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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/113

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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) EN ASIE CENTRALE


princes de leur famille, dont ils étaient les ministres et les scribes. On comprend dès lors comment, conseillers et princesses unissant leur influence, les princes mongols furent, jusqu’au moment où ils se tournèrent vers l’Islam, à peu près toujours bienveillants poulies chrétiens et spécialement pour les nestoriens.

Guyuk était si favorable aux chrétiens que son camp, au dire de Barhébræus, était rempli d'évêques, de prêtres et de moines ; deux de ses ministres, Qadak et Cinqaï, étaient chrétiens. Mais la manière dont ce souverain parle du baptême, dans sa lettre du Il novembre 1246 au pape Innocent IV, ne peut être le langage d’un baptisé. P. Pelliot, Les Mongols et la papauté, dans Revue de l’Orient chrétien, t. xxiii, 19221923, p. 18. C’est qu’au début de son court règne Guyuk n'était pas chrétien ; il le devint seulement le 6 janvier 1248, par les mains de l'évêque nestorien Malachie, comme le rapportèrent les chrétiens mossouliotes, David et Marc, qui arrivèrent à Chypre en juin 1248 comme ambassadeurs des Mongols. Leur témoignage est corroboré par l’assertion de Barhébneus, qui donne Guyuk comme chrétien et par celui du musulman Rasid ad-din. Djami el-tévarikh, Histoire générale du monde…, éd. E. Blochet, t. ii, Leyde, 1911, -dans E. J. W. Gibb Mémorial, t. xviii, 2, p. 247-249.

Nous avons dit déjà, col. 195, que Houlagou épargna les chrétiens lors du sac de Badgad, et favorisa le catholicos nestorien, en lui donnant un palais nouveau. Houlagou fut inspiré sans doute en cela par sa femme chrétienne, Dokouz khatoun, qui le détermina peu après à lancer une armée en Syrie et Palestine, afin de libérer les Lieux saints de la domination musulmane. L. Cahun a qualifié justement de « croisade mongole » cette expédition commandée par un général chrétien, qui échoua près de Jérusalem le 3 septembre 1260, à la bataille de 'Aïn Djalout, tandis que Houlagou avait été rappelé en Asie centrale par la mort du chef de la famille. Introduction à l’histoire de l’Asie, p. 338.

Mangou-khan (al. Mongka), frère et suzerain de Houlagou, comme lui fils d’une chrétienne, ne se montra pas moins bienveillant pour les chrétiens, encouragé sans doute par son premier ministre, Bolgaï, qui était un ôngut nestorien. P. Pelliot, Chrétiens d’Asie centrale…, p. 629. Ce khan accorda au catholicos un sceau d’or, qui lui permettait de délivrer aux fidèles de son obédience des documents, faisant foi aux yeux des autorités mongoles et servant de passeport. Le fait est raconté dans l’histoire de Yahballâhâ III, à propos de la disparition de ce sceau dans une persécution que les chrétiens subirent à Maragha en 1297. Éd. Bedjan, p. 117 ; J.-B. Chabot, Histoire de Mar Jabalaha III, dans Revue de l’Orient latin, t. ii, 1894, p. 240 (tiré à part, p. 120). L’information du biographe est parfaitement exacte : le sceau donné par Mangou était resté en service à la chancellerie du catholicos. Les lettres envoyées par Yahballâhâ III au souverain pontife en 1302 et 1304, dont sur les indications du P. Korolevskij j’ai retrouvé les originaux aux Archives du Vatican, A(rchivum) A(rcis), i-xviii, n. 1800, portent quatre empreintes de ce sceau, ou plutôt de celui qui fut gravé pour le remplacer après l’aventure de 1297. L’inscription rédigée en mongol, mais écrite en caractères syriaques, comprenant vingt lignes de texte distribuées, cinq par cinq en forme de croix, sera publiée par M. Pelliot dans sa série d’articles : Les Mongols et la papauté, cf. Revue de l’Orient chrétien, t. xxiii, 1922-1923, p. 5. Reconnaissant envers Mangoukhan de la bienveillance qu’il avait manifestée aux chrétiens, le biographe de Yahballâhâ III fait suivre son nom du souhait habituellement réservé aux fidèles

défunts : « Que Notre-Seigneur accorde le repos à son âme et lui donne une part avec les saints ! » Histoire…, trad. Chabot, loc. cit.

Les ordres des souverains mongols valaient pour tout leur domaine : leur bienveillance vis-à-vis de l'Église nestorienne lui permit de se réorganiser en Chine. Nous avons dit, col. 206, que le christianisme disparut en Chine après la proclamation de l'édit rendu en 845 par l’empereur Wou Tsoung contre les religions étrangères. H. Cordier, Histoire générale de la Chine, 1. 1, Paris, 1920, p. 512. M. Le Coq, a reconnu dans les ruines de Karakhodja, près de Tourfan, les traces du massacre des moines bouddhistes qui eut lieu en exécution de cet édit, A. Le Coq, Buried treasures of chinese Turkestan, Londres, 1928, p. 62 ; ce qui montre que la proscription atteignit les limites occidentales de l’empire chinois. En dehors de la mention d’un monastère au Sseu-Tchou’an, un peu après 850, M. Pelliot déclare qu’il n’y a plus aucune trace du christianisme en Chine à l'époque des T’ang. Chrétiens d’Asie centrale…, p. 626.

Au xie siècle, quelques communautés avaient dû se reformer ; toutefois, nous ignorons dans quelle partie de l’empire chinois, car le témoignage de l’auteur auquel nous devons cette information est peu explicite. Il dit seulement que Georges de Kaskar, consacré par Sabriso' III (1064-1072) pour le Khorassan et le Ségestan, partit en Chine et y resta toute sa vie. Mari, éd. Gismondi, p. 125, trad.. p. 110. Mais, dès le milieu du xme siècle, avant même que la conquête de la Chine par les Mongols eût été terminée, les nestoriens, au dire de Guillaume de Rubrouck, étaient installés dans quinze villes du Cathay, avec un évêque à Segin, qui est Si-ngan-fou. Ed. de Backer, p. 128. Ils n’y étaient pas en cachette, puisque Mangou renvoyait de Karakoroum au Cathay un prêtre répréhensible, afin qu’il y fût jugé par son évêque. Ibid., p. 251. En 1264, Koubilaï-khan apporte une modification aux exemptions d’impôts, dont jouissait le clergé chrétien au même titre que les clergés bouddhiste et taoïste. G. Devéria, Notes d'épigraptie mongole-chinoise, p. 403. Quelques années plus tard, en 1282, les prêtres chrétiens étaient inscrits aux distributions de grains faites par ordre de l’empereur. Ibid., p. 408. En 1289, Koubilaï instituait un office spécial, le Tch’ong-/ou-sseu, chargé de diriger dans tout l’empire l’administration du culte chrétien, c’est-à-dire l’exécution des sacrifices que doivent offrir, dans les temples de la Croix, les mâr-hasiâ et les rabbân-erkegun, évêques et prêtres nestoriens. P. Pelliot, Chrétiens d’Asie centrale…, p. 637.

En Perse, l’ilkhan mongol avait repris les traditions sassanide et musulmane : Abagha, fils de Houlagou, approuva successivement l'élection du catholicos Denhâ et celle de son successeur Yahballâhâ III. Amr et Slibâ, éd. Gismondi, p. 121-124, trad., p. 70 sq. Dès la première année de son pontificat, ce dernier obtenait que son Église fût régulièrement subventionnée. Histoire…, trad. Chabot, dans Revue de l’Orient latin, t. i, 1893, p. 610, extrait, p. 44

J.-S. Assémani, Bibliotheca orienlalis, t. ni ii, p. cicxxxviu : Kestorianurum status sub Tarlaris seu Mogulis ; p. cccci.xviu-div : Christiani in Tartaria, p. nv-Dxxxvii : Christiani in Chataja et Sina. Toute l’information d’Assémani, d’après les chroniqueurs syriens et arabes, doit être sérieusement contrôlée : ses sources sont surtout Barhébræus, .Mari, Amr et Sliha, dont les textes ont été édités postérieurement à la Bibliotheca orientalis. Les sources persanes et turques sont incomplètement publiées et encore moins traduites ; leur utilisation a été entreprise surtout par W. Rarthold, dont il faut citer au moins l'étude parue en russe, dans le Zapiski vostOC"nago otdiéleniia imperatorskago russkago archeologiàeskago obséoestva, Saint-Pétersbourg, t. viii, 1893, p. 1-32, traduite