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MODERNISME, APRÈS LA CONDAMNATION


longuement l’erreur qu’elle entend proscrire. De bonne heure, les adversaires de Pie X l’ont accusé de créer par là un modernisme de convention, dont l’histoire ne connaîtrait pas de trace. Il est certain que l’encyclique se présente elle-même comme une œuvre de schématisation. De ce chef, il n’y a pas lieu de lui chercher de sources précises, comme l’a fait A. Loisy, quitte à lui reprocher de les trahir. Le pape n’a pas prétendu reproduire un système qui aurait préexisté sous cette forme, mais bien dégager par abstraction une idée générale incluse en de multiples cas individuels.

Or du modernisme typique ainsi reconstitué qui voudrait mettre en doute que tous les éléments ne fussent alors o dans l’air » ’? Dès le premier jour, A. Loisy a lui-même pris soin de démêler, avec une suffisante exactitude, la part qui revient dans cette synthèse à ses propres constructions critiques, à la philosophie immanentiste de G. Tyrrell et au pragmatisme suggéré par Éd. Le Roy. Les analyses postérieures du mouvement doctrinal qui s’accentuait en ce début du xxe siècle n’ont fait que justifier toujours mieux ce témoignage de l’un des principaux intéressés. « Que si, à travers la composition et la fusion scolastique des parties, on pénètre jusqu’au noyau, a écrit le protestant J. Kûbel, Geschichte des kath. Modcrnismus, p. 170, on voit que l’encyclique a très exactement présenté les idées principales des diverses fractions modernistes. » Tout en faisant ses réserves sur bien des détails, Miss Petre, Modernism, p. 115, ne peut, elle aussi, s’empêcher d’admettre la justesse ce qu’elle nomme « l’appréhension du mouvement dans sa totalité ».

Il est, du reste, suffisamment clair, au premier coup d’oeil, que le modernisme décrit par le document pontifical constitue un système, non seulement anticatholique, mais destructeur du christianisme et de la religion elle-même. En le condamnant, l’encyclique Pascendi eut pour résultat de dissiper les équivoques d’une situation particulièrement confuse, et de mettre in luto les principes constitutifs du surnaturel chrétien, à rencontre de la plus radicale volatilisation qui les ait peut-être jamais menacés.

V. Polémiques pour et contre le modernisme. — Au premier abord, la condamnation du modernisme sembla plutôt charger de nouveaux nuages l’atmosphère qu’elle devait éciaircir.

Résistance du modernisme.

 Tandis, en effet,

que jusqu’ici le modernisme s’était plutôt dissimulé, on le vit, à partir de ce moment, se dresser en parti d’opposition, cependant que, dans sa lutte ouverte contre l’Église, lui venaient les concours empressés du dehors.

1. Groupes et pamphlets modernistes.

Dans tous les pays, les tenants avérés du modernisme s’efforcèrent de créer dans l’opinion catholique un courant de protestation.

a) lui France. - Sous le coup de foudre des documents pontificaux, tous ceux, et c’était le plus grand nombre, qui n’avaient péché que par imprudence, n’eurent pas d’hésitation, non seulement à se soumettre sauf, pour quelques-uns, à témoigner momentanément d’une certaine humeur, comme le fit G. Fonsegrive dans le Temps du 28 septembre 1907, - mais à réagir contre le modernisme dont ils avaient éle les dupes plutôl que les adeptes.

En même temps, au lieu de prolonger l’équivoque, A. Loisy prenait le parti de la révolte publique. Cette attitude s’affirma dans les Simples réflexions sur le décret du Soi ni -Office… et sur U encyclique « l’ascendi i, qui virent le jour dés la fin de janvier 1908, Sous prétexte d’instituer une enquête critique sur les sources de ces deux pièces, l’auteur y dénonçait avec violence

les altérations et les contresens dont les théologiens du Saint-Siège se seraient rendus coupables à l’égard des modernistes en général et de lui-même en particulier, tout en avouant avoir nourri le projet d’une « réforme » catholique beaucoup plus grave et plus profonde que le pape ne l’avait aperçu. Ce pamphlet connut un certain succès polémique, mais ne pouvait que faire perdre à son auteur les derniers appuis qu’il comptait encore dans l’Église. La rupture fut consommée par le décret d’excommunication majeure, qui survint le 7 mars.

Comme pour justifier ce verdict, A. Loisy publiait en volume, l’année même, Quelques lettres sur des questions actuelles, afin d’établir que la perte de la foi remontait chez lui à plusieurs années en arrière. Esquisse de la douloureuse autobiographie qu’il devait écrire un peu plus tard à l’appui de cet aveu. Sans quitter le terrain de la critique religieuse et des origines chrétiennes, ses publications ultérieures n’ont plus obéi qu’aux inspirations du rationalisme.

Quelques écrivains pseudonymes entreprenaient néanmoins de galvaniser la cause moderniste désertée par son principal initiateur. Dans Le catholicisme de demain, Paris, 1908, « Jehan de Bonnefoy » invitait à compter sur le futur pape. Plus violent, « Catholici, dans Lendemains d’encyclique, Paris, 1908, opposait aux censures pontificales les droits de la critique et assurait que les modernistes, résolus à sauver l’Église contre elle-même, resteraient malgré tout dans son sein pour y travailler plus que jamais à sa nécessaire régénération. Faibles indices, à tout prendre, mais qui dénotaient, chez quelques modernistes impénitents, l’intention de ne pas abandonner le combat.

b) A l’étranger. — Beaucoup plus forte et plus durable allait être la réaction du modernisme dans les autres pays.

En Angleterre, G. Tyrrell faisait front contre l’encyclique par deux lettres publiées dans le Times du 30 septembre et du 1° octobre. Un article sur « l’excommunication salutaire », donné à la Grande Revue, 10 octobre 1907, p. 661-672, définissait la position que, sans quitter l’Église, il entendait garder à l’endroit de ses censures. Privé des sacrements à la date du 22 octobre, il ne cessa plus d’afficher cette attitude de pieuse insoumission et de l’entretenir par tous les moyens chez ceux qui l’adoptaient ailleurs.

Son activité publique était considérable. Outre maints articles de revue, il publiait, en réponse au cardinal Mercier, une apologie du modernisme, intitulée Mcdianmlism, Londres, 1908, que soutenait une vive critique de l’absolutisme pontifical. Un nouvel exposé de ses vues religieuses était déjà prêt pour l’impression, lorsqu’il mourut le 15 juillet 1909. Ces novissima verha parurent en novembre sous le titre de Christianity at the cross-roads (Le christianisme à la croisée des chemins). On y trouve le parfait programme d’un individualisme mystique de plus en plus détaché des dogmes et des rites.

Il faut ajouter qu’en tout cela G. Tynvll avait toujours conservé l’appui de l-’r. von Hiigel, qui ne devait se raviser que beaucoup plus tard A l’un et à l’autre, l’élite intellectuelle du catholicisme anglais a dû de connaître un malaise qui fut parfois funeste à quelques anciens convertis.

En Italie, le modernisme jetait feu et flamme avec ostentation. Sans doute S. Minocchi abandonnait l’Église avec éclat, des le début de 1908, et H. Murri, après une soumission momentanée, finissait par encourir l’excommunication le 22 mars 1909. Mais

d’autres restaient fidèles à la méthode d’insurrection

intérieure. Dès le 28 octobre 1907. paraissait à Home une réponse anonyme à l’encyclique qui s’intitulait fièrement : Il programma del modernisa, et que sui-