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    1. MODERNISME##


MODERNISME, APPARITION

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temps et des lieux. « Pour être, à toutes les époques, ce que Jésus a voulu que fût la société de ses amis, elle a dû être ce qu’elle a été ; car elle a été ce qu’elle avait besoin d’être pour sauver l’Évangile en se sauvant elle-même, p. 94. De cette adaptation vitale procèdent les formules successives de ses dogmes, le développement progressivement centralisateur de ses institutions hiérarchiques, l’épanouissement de ses rites sacramentels. Tout cela ne tendait qu’à faire vivre la foi primitive selon que l’exigeaient les circonstances. « Développement …fatal, donc légitime en principe >, p. 170, et qui laisse d’ailleurs subsister une identité foncière d’esprit. « Jésus et l’Église ont ks yeux levés dans la même direction, vers le même symbole d’espérance », p. 114. En histoire, il n’est pas besoin d’autre justification : « Tout ce en quoi l’Évangile continue de vivre est chrétien », p. 83.

Cette expérience du passé montre qu’il faut mettre l’essence du christianisme dans le devenir et non dans la fixité. D’où l’on peut conclure à la possibilité, voire même à la vraisemblance, de nouveaux développements. Les dogmes de l’Église étant « en rapport avec l’état général des connaissances humaines dans le temps et le milieu où ils ont été constitués », il s’ensuit « qu’un changement considérable dans l’état de la science peut rendre nécessaire une interprétation nouvelle des anciennes formules », p. 164. D’autant que la raison nous avertit qu’en regard de « la vérité éternelle », p. 144, toutes ne peuvent être que des symboles. A cet égard, « les formules dogmatiques sont dans la même condition que les paroles du Sauveur », p. 167 : « leur valeur tient au sens qu’on y attache », p. 188.

Telles étaient les principales positions de ce livre complexe, où l’apologie de l’Église coïncidait avec la négation de ses origines évangéliques, où le christianisme ne s’imposait plus qu’au titre de l’évolution historique et du symbolisme le plus radical, mais où le ton adopté par l’auteur pouvait faire des dupes, et à la première heure ces dupes ne se comptèrent pas.

2. « Autour d’un jietit livre. », - Pour répondre aux questions de ses amis et aux critiques de ses adversaires, A. Loisy publiait, en octobre de l’année suivante, ce nouvel ouvrage, où le premier « petit livre » serait « complété sur certains points qu’on y a seulement effleurés », p. vu. Ces compléments étaient, en réalité, de notables aggravations.

Après avoir revendiqué la liberté de sa plume contre les exigences de l’Imprimatur ecclésiastique, l’auteur dénonçait les ravages de la critique parmi les esprits cultivés, et réclamait le bénéfice de l’intention apologétique qui avait inspiré L’Évangile et l’Église. Puis, sous forme de lettres adressées à divers personnages, il en reprenait pour les expliquer les principaux chapitres.

lui vue de justifier la genèse de son œuvre, il exposait l’état actuel de la question biblique et, en particulier, les résultats destructifs de la critique au sujet île l’autorité des Évangiles. Celle double exposition était dédiée, avec toutes les formes d’une impertinence voulue, à deux des évêques qui l’avaient censuré : le cardinal l’erraud, évêque d’Autun, el.Mgr Le Camus, évêque de l.a Rochelle. En dehors de leur intérêt polémique, ces deux lettres ne faisaient guère qu’accuser le radicalisme de leur auteur sur la valeur et l’interprétation des sources évangéliques, Ce qui lui permettait de maintenir sa conception tout escha tologique du message de Jésus.

Plus doctrinale, la troisième lettre, destinée à Mgr Mignot, archevêque d’Albi, portait sur la divinité de Jésus-Christ. Il en ressortait que cette formule était une Interprétation en langage grec de la primi tive foi messianique et qu’au total « le Christ est Dieu pour la foi », p. 155. Une quatrième lettre établissait pareillement que, non perceptible à l’histoire, « l’institution divine de l’Église est un objet de foi ». p. 161. 1, ’origine des sacrements était rattachée au même système. Cette distinction entre l’empirisme historique et l’interprétation mystique de la foi. devenait une pièce capitale dans la construction de l’auteur.

Mais quelle était la signification de cette foi ? La cinquième lettre permettait de s’en rendre compte, en formulant de la manière la plus explicite la théorie du symbolisme. Dans la révélation, qui » n’a pu être autre chose que la conscience acquise par l’homme de son rapport avec Dieu », p. 195, et dans les dogmes qui en sont la traduction postérieure, on ne peut voir que « des symboles imparfaits », à travers lesquels on saisit néanmoins, p. 197-199, des « directions permanentes dont la vérité n’est pas moins incontestable que leur efficacité morale et dont la forme n’est pas plus immuable que la condition de l’humanité ». Aussi l’auteur d’esquisser çà et là, p. xxiv-xxv et 154, la révision qui lui semblait s’imposer des principaux dogmes chrétiens.

D’une manière plus discrète mais significative, A. Loisy touchait également à la réforme ecclésiastique. L’autorité étant un service, la hiérarchie devait ménager les droits des individus et Rome, p. 181, « atténuer les formes quasi-despotiques dont son gouvernement s’est entouré, à l’instar des gouvernements humains qui maintenant sont contraints de les abandonner peu à peu ».

Comme dans L’Évangile et l’Église, l’auteur ne cessait, au demeurant, d’affirmer son loyalisme catholique. Au prix d’une refonte dogmatique et pratique dont ces deux ouvrages esquissaient le programme, non sans l’encadrer dans un vaste système de philosophie religieuse et le surcharger de maintes diversions polémiques, il ne s’agissait que de mieux harmoniser l’Église avec les résultats de la science et les aspirations générales du temps présent. Nulle part le modernisme n’a trouvé de plus complète et de plus fidèle expression.

3° Modernisme théologique : G. Tyrrell. — A l’entreprise de l’exégète français le jésuite anglais G. Tyrrell (1861-1909) vint apporter un puissant et tenace renfort.

Porté par son propre mysticisme à faire prédominer l’intuition sur l’intelligence et retenant de ses origines protestantes une forte propension à l’individualisme, initié par Fr. von Hugel à l’école française du dogmatisme moral, puis à la critique d’A. Loisy, dont les conclusions les plus radicales s’imposèrent de prime abord à lui comme définitives, il allait tirer de ces diverses sources les éléments d’une synthèse religieuse personnelle, dont il se ferait, sa vie durant, l’infatigable propagateur. Voir sur lui M. D. Petre. Autobiography and li/e of George. Tyrrell, Londres. 1912, complété par G. Tyrrell’s letters, Londres, 1920, et, du côté protestant, R. Goût, L’affaire Tyrrell, Paris, 1910. Son rôle semble avoir été d’organiser, en un système vivant, la théologie dont les travaux scientifiques de ses maîtres français contenaient les matériaux épars.

1. Œuvres clandestines. - A peine esquissée dans quelques articles de revue dont l’avenir seul montrerait la portée, la nouvelle orientation qu’il croyait devoir imprimer à la doctrine catholique, commença liais’exprimer dans deux publications ésoteriques, où il se dissimulait sous des noms fictifs : D r Ernest Engels, Religion as a jætor o li/e, Exeter (1902), puis Hilaire Bourdon, The church and the future, sans nom de lieu, 1903.