qui s’en dégage est que la messe est la reproduction mystique de sacrifice de la croix. Le prêtre, prenant de la main gauche un pain ou irpocrcpopâ, et tenant la lance de la main droite, fait un triple signe de croix sur le pain avec la lance en disant à chaque fois : En mémoire de Notre-Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Puis il plante la lance dans le côté droit de la CT’f payîç ou empreinte carrée gravée sur le pain, et coupe en disant : Comme une brebis, il a été conduit à la boucherie. Il fait la même opération dans le côté gauche de l’empreinte, en disant : Et comme un agneau sans tache, muet devant celui qui le tond, il n’ouvre pas la bouche ; puis dans la partie supérieure, en disant : Dans son humilité, son jugement a été exalté. Introduisant en biais la lance du côté droit de la prosphora, il enlève le saint pain (qu’il doit consacrer et que les liturgistes appellent souvent l’agneau) en disant : Sa vie est enlevée de la terre. Le diacre : Immolez l’agneau. Le prêtre immole l’agneau, c’est-à-dire qu’il l’entaille assez profondément en forme de croix, en disant : L’Agneau de Dieu est immolé, qui enlève le péché du monde, pour la vie et le salut du monde. Puis il retourne le pain de manière à avoir en haut l’empreinte de la croix, et le diacre ayant dit : Percez, Seigneur, il perce le pain avec la lance du côté droit juste sous les lettres I S, en disant : Un des soldats lui perça le côté de sa lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. Ces rites réalistes pratiqués sur le pain de l’oblation, avec les paroles qui les accompagnent, en disent assez long sur la relation entre le sacrifice de la messe et celui de la croix. Cf. S. Pétridès, La préparation des oblats dans le rite grec, dans les Échos d’Orient, 1900, t. iii, p. 65-78. C’est aussi au même symbolisme qu’il faut rapporter, d’après certains auteurs, la curieuse pratique de verser quelques gouttes d’eau chaude dans le calice, un