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NESTORIKNNE (L'ÉGLISE), ÉPOQUE MODERNE


fisamment suscité d’opposition dans son entourage et parmi les tribus pour qu’il renonçât à son projet.

Le mouvement en faveur du catholicisme continua, cependant, sous la direction de deux neveux du patriarche, Abraham, évêque du Hakkiari, et son frère Nemroud ; et il prit une telle extension que Léon XIII, par bref du 3 juillet 1902, nomma le patriarche Emmanuel II Thomas comme son délégué auprès des nestoriens, en lui donnant tout pouvoir pour admettre à la communion catholique tous évêques et prêtres qui se convertiraient. Il y avait peut-être 40.000 personnes adhérant à ce mouvement, mais, pour en faire des catholiques, il aurait fallu du personnel en mesure d’assurer leur instruction. Or, il n’y avait que deux ou trois missionnaires dominicains à Mar Ya’koub, et autant à Van, aux deux extrémités du pays nestorien, un vicaire patriarcal et trois moines chaldéens à Van, une trentaine de maîtres d'écoles recrutés au mieux, épars dans les villages favorables. Sur ces entrefaites, Simon XVIII mourut en 1903, tandis que ses neveux Abraham et Nemroud se trouvaient à Mossoul pour traiter de la réconciliation. Le parti opposé au catholicisme en profita pour désigner comme patriarche à la place d’Abraham l’héritier présomptif, un de ses cousins, Benjamin, âgé de 19 ans, qui devint Simon XIX. Les agissements de ce parti, l’argent anglais et la pression russe arrêtèrent en partie le mouvement d’union. Cependant la montagne se laissait pénétrer par la propagande catholique : en 1912, les dominicains installaient définitivement la station d’Achita et commençaient la construction d’une église dédiée à la Mère de Dieu. Les sœurs indigènes ouvraient une école pour les filles, et l’on était sur le point de transporter le pensionnat de Mar Ya’koub en cette localité qui était le centre religieux le plus influent du pays nestorien, lorsqu 'éclata la Grande-Guerre.

Simon XIX se tourna vers la Russie, tandis que Nemroud et les catholiques préféraient demeurer jusqu'à la fin de la guerre les sujets loyaux de l’empire ottoman. Simon XIX fit assassiner Nemroud et plusieurs de ses parents, puis décida l’exode des nestoriens vers la Perse, ce qui ne se fit pas sans le pillage de quelques villages kurdes. Vers la fin de l'été 1915, lorsqu’une division ottomane monta de Mossoul pour manœuvrer l’aile gauche de l’armée russe, toutes les populations chrétiennes de la montagne passèrent dans l’Azerbeidjan persan pour se placer à l’intérieur des lignes russes. Mais, en 1917, lorsque les Russes se retirèrent, leur laissant quelques armes, ces réfugiés se trouvèrent entourés d’ennemis ; en 1918, leurs munitions étant épuisées, quelques-uns des nestoriens de ce groupement se retirèrent en Russie avec les Arméniens de la région, tandis que le plus grand nombre se portait vers la partie de la Mésopotamie occupée par les Anglais. Ils arrivèrent à Bakouba, sur la frontière persane, au nord de Mossoul, environ 60.000 et furent recueillis dans un camp de concentration formé à cet endroit.

Simon XIX ayant été assassiné en Perse, on lui donna pour successeur son frère Paul, âgé de 24 ans, qui devint Simon XX. Celui-ci rentré à Mossoul en 1919, en un temps où l’application des accords Sykes-Picot était encore probable, manifesta de la sympathie pour le catholicisme. Mais après l’extension du mandat anglais à la région de Mossoul, il fut éloigné de cette ville et mourut bientôt de consomption. Il fut remplacé par Isaïe, enfant de 13 ans, qui, aussitôt après sa consécration, fut emmené en Angleterre pour y faire ses études. La direction des affaires de la nation passa dès lors entre les mains de son père « t de sa tante, qui devint la véritable régente de la .nation nestorienne. Rentré à Mossoul en 1927, le

DICT. DE THÉOL. CATH.

jeune patriarche, pensionné par l’Angleterre ainsi que sa famille, se trouve passablement dépaysé au milieu de son clergé. Il est reconnu par le gouvernement iraquien comme chef civil du groupement de 20.000 nestoriens environ, qui subsistent en Iraq ; il est reconnu en outre comme chef religieux par les 10.000 nestoriens de Russie et les 6.000 qui se trouvent aux Indes.

Cependant au point de vue religieux, les nestoriens de la montagne sont dans une profonde déchéance : ils n’ont presque plus de prêtres, et ceux-ci n’ont aucune formation théologique. L’union du patriarche avec l'Église anglicane, qui reconnaît le mariage des évêques, a créé une division dans l'Église nestorienne : les mécontents se groupent autour de Timothée, évêque de Malabar, et du prêtre Joseph, qui a fondé à Mossoul une école opposée à celle que le patriarche a confiée à un missionnaire de l'Église épiscopalienne d’Amérique. Telle est la triste condition de l'Église nestorienne à l’heure actuelle.

La meilleure information surles nestoriens à l'époque contemporaine reste celle de Badger, The nestorians and their rituals, 2 vol. Londres, 1852 : on y trouvera, t. i, p. 392400, une statistique très soignée sur l'état de l'Église nestorienne pour les années 1840-1855. Aux ouvrages mentionnés col. 159, on pourra ajouter W. A. Wigram, The Assyrians and their neighbours, Londres, 1929, mais il y a peu à prendre dans ce livre, qui est très superficiel et passablement partial. Sur les massacres de 1843-1847, voir une note anonyme, Histoire de Bed er-Klian, dans Revue de l’Orient chrétien, t. v, 1900, p. 649-653. Sur l’avènement de Simon XIX et le rôle de la mission anglicane, A. Ratel, L'Église nestorienne en Perse et en Turquie, dans Échos d’Orient, t. vii, 1904, p. 291 sq. Sur le sort des nestoriens en Perse à la fin de la guerre, P. Caujole, Les tribulations d’une ambulance française en Perse, Paris, 1922, souvenirs d’un témoin oculaire, qui a participé à la défense des nestoriens. Sur les massacres en territoire ottoman, J. Naayem, Les Assuro-Chaldéens et les Arméniens massacrés par les Turcs, Paris, Barcelone et Dublin, 1920.

Les missions protestantes en pays nestorien.


1. Les missions américaines.

C’est en 1830 que les Américains prirent contact pour la première fois avec l'Église nestorienne, et en 1834 qu’ils fondèrent la mission d’Ourmiah. En 1836 et 1838, les missionnaires ouvrirent deux écoles avec internat pour garçons et filles, et en 1839 installèrent une imprimerie. Une des premières entreprises de ces intrépides pionniers fut de traduire la Bible entière dans le dialecte syriaque, parlé dans les environs d’Ourmiah.

La méthode suivie pour développer l’influence protestante fut celle des réveils ou revivais, appliquée au moyen des jeunes gens formés dans les écoles d’Ourmiah, les missionnaires évitant soigneusement de créer des communautés protestantes, et laissant leurs adhérents participer comme ils en avaient la coutume, aux offices de leur Église. Après quelques années, ils admirent à la cène protestante, qu’ils célébraient chez eux, les plus avancés de leurs disciples ; en 1855 seulement la première congrégation fut établie avec 158 membres. Parmi les collaborateurs indigènes de la mission, il faut citer un évêque nommé Élie et le diacre Isaac, frère du patriarche Simon XVII. J. Richter, A history of protestant missions in the Near East, Edimbourg et Londres, 1910, p. 294-303.

En 1870, l’association américaine pour les missions, ou American board of foreign missions, transféra aux presbytériens la mission d’Ourmiah. Il y avait alors 700 fidèles, qui assistaient aux réunions protestantes du culte et 960 enfants dans les écoles. Les nouveaux missionnaires jugèrent qu’il était impossible de continuer à vivre dans l’ancien cadre, et procédèrent à la création d’une Église nestorienne réformée. On estimait que l’influence de la mission s'étendait sur 25.000 nestoriens ; néanmoins, il n’y avait en 1907

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