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MYSTÈRE, INTELLIGENCE


Prop. 96. — Omnes artiTous les articles de foi,

culi fidei et Ecclesiæ sacrales sacrements de l'Église et

menta ac potestas papæ posle pouvoir du pape peuvent

sunt probari, et probantur être prouvés et sont prouvés

per rationes necessarias, depar des raisons nécessaires,

monstrativas, évidentes. démonstratives, évidentes.

Prop. 97. — Fides est neLa toi est nécessaire aux

cessaria hominibus rusticis, gens rustiques, ignorants,

insciis, ministralibus et non mercenaires, de basse intel habentibus intellectum eleligence, qui ne savent point

vatum, qui nesciunt cognosconnaître par la raison et

cere per rationem et diligunt aiment à connaître par la

cognoscere per fidem : sed foi. Mais un nomme subtil

homo subtilis facilius trahiest plus facilement attiré à

turad veritatemchristianam la vie chrétienne par la rai per rationem quam per fison que par la foi.

dem. (Noël Alexandre, Historiée ecclesiast., sæc. xiu et xiv, art. 20).

On a démontré, même article, col. 1135 sq., l’inauthenticité de ce document dont on a, à juste titre, fait disparaître les traces du nouveau Denzinger-Bannwart. Elles figuraient dans l’ancien Denzinger, au n. 474 sq.

Au xixe siècle, les systèmes semi-rationalistes d’Hermès, de Gunther, de Frohschammer, obligèrent le Saint-Siège à intervenir de nouveau. Les documents publiés à leur occasion par urégoire XVI et Pie IX préparèrent la définition du concile du Vatican. Nous avons indiqué, au début de cet article, les références à ces actes pontificaux. Nous n’avons pas, non plus, à exposer ici les erreurs visés par ces documents, puisqu’elles font l’objet d’articles spéciaux.

L’enseignement des théologiens.

Au point de

vue doctrinal, cet enseignement n’ajoute rien à la doctrine de l'Église. En règle générale, les théologiens suivent saint Thomas, exposant, notamment dans le préambule du IVe livre de la Summa cont. Génies, le triple mode de connaissance des vérités religieuses accordé à l’intelligence humaine : connaissance par les seules forces de la raison, en ce qui concerne les vérités qui nous sont naturellement accessibles ; connaissance des mystères ici-bas par la foi, dans le ciel par la vision béatifique.

La spéculation théologique s’enrichit toutefois d’un développement concernant la possibilité de démontrer a priori l’existence des mystères. On affirme généralement : 1. qu’il est impossible de démontrer l’inexistence des mystères ; 2. que, s’il s’agit de mystères entendus en un sens large, sans précision de mystères surnaturels proprement dits, il est évident qu’il existe des mystères, en raison même de l’infinie perfection de l’intelligence divine ; cf. S. Thomas, Sum. cont. Génies, t. I, c. iii, 3. qu’il semble toutefois impossible de démontrer a priori, c’est-à-dire avant toute révélation, l’existence de mystères surnaturels proprement dits, uniquement d’ailleurs parce que nous n’en pouvons avoir, avant leur révélation, aucune idée même simplement analogique ; 4. enfin, qu’en toute hypothèse, il n’est pas possible de démontrer a priori l’inexistence des mystères, même strictement surnaturels. Cf. Chr. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, t. i, n. 164-165.

3° Précisions concrètes relatives ù l’existence des mystères. — On a déterminé la nature des mystères et leur existence. On cherche maintenant quels sont, concrètement, les dogmes de notre foi ayant le caractère de mystères.

Les principes posés dans la constitution Dei Filius sont ici heureusement complétés par différents documents pontificaux. La lettre Gravissimas inler signale comme ayant surtout et très manifestement le caractère de mystères « les dogmes qui regardent l'élévation surnaturelle de l’homme et son commerce surnaturel avec Dieu » ; en condamnant les erreurs de

Frohschammer, elle indique qu’on ne peut, avec lui, faire rentrer dans le domaine de la raison et de la philosophie « les choses qui constituent surtout et à proprement parler la religion chrétienne et la foi, c’està-dire la fin même surnaturelle de l’homme, tout ce qui s’y rapporte et le très saint mystère de l’incarnation du Seigneur. » Denz.-Bannw., n. 1671, 1669. En somme, on doit ranger parmi les mystères proprement dits, « toutes les vérités qui rentrent dans l’ordre surnaturel et regardent la fin surnaturelle ou les moyens d’y parvenir, pourvu que ces vérités n’appartiennent point en même temps à l’ordre naturel qui découle de la création. > Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, n. 759. Et la raison en est que cet ordre surnaturel dépend de la libre volonté de Dieu, non seulement dans son exécution, comme l’ordre naturel, mais même dans sa détermination.

On aura remarqué que la Trinité n’est pas nommément indiquée dans les documents précités comme un mystère proprement dit. Et cependant c’est le mystère des mystères. Cette vérité est d’ailleurs affirmée dans le concile de Cologne de 1860, part. I, tit.il, c. i (ix), Mansi-Petit, Concil., t. xlviii, col. 84 ; dans le projet de constitution sur la doctrine catholique, élaboré par les théologiens du concile du Vatican, voir Mansi-Petit, t. un, col. 230 ; et dans la condamnation par Léon XIII de la prop. 25 de Rosmini, Denz.-Bannw., n. 1915.

III. Intelligence des mystères.

Le rôle de la raison humaine vis-à-vis des mystères n’est pas restreint à la production d’un acte de foi en ces vérités, telles qu’elles se présentent dans la révélation. Nous pouvons « en acquérir une certaine intelligence, par une étude attentive, pieuse et réservée ». Cette étude se fait au moyen des analogies que présentent les mystères avec l’ordre naturel, et qui résultent des connexions qu’ils ont entre eux et avec la fin dernière de l’homme. Enfin l’intelligence des mystères est un don de Dieu : Ratio quidem, fide illustrata, cum sedulo quærit, aliquam Deo dante mysteriorum intelligentiam assequitur, tum ex eorum qum naturaliter cognoscil analogia tume mysteriorum ipsorum nexii inter se et cum fine hominis ultimo. Toutefois, cette intelligence demeurera toujours obscure et imparfaite : nunquam tamen idonea redditur (ratio) ad ea perspicienda instar veritatum, quæ proprium ipsius objectum constituunt.

1° Une certaine intelligence des mystères est possible. — Elle résulte : 1. De l’analogie que les mystères présentent avec l’ordre naturel. — Les mystères, par euxmêmes, dépassent tout l’ordre créé et même créables Ils n’ont donc rien de commun avec les êtres créés naturels, mais ils peuvent avoir avec eux quelques points de ressemblance en ce qu’ils sont capables de produire des effets analogues, ou qu’ils ont des rapports avec les mêmes objets.

Plus les analogies seront rares et lointaines, et plus le mystère sera impénétrable à la raison. Quelques exemples illustreront cette vérité. La constitution de l'Église est un mystère, parce que le principe qui unit les fidèles dans l'Église est surnaturel comme l’autorité qui les dirige. Cependant on peut, dans une certaine mesure, avoir l’intelligence du mystère de l'Église par analogie avec l’organisation de la société civile. Les vertus surnaturelles, qui sont une participation à la vie divine, sont des mystères ; mais, par l’analogie de leurs effets avec l’effet des vertus naturelles, nous pouvons en saisir assez facilement les données. La comparaison de la fin surnaturelle avec la fin naturelle peut nous amener à saisir avec quelque justesse la notion de notre bonheur éternel. Plus difficilement peut-être se conçoit la vie surnaturelle de la grâce en elle-même, précisément parce qu’il est difficile de dire en quoi exactement consiste la vie