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MESSIANISME, LES PSAUMES PRÉEXILIENS


Le psaume xcn célèbre, comme les Septante l’ont déjà indiqué en lui donnant comme titre : « pour la veille du sabbat où la terre fut créée », la royauté de Jahvé, qui s’est manifestée au moment de la création, par la victoire sur les puissances du chaos. Jahvé est roi, il est revêtu de majesté, son trône est affermi dès le commencement ; tel est le contenu des deux premiers versets ; les trois suivants sont une description du tumulte des eaux qui remplirent le tehom et de l’empire que Jahvé a établi sur elles.

D’après Gunkel, Kittel, Stærk, ce chant serait un des principaux psaumes d’intronisation, un hymne mythico-esehatologique. Il annonce que le combat livré par Jahvé lors de la création se répétera à la fin des temps, lorsque Jahvé établira sa royauté intégrale. Pour trouver au ps. xcn un tel contenu, il faut partir de ce principe que la phrase « Jahvé est roi » dénote toujours un psaume eschatologique et le lire ensuite avec cette idée préconçue.

Le psaume xcvm est un hymne en l’honneur de Jahvé, roi du monde et d’Israël. Devant le Très-Haut assis sur les Chérubins, les peuples et la terre entière doivent trembler. Le maître de l’univers a comme qualités distinctives la sainteté et la justice. Il les a révélées d’une façon particulière au sein du peuple élu.

Les termes employés sont tout à fait généraux et ne peuvent se rapporter qu’au règne actuel de Jahvé. Aussi la plupart des exégètes n’ont-ils pas pensé à leur donner un sens eschatologique. Stærk relève expressément que le psaume n’a pas un contenu prophétique : c’est un hymne d’action de grâces après une victoire, mais le psalmiste exalte cette victoire comme l’ouverture de l’ère messianique. Kittel partage cette opinion. Bertholet, la Bible du Centenaire, et surtout Gunkel prennent même ce chant pour un véritable psaume d’intronisation. Aussi Gunkel traduit-il le f. l a : « Jahvé est devenu roi » et lit le f. l b : « il s’assit sur les Chérubins ». La vocalisation fautive des massorètes aurait caché jusqu’à nos jours le caractère eschatologique du psaume. Mais le changement de ioSeb « assis » en iaSab « il s’assit » n’est nullement justifié, et surtout il ne révèle en aucune façon que le psaume soit messianique.

Passages messianiques épars dans les psaumes.


Nous venons de constater qu’à côté des psaumes qui sont des oracles sur le Messie, aucun autre cantique préexilien n’a un contenu entièrement messianique. Parmi les prétendus psaumes eschatologiques un seul renferme des idées messianiques.

Parmi les autres psaumes qui semblent appartenir à l’époque des rois, trois seulement présentent encore la perspective messianique.

1. D’abord le psaume lxvii. C’est un hymne de procession. Le poète y glorifie Jahvé à cause des hauts faits opérés dans le passé et dans le présent et encore attendus pour l’avenir. Dans les versets qui se rapportent aux temps futurs, 29 sq., le cantique prend une tournure messianique. Dieu est prié de confirmer et d’achever ce qu’il a déjà fait pour son peuple. Qu’il menace surtout l’Egypte, « la bête sauvage des roseaux », et les autres peuples païens avec leurs rois. Alors ces rois viendront apporter des présents au temple de Jérusalem. Les puissants de l’Egypte eux-mêmes accourront et l’Ethiopie tendra ses mains vers Jahvé. Dès maintenant le psalmiste invite les royaumes de la terre à acclamer le Très-Haut. Voir P. Synave, L’universalisme dans le ps. LX VIII (LXVII) dans Revue des sciences pliilosophiques et théologiques, 1927, p. 51-58.

A peu près tous les exégètes donnent cette explication eschatologique aux ꝟ. 29-32. Gunkel a l’idée extravagante d’interpréter le psaume tout entier

comme eschatologique, même les passages où sont racontées la sortie de l’Egypte et la conquête de Canaan ; car tout ces événements d’après lui se répéteront à la fin des temps.

Il suppose" avec beaucoup d’exégètes une date très tardive pour le psaume, tandis que Kittel renonce à toute indication chronologique et que Stærk avoue son absolue indécision.

2. En second lieu : lxxx, 14-17 : « Ah ! si mon peuple voulait m’écouter, si Israël voulait marcher dans mes voies ! A l’instant j’humilierais ses ennemis, je tournerais ma main contre ses adversaires. Ceux qui haïssent (maintenant) Jahvé, le flatteraient et vivraient dans une crainte éternelle. Je le nourrirais de la fleur du froment, je le rassasierais du miel du rocher. » Ces versets clôturent un hymne de fête et expriment que le salut espéré viendra dès qu’Israël s’en rendra digne. La désobéissance du peuple retient les faveurs que Jahvé voudrait lui accorder.

Bien que le ꝟ. 17 rappelle Deut., xxxii, 12-14, le psaume n’est pas postexilien comme le prétendent Kittel, Bertholet, Duhm. S’il datait d’un temps postérieur à la captivité, le bienfait du retour serait sans doute mentionné. Bæthgen et Gunkel le placent avant la destruction de Jérusalem.

3. Le troisième texte est le psaume lxxxvi. Celuici appartient au groupe des hymnes qui exaltent Jérusalem. Parmi les titre de gloire de la ville sainte, le poète relève qu’elle est la patrie de tous les adorateurs de Jahvé. Malheureusement le texte est mal conservé. S’agit-il seulement ici du rôle que Sion joue comme centre religieux des Juifs dispersés et des prosélytes ? Ou le privilège y est-il en outre envisagé dont elle jouira comme capitale du royaume messianique ? Il est curieux que tous les exégètes que nous avons vu relever à outrance le caractère eschatologique de maint psaume ne l’admettent pas pour celui-ci. Bæthgen par contre tient avec raison que ce cantique est à rapprocher des prophéties d’Isaïe, h, 2-4 ; xi, 10 ; xviii-xix, sur la conversion des nations étrangères. La plupart des exégètes catholiques ajoutent à l’explication historique l’interprétation prophétique. En effet la proclamation que les grandes nations ont droit de cité à Jérusalem et qu’elles sont regardées par Dieu comme nées à Sion ne s’explique complètement que comme oracle eschatologique.

Tous les critiques qui rapportent ce psaume uniquement aux Juifs de la dispersion ou aux prosélytes le prennent pour postexilien. Mais la mention de Babylone et de l’Egypte exclut, comme Bæthgen le relève avec raison, cette époque tardive.

4. A en croire surtout ceux qui ont découvert les psaumes eschatologiques, il y aurait encore d’autres psaumes préexiliens dans lesquels se rencontrent des versets messianiques. C’est ainsi que Kittel, Bertholet, Stærk prennent ps. vii, 7-9 a, pour une prière adressée à Dieu d’intervenir par le jugement du monde : « Lève-toi, Jahvé…, toi qui ordonnes le jugement. L’assemblée des peuples t’environne ; au-dessus d’elle remonte dans la hauteur. Jahvé juge les nations. » Ces paroles, mal conservées et déjà peu claires en elles-mêmes, sont surtout mystérieuses en raison de leur contexte. Le psaume est la supplication d’un individu persécuté et calomnié. Tout à coup celui-ci implore le Très-Haut de lui rendre justice devant les peuples par un jugement solennel. Il est bien possible que les versets qui contiennent cette demande soient intercalés après coup. Mais qu’ils aient appartenu au It’xle original ou non, jamais ils n’ont un caractère eschatologique ; car les peuples ne sont pas l’objet du jugement, ils en sont seulement, comme le relève justement Duhm, les spectateurs.

Les psaumes ix et x (hébr.), qui ont formé primi-