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1843 MIRACLE, CONSTATATION DU CARACTÈRE SURNATUREL 1844

Dieu pour auteur. - Certains effets atteignant dans les créatures lu raison d'être eu tant que telle, ne sauraient avoir d’autre cause que la cause suprême et universelle. Ainsi, la production de l'être par voie ilr création (S. Thomas, I q. xi.v. a. ">) ; la production ou l' immutation de la matière première (I a, q. cv, a. 1). les changements affectant la substance matérielle d’une manière immédiate, c’est-à-dire en l’absence de toute action exercée d’abord sur les accidents (cf. supra, et q. ex, a. 2) ; à plus forte raison la production d’une nouvelle substance en l’absence de toute disposition à la nouvelle forme. La création de l'âme étant l'œuvre exclusive de Dieu, tout changement affectant la substance de l'âme requiert la causalité divine ; donc nulle âme ne peut être réunie à son corps que par une intervention propre de Dieu. Dieu seul peut mouvoir ab intrinseco l’intelligence vers le vrai, la volonté vers le bien, donc les grâces appartenant à la prophétie, à la révélation des secrets du cœur, à la conversion soudaine du pécheur, ne peuvent avoir que Dieu pour auteur. Or, d ?s faits dont le caractère surnaturel et divin sont indiscutables se rencontrent dans les différentes catégories de miracles. Ainsi, parmi les miracles quoad substantiam fæti, la transsubstantiation, quoique phénomène invisible, est très certainement un miracle, parce que l’intervention divine seule peut réaliser cette conversion sans exemple dans les conversions naturelles de toute la substance du pain en toute la substance du corps de Jésus-Christ, les accidents du pain demeurant sans changement. Cf. S. Thomas, Sum. thcol., III", q. lxxv, a. 4, ad 3 UI " ; la compénétration de deux substances corporelles dans le même lieu : par exemple, quand. après sa résurrection, le Christ pénètre dans le oénacle. januis clausis (Joa., xx, 26) ; cf. Suppl., q. lxxxiii, a. 3 ; la transfiguration glorieuse du corps des élus après la résurrection, parce que cette glorification du corps dérive, contrairement aux exigences du corps, de la gloire de l'âme, gloire intrinsèquement surnaturelle. III", q. xlv, a. 2. Parmi les miracles quand subjectum in quo fiunt, signalons comme possédant un caractère évidemment surnaturel et divin la résurrection d’un mort, la matière cadavérique ne présentant pas les dispositions naturelles nécessaires à l’information par l'âme ; cf. Suppl., q. lxxv, a. 3 ; De potentiel, q. vi, a. 7, ad 1'" » et ad 11° 1 " ; la restitution de la vue à un aveugle, entendons à celui qui est certainement aveugle. Or, la Cécité congénitale dont il est question dans l'évangile, Joa., x, 32, doit être cataloguée parmi les cécités certaines. Parmi les miracles quoad modum quo fiunt, le changement subit de l’eau en vin décèle évidemment une intervention divine, car elle se fait instantanément sans aucune modification préalable des accidents. Cf. In IV Sent., I. II, dist. XVIII, q. i, a. 3, ad l" m ; I. IV, dist. XVII, q. i, a. 5, sol. 1. Il faut en dire autant de la multiplication des pains, qui suppose ou une création de matière nouvelle ou un changement instantané d’autre matière en la matière du pain. Cf. III 1, q. xi.iv, a. I. ad 1'"". comparé avec [ », q. xcii, a. 3. ad l" 1 " : In Matthcei evangelium, c. xiv, n. 2.

Ainsi donc, sans enquête scientifique, avec le simple raisonnement du bon sens, un certain nombre des miracles ont pu être constaté, non seulement qliant à la matérialité du fail, mais encore quant à leur origine divine. Celle constatation toutefois requiertelle le secours d’une grâce divine ? Problème spécial qui sera examiné plus loin, voir col. 1853.

2. l’our d’autres faits extraordinaires, leur caractère surnaturel et divin se déduit de l’ensemble des circonstances physiques et mondes qui les conditionnent. Il s agit ici, principalement, des miracles de guérison,

si nombreux dans l'Évangile et au cours des siècles de l’histoire « le l'Église. Certains de ces etïets apparaissent bien, de prime abord, dépasser les forces des agents visibles ; car la liberté avec laquelle agit l’auteur du prodige montre bien qu’il ne saurait être question d’une force de la nature matérielle, par hypothèse toujours déterminée ad unum..Mais, cela reconnu, il n’est pas encore certain que le fait provienne de Dieu ; car il peut avoir pour auteur un esprit angélique ou démoniaque. C’est donc par l’ensemble des circonstances qui conditionnent le miracle que l’on pourra discerner son origine réelle, et le classer comme surnaturel divin, ou comme préternaturel diabolique. Et, lorsqu’il s’agira d’une origine surnaturelle et, en dernière analyse, divine, il sera encore très fréquemment difficile d'établir si Dieu est intervenu lui-même immédiatement, ou si un ange n’a pas pu, avec la permission de Dieu, réaliser le prodige.

Notre méthode de constatation est indiquée par saint Thomas, In I /""> Sent., dist. Vif, q. ni, a. 1, ad 2°" 1.

Ces prodiges accomplis par les bons, déclare le saint Docteur, se distinguent (les prodiges accomplis par tes mauvais, au moins de trois façons : premièrement, par l’efficacité de lu vertu opérante, car souvent les bons esprits reçoivent (le Dieu un surcroit de puissance pour accomplir des miracles, dépa*sant en réalité leur puissance naturelle ; ainsi, un ange pourra, par la vertu divine, ressusciter un mort, ce que ne pourra jamais le démon, lequel tout au plus peut donner à un corps, et pour un temps très bref, l’apparence de la vie. Deuxièmement, par l’utilité des miracles : les miracles accomplis par les bons ne peuvent qu’apporter du bien à ceux qui en bénéficient : telles, les guérisons de malades. Ces prodiges des mauvais sont entachés de nocivité ou de vanité : par exemple, il s’agit de voler en l’air ou di" frapper d’impuissance les membres humains. Une troisième différence enfin est marquée par la fin à laquelle sont ordonnés ces prodiges : les prodiges debons visent à l'édification de la foi et des bonnes mœurs ; les prodiges des méchants ne cherchent au contraire qu'à nuire à la foi et aux mœurs. Ht, par surcroit, les bons opèrent les mira.-les en invoquant avec piété et respect le nom de Dieu ; les mauvais emploient des procédés fanatiques…

Benoît XIV déclare, en prenant exemple des « miracles » du cimetière Saint-Médard, que les faux miracles doivent être discriminés des vrais, effîcacia, utilitate. modo, fine, persona et occasione. De beuti/icatione servorum Dei, I. IV, c. vii, n. 14-22.

< ;) Xous avons parlé des circonstances physiques : l’examen de ces circonstances est nécessaire dans la constatation du caractère surnaturel des guérisons extraordinaires. Benoît XIV. op. cit., c. viii, exige que 1° la maladie soit grave et, sinon inguérissable, du moins difficilement guérissable ; 2° qu’elle ne soit pas arrivée à son déclin ; 3° qu’on n’ait pas employé de médicaments ou bien que les médicaments aient été inelficaces ; 4° que la guérison soit subite ; 5° qu’elle soit parfaite ; (5° qu’aucune amélioration notable, qu’aucune crise n’ait précédé ; et enfin 7° que la guérison soit définitive. Benoît XIV examine ensuite dans le détail un certain nombre d’espèces et de cas de guérisons. Ces grandes ligues, dictées par la prudence théologique en matière de constatation du miracle, sont demeurées la règle suivie par toutes les coin missions médicales ou ecclésiastiques chargées de la constatation des miracles de guérison. A Lourdes, notamment] les sages directives du grand canoniste demeurent à la base de toutes les observations, et les différents ouvrages écrits sur le discernement du miracle de guérison, s’y réfèrent en substance et en soni le développement.

Cf. (i. llertrin, Histoire critique des événements de Lourdes,

Paris, t'.H2 ; Lourdes (Le fait de), danle Dictionnaire apolo-