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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/102

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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES ARABES


de devenir moine ; le pacte était écrit sur une peau de bœuf qui avait jauni, et portait le sceau de Mohammad, que la paix soit sur lui. » P. O., t. xiii, p. 601 [281 ] ; cf. Barhébneus, Chronicon ecclesiaslicum, t. iii, col. 115-118. C’est trop beau pour être authentique, et ainsi en est-il du traité accordé aux chrétiens de Syrie. Annali…, t. iii, p. 958. On peut même douter des lettres écrites par Omar ou Othmân en faveur des chrétiens de Nedjrân, bien qu’elles soient plus vraisemblables et permettraient d’expliquer comment on a osé forger des documents plus généraux et plus favorables aux chrétiens. Annali…, t. iv, p. 318 ; t. vii, p. 178 sq., 257. Iso’yahb II aurait reçu d’Omar pour les chrétiens une garantie écrite, « que l’on conserve jusqu'à ce jour », dit Mari, édit. Gismondi, p. 62, trad., p. 55 ; cf. Chronique de Séert, qui donne le texte de l'éciit, P. O., t. xiii, p. 620-623 [300-303].

La vie intérieure de l’Eglise nestorienne paraît pendant cette période avoir été normale : Mâr’emmeh, successeur d' Iso’yahb II, fut élu sans difficultés. On disait cependant qu’une certaine pression avait été exercée en sa faveur par un chef militaire arabe, dont il avait ravitaillé les troupes dans la région de Mossoul. Les nouveaux maîtres toutefois ne relevèrent pas la tradition sassanide de l’immixtion du pouvoir civil dans les affaires ecclésiastiques. 'Alï, dit Mari, lui avait remis pour lui-même et pour ses ouailles un sauf-conduit, l’autorisant à reqvérir l’aide des autorités musulmanes, p. 62, trad., p. 55. Mais la Chronique de Séert dit expressément qu’il mourut sous le * califat d’Othmân. P. O., t. xiii, p. 630 [310 ].

Iso’yahb III lui succéda, régulièrement élu à Séleucie-Ctésiphon. Il avait été élève de l'école de Nisibe, évêque de Ninive, puis métropolite d’Arbèles. Comme évêque, il avait accompagné Iso’yahb II dans son ambassade auprès d’Héraclius ; mais plus heureux que lui il n'était pas devenu suspect de complaisance pour les Grecs. Il avait d’ailleurs donné des preuves évidentes de son orthodoxie dans la lutte qu’il avait engagée contre Sahdonâ, son compagnon d’alors, qui était devenu chalcédonien et s’efforçait de gagner ses compatriotes à sa nouvelle conviction, Iëô'yahb III liber epistularum, édit. Rubens Duval, dans Corpus scriptorum christianorum orientalium, Scriplores suri, ser. IF, t. lxiv, Paris, 1905, p. 198, 202214, trad., p. 144, 147-155 ; cf. H. Goussen, MartyriusSahdona’s Leben und Werke…, ein Beitrag zur Geschichte des Katholizismus unter den Nestorianern, Leipzig, 1897.

A cette époque, le christianisme disparut presque entièrement sur la côte occidentale du Golfe Persique, dans l’Oman, Bahraynet ses îles, et toute cette partie du littoral arabe qui s'étend en remontant jusqu'à l’embouchure de l’Euphrate, et qu’on appelait en syriaque le Beit Qatarâyë. Comme les lettres d' Iso’yahb III ne sont pas datées, il est impossible de déterminer l’année précise des événements dont il parle, mais lorsqu’en 650 il devint catholicos, l’apostasie des chrétiens de l’Oman ou Mazûnâyë était déjà un fait accompli. Ils n’avaient pas eu besoin d'être contraints par les musulmans, ils avaient renié leur foi pour sauver la moitié de leur fortune. Liber epistularum, p. 248, 251, trad., p. 179 sq., 182. Le mal s'étendait dans le Beit Qatarâyë, dont les évêques avaient envoyé spontanément une formule d’adhésion aux autorités musulmanes. Iso’yahb s’efforce de sauver cette partie de son troupeau, convoque les évêques prévaricateurs, puis, après qu’ils ont été condamnés en synode par contumace, leur écrit avec charité, bien qu’ils aient porté leurs professions de foi musulmane signées et scellées devant les tribunaux, se fermant eux-mêmes toute possibilité de résipiscence. Ibid., p. 260-262, trad., p. 188 sq. Du moins

fallait-il essayer de retenir les fidèles. Iso’yahb réussit à enrayer le mouvement en s’appuyant sur les moines, qu’il n’hésite pas à dégager de l’obéissance envers les évêques. Ibid., p. 262-283, trad., p. 189 201.

Le Fars aussi, sur la côte orientale du Golfe Persique, était vacillant : Iso’yahb écrit à Siméon, métropolite de Rewardasir, le suppliant de ne pas persister dans ces idées séparatistes qui travaillaient depuis le schisme de Narsaï et Elisée la chrétienté de Peiside. Deux métropolites et plus de vingt évêques, des deux côtés du golfe, ont négligé de venir trouver le catholicos pour recevoir de sa main la plénitude du sacerdoce. Comment pourraient-ils résister efficacement à l’ennemi, s’ils ne s’appuient pas sur celui qui est poulies pays d’Orient le successeur de Pierre ? Le catholicos écrit, envoie comme visiteurs les évêques d’Hormizdardasir et de Suster. Ibid., p. 247-260, trad., p. 179-188. La chrétienté de Perside ne disparut pas toutefois, on a pu suivre ses traces jusqu’au début du xie siècle, mais il est certain qu’elle fut dès lors très réduite. E. Sachau, Vom Christentum in Persis, dans Sitzungsberichte der k. preuss. Akad. der Wissen., 1916, p. 973-976.

Ces régions mises à part, il semble que le christianisme ait plutôt prospéré, les mazdéens n’ayant plus rien à redouter des autorités civiles s’ils venaient à se faire baptiser. Iso’yahb plaisante ces mages, fonctionnaires q’un empire détruit, qui s’agitent contre une Église bien vivante. Liber epistularum, p. 287, trad., p. 171. Ailleurs, il déclare que les musulmans, « non seulement n’attaquent pas la religion chrétienne, mais recommandent notre foi, honorent les prêtres et les saints du Seigneur, sont les bienfaiteurs des églises et des monastères », p. 251, trad., p. 123. La situation devait être favorable surtout dans la Mésopotamie septentrionale, qui, dès 646, était passée sous le gouvernement de Mu’awiyyah et jouissait d’une bonne administration, car c’est généralement l’anarchie administrative qui a provoqué chez les Arabes les crises de fanatisme anti-chrétien, i

On peut dire que, dans l’ensemble du territoire de l’ancien empire perse, la situation des chrétiens fut dès lors ce qu’elle est restée jusqu'à nos jours en Turquie et en Perse : tolérés comme des citoyens d’une espèce inférieure, soumis par moments à des vexations plutôt qu'à de véritables persécutions, les nestoriens ont été les victimes d’un effritement perpétuel. Tant qu’il y eut des adorateurs du feu, il y eut encore des conversions, mais à partir des dernières années du vm c siècle en Mésopotamie et dans la partie occidentale de l’Iran, un peu plus tard pies de la Caspienne et vers l’Est, les chrétientés ne se sont maintenues que par le jeu des naissances. On n’a guère d’exemples d’apostasies en masse, mais, lassés par les vexations, plus accablantes à certaines époques ou dans tels cantons, tentés par des situations pécuniairement plus avantageuses, alléchés par la perspective d’un mariage avec une musulmane, nombreux au cours des siècles sont ceux qui abandonneront leurs croyances. Mais beaucoup plus nombreux, surtout dans les rudes régions de l’Adiabène, du Kurdistan, de l’Azerbeidjan, ceux qui accepteront de rester dans leurs humbles villages, exposés aux rapines et aux attaques sanglantes des Kurdes, par exemple Thomas de Marga, op. cit., p. 294, 320, trad., p. 524, 563, opprimés par les riches Arabes, qui se sont taillés de fructueux domaines, souvent par le vol et le massacre, par ex. ibid., p. 239-244, 314, trad., p. 450-457, 555, véritables martyrs de la foi chrétienne, puisqu’il suffirait pour échapper au danger de se déclarer musulman.

La vie des chrétientés nestoriennes devrait être décrite par canton, tant elle dépend de l’arbitraire de